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15/03/2023 | FRANCE | N°18LY03261

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 mars 2023, 18LY03261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, la société civile immobilière Château de Rosières, Mme F... G..., M. et Mme D... C..., M. E... B... et M. E... de Saint-Seine ont demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2015 par lequel le préfet de la région Bourgogne a autorisé la société Eole Res à exploiter un parc éolien de dix-sep

t aérogénérateurs et cinq structures de livraison sur les territoires des communes de Mont...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, la société civile immobilière Château de Rosières, Mme F... G..., M. et Mme D... C..., M. E... B... et M. E... de Saint-Seine ont demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2015 par lequel le préfet de la région Bourgogne a autorisé la société Eole Res à exploiter un parc éolien de dix-sept aérogénérateurs et cinq structures de livraison sur les territoires des communes de Montigny-Momay-Villeneuve-sur-Vingeanne, de Pouilly-sur-Vingeanne et de Saint-Seine-sur-Vingeanne ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Eole Res la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601325 du 25 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du préfet de la région Bourgogne du 9 décembre 2015 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédures devant la cour

I°) Par une requête enregistrée le 24 août 2018 sous le n° 18LY03261 et un mémoire enregistré le 15 novembre 2019, la société Res, représentée par Me Gelas, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 juin 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres devant le tribunal administratif de Dijon ;

3°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée ;

4°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer le temps de la régularisation par une autorisation modificative ou de prononcer une annulation partielle de l'autorisation en litige, limitée à l'avis de l'autorité environnementale, en ordonnant une reprise de l'instruction limitée à cette phase de la procédure ;

5°) de mettre à la charge de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 août 2019, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, désignée représentant unique, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, la société civile immobilière Château de Rosières, Mme F... G..., M. et Mme D... C..., M. E... B... et M. E... de Saint-Seine, représentés par Me Monamy, avocat, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge de la société Res et, le cas échéant, de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt avant dire droit du 11 février 2021, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer sur les conclusions présentées par la société Res jusqu'à l'expiration du délai de dix mois imparti au ministre de la transition écologique pour justifier de l'intervention d'un arrêté de régularisation de l'autorisation délivrée par le préfet de la région Bourgogne le 9 décembre 2015.

Par un mémoire enregistré le 9 mars 2022, la société Res a communiqué l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 2 mars 2022 portant autorisation modificative de l'autorisation du 9 décembre 2015.

Un mémoire présenté pour l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres a été enregistré le 14 mars 2022 et n'a pas été communiqué.

Par quatre mémoires enregistrés le 3 mai 2022, le 23 juin 2022, le 26 septembre 2022 et le 26 octobre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres concluent aux mêmes fins que précédemment et demandent en outre à la cour d'annuler l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 2 mars 2022.

Ils soutiennent que :

- ils s'approprient l'argumentation développée dans la note de M. A... ;

- le dossier soumis à l'enquête publique complémentaire n'était pas complet, à défaut pour le pétitionnaire de l'avoir actualisé des dernières connaissances relatives aux migrations des milans royaux ;

- le préfet a méconnu les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, en s'abstenant d'exclure l'éolienne T 13 en dépit de son impact sur les chiroptères ;

- les prescriptions imposées au pétitionnaire sont insuffisantes pour assurer la protection des chauves-souris, au vu de l'avis émis par la MRAE et par la commission d'enquête ;

- les prescriptions imposées au pétitionnaire sont insuffisantes pour assurer la protection de l'avifaune, au vu notamment des nouvelles données recueillies sur la migration des milans royaux, ou insuffisamment précises ;

- en permettant ainsi la destruction de milans royaux, espèce protégée menacée d'extinction, le préfet devait imposer au pétitionnaire d'obtenir préalablement une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées en application de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ;

- en n'exigeant pas de mesures de compensation des atteintes portées aux espèces protégées, le préfet a méconnu les articles L. 110-1, L. 122-1-1 et L. 511-1 du code de l'environnement.

Par trois mémoires enregistrés le 2 juin 2022, le 9 septembre 2022 et le 11 octobre 2022, la société Q Energy France, venant aux droits de la société Res, conclut aux mêmes fins que précédemment et demande à la cour de rejeter les conclusions de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 2 mars 2022 ou, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer le temps de sa régularisation par une autorisation modificative.

Elle soutient que les moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 2 mars 2022 qui soit sont irrecevables, soit ne sont pas fondés, seront écartés.

Par une ordonnance du 11 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 26 octobre 2022.

II°) Par une requête enregistrée le 4 septembre 2018 sous le n° 18LY03416, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 juin 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres devant le tribunal administratif de Dijon.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 août 2019, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, désignée représentant unique, la société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, la société civile immobilière Château de Rosières, Mme F... G..., M. et Mme D... C..., M. E... B... et M. E... de Saint-Seine, représentés par Me Monamy, avocat, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge de l'Etat, et le cas échéant de la société Res, la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt avant dire droit du 11 février 2021, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer sur les conclusions présentées par le ministre de la transition écologique et solidaire jusqu'à l'expiration du délai de dix mois imparti à celui-ci pour justifier de l'intervention d'un arrêté de régularisation de l'autorisation délivrée par le préfet de la région Bourgogne le 9 décembre 2015.

Un mémoire présenté pour l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres a été enregistré le 14 mars 2022 et n'a pas été communiqué.

Par un mémoire enregistré le 3 mai 2022, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres concluent aux mêmes fins que précédemment et demandent en outre à la cour d'annuler l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 2 mars 2022.

Ils soutiennent que :

- ils s'approprient l'argumentation développée dans la note de M. A... ;

- le dossier soumis à l'enquête publique complémentaire n'était pas complet, à défaut pour le pétitionnaire de l'avoir actualisé des dernières connaissances relatives aux migrations des milans royaux ;

- le préfet a méconnu les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, en s'abstenant d'exclure l'éolienne T 13 en dépit de son impact sur les chiroptères ;

- les prescriptions imposées au pétitionnaire sont insuffisantes pour assurer la protection des chauves-souris, au vu de l'avis émis par la MRAE et par la commission d'enquête ;

- les prescriptions imposées au pétitionnaire sont insuffisantes pour assurer la protection de l'avifaune, au vu notamment des nouvelles données recueillies sur la migration des milans royaux, ou insuffisamment précises ;

- en permettant ainsi la destruction de milans royaux, espèce protégée menacée d'extinction, le préfet devait imposer au pétitionnaire d'obtenir préalablement une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées en application de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ;

- en n'exigeant pas de mesures de compensation des atteintes portées aux espèces protégées, le préfet a méconnu les articles L. 110-1, L. 122-1-1 et L. 511-1 du code de l'environnement.

Par un mémoire enregistré le 10 juin 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a communiqué l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 2 mars 2022 portant autorisation modificative de l'autorisation du 9 décembre 2015.

Par une ordonnance du 24 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 8 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Kerjean-Gauducheau, avocat, représentant la société Q Energy France, et de Me Monamy, représentant l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres ;

Des notes en délibéré ont été produites les 7 et 10 mars 2023 pour la société Q Energy France dans l'instance n° 18LY03261.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 décembre 2015, le préfet de la région Bourgogne a autorisé la société Eole Res, devenue depuis société Res puis société Q Energy France, à exploiter dix-sept éoliennes et cinq postes de livraison répartis sur les territoires des communes de Montigny-Momay-Villeneuve-sur-Vingeanne, de Pouilly-sur-Vingeanne et de Saint-Seine-sur-Vingeanne. Saisi par l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté par un jugement du 25 juin 2018, dont la société Res et le ministre de la transition écologique et solidaire relèvent appel par deux requêtes distinctes.

2. Par un arrêt avant dire droit du 11 février 2021, la cour a joint ces requêtes et retenu comme fondés deux moyens tirés, respectivement, de l'irrégularité de l'avis émis par l'autorité environnementale et de l'insuffisance du dossier de demande d'autorisation quant aux capacités financières du pétitionnaire. Estimant ces vices régularisables, elle a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer sur les conclusions présentées par la société Res et le ministre de la transition écologique et solidaire jusqu'à l'expiration du délai de dix mois imparti à ce dernier pour justifier de l'intervention d'un arrêté de régularisation de l'autorisation du 9 décembre 2015.

3. En exécution de cet arrêt, le préfet de la Côte-d'Or a, par un arrêté du 2 mars 2022, délivré une autorisation modificative de l'autorisation du 9 décembre 2015.

Sur la régularisation de l'autorisation du 9 décembre 2015 :

4. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (...) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".

5. A compter de la décision par laquelle le juge administratif sursoit à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour régulariser une autorisation environnementale, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de la mesure de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'elle n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

6. Lorsque le juge a sursis à statuer afin de permettre la régularisation d'un vice de forme ou de procédure affectant la légalité de l'autorisation, il appartient à l'autorité compétente de procéder à cette régularisation en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle la décision attaquée a été prise. En revanche, lorsque la régularisation concerne un vice de fond, l'autorité compétente y procède en faisant application des règles en vigueur à la date de la décision complémentaire.

S'agissant de l'insuffisance du dossier de demande d'autorisation :

7. En vertu du 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance de l'autorisation litigieuse, la demande d'autorisation mentionne " les capacités techniques et financières de l'exploitant ". Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire est tenu de fournir, à l'appui de sa demande, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières.

8. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population, les éléments du dossier de demande devant par ailleurs figurer dans le dossier soumis à enquête publique en vertu des articles L. 512-1 et R. 123-6, ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

9. Il résulte de l'instruction que la société Res a complété son dossier de demande quant à ses capacités financières, en précisant son chiffre d'affaires moyen annuel au cours des trois précédents exercices, la progression de ses fonds propres entre 2013 et 2020 et le montage financier envisagé, composé pour 20 % de fonds propres et 80 % d'emprunts bancaires. En prévoyant, en cas de refus bancaire, un financement assuré exclusivement par des fonds propres, elle n'avait pas à l'assortir de l'engagement d'un établissement bancaire à la financer. Par suite, la société Res a ainsi fourni, à l'appui de sa demande, des indications précises et étayées sur ses capacités financières. Il est constant que ces nouveaux éléments ont été soumis au public au cours de l'enquête publique complémentaire organisée du 9 au 24 novembre 2021. La société Res a ainsi régularisé ce vice, conformément au point 66 de l'arrêt avant dire droit.

S'agissant du vice tiré de l'irrégularité de l'avis émis par l'autorité environnementale :

10. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 2 mars 2022 a été précédé, conformément au point 64 de l'arrêt avant dire droit du 11 février 2021, de la consultation de la mission régionale d'autorité environnementale de Bourgogne-Franche-Comté (MRAE), qui a rendu son avis le 10 août 2021. Il est constant que ce nouvel avis a été soumis au public au cours de l'enquête publique complémentaire organisée du 9 au 24 novembre 2021. La société Res a ainsi régularisé ce vice, conformément aux points 64 et 65 de l'arrêt avant dire droit.

S'agissant de l'insuffisance du dossier soumis à enquête publique complémentaire :

11. Contrairement à ce que prétendent l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres, l'arrêt avant dire droit, en prévoyant que, dans le cas où l'avis de l'autorité environnementale recueilli à titre de régularisation diffère substantiellement de celui qui avait été porté à la connaissance du public à l'occasion de l'enquête publique dont le projet a fait l'objet, une enquête publique complémentaire devra être organisée, dans le cadre de laquelle devaient être soumis au public, outre les nouveaux éléments fournis par le pétitionnaire quant à ses capacités financières et l'avis de la MRAE recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par ceux-ci, notamment une insuffisance de l'étude d'impact, cet arrêt n'impliquait pas de la part du pétitionnaire qu'il mette à jour l'ensemble de son dossier de demande. En invoquant de nouvelles études relatives à la migration du milan royal, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres ne démontrent pas que l'insuffisance, qu'ils en déduisent, aurait été révélée par les nouveaux éléments, et notamment par l'avis émis par la MRAE, recueillis en vue de régulariser l'autorisation litigieuse. Par suite, aucune obligation pour le pétitionnaire de mettre à jour son dossier ne saurait résulter de ces études étrangères à la procédure de régularisation.

S'agissant de l'insuffisance des prescriptions telles que complétées par l'autorisation modificative :

En ce qui concerne les prescriptions relatives à la protection des chiroptères :

12. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Cet article L. 511-1 vise notamment " la protection de la nature, de l'environnement et des paysages ".

13. En premier lieu, s'agissant de l'éolienne T 13, la MRAE a, en synthèse de son avis du 10 août 2021, préconisé " une exclusion de la localisation proposée ", compte tenu de la proximité d'un boisement situé à 60 mètres. Si les recommandations formulées à cet égard par EUROBATS ou la SFEPM, prévoyant la mise en place d'une " zone tampon " de 200 mètres en lisière de boisement, sont dépourvues de caractère obligatoire, il n'est pas contesté que les chiroptères sont exposés à un risque de collision d'autant plus élevé que l'éolienne est proche d'un tel boisement. Il résulte de l'instruction, et ainsi que l'a relevé la MRAE, que l'éolienne T 13 devra être implantée, certes dans une clairière, mais au milieu d'un boisement, le bois de Pouilly, qui a été spécialement identifié comme présentant l'activité chiroptérologique la plus importante dans l'emprise du projet, y compris d'espèces particulièrement sensibles, telles que la noctule commune, ce qui en fait un secteur à enjeux modérés à forts. La société Res ne saurait remettre en cause cette appréciation en invoquant une faible activité en altitude des espèces de chiroptères concernées, en l'absence de relevés propres à le démontrer et opérés en hauteur et en lisière de boisement, ainsi que l'a relevé l'avis de la MRAE, non démenti sur ce point. Par ailleurs, aucune mesure particulière de suivi de la mortalité due à cette éolienne n'est prévue par l'autorisation modificatrice. Dans ces circonstances, les mesures de bridage telles que renforcées par l'autorisation modificative ne sauraient suffire à compenser l'atteinte susceptible d'être portée aux enjeux ainsi identifiés par une telle proximité de cette éolienne avec le boisement en cause. Par suite, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres sont fondés à soutenir que l'autorisation litigieuse, telle que modifiée par l'arrêté du 2 mars 2022, est entachée d'une illégalité, révélée par la procédure de régularisation, en ce qu'elle autorise l'éolienne T 13. Cette illégalité n'affecte qu'une partie divisible de l'autorisation litigieuse et n'est pas susceptible de régularisation, au sens des 1° et 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

14. En deuxième lieu, et compte tenu du risque de collision de chiroptères ainsi accru par la proximité de boisements, la MRAE a, dans son avis du 10 août 2021, également préconisé des mesures de bridage des différentes éoliennes situées à proximité d'un tel boisement, parmi lesquelles figure l'éolienne T 12. Si ces préconisations ont été reprises, par l'autorisation modificative, à l'égard des autres éoliennes visées, aucune mesure n'a été prévue à l'égard de l'éolienne T 12, alors même qu'elle se situe à proximité du bois de Montrepain. Comme précédemment, la société Res ne saurait remettre en cause la réalité d'une activité chiroptérologique en altitude, en l'absence de relevés propres à le démontrer, réalisés en hauteur et en lisière de boisement, ainsi que l'a relevé l'avis de la MRAE, non démenti sur ce point. Par suite, et en l'absence de toute autre justification apportée, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres sont fondés à soutenir que l'autorisation litigieuse, telle que modifiée par l'arrêté du 2 mars 2022, est entachée d'une illégalité, révélée par la procédure de régularisation, en ce qu'elle ne prévoit aucune mesure de bridage à l'égard de l'éolienne T 12. Cette illégalité n'affecte qu'une partie divisible de l'autorisation litigieuse, au sens du 1° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

15. En revanche, si l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres soutiennent que les mesures de bridage imposées aux éoliennes ainsi situées à proximité d'un boisement sont insuffisantes, les seuls avis dont ils se prévalent, émis par le conseil national de la protection de la nature sur d'autres projets de parcs éoliens, ne sauraient suffire à le démontrer, en particulier s'agissant de la vitesse du vent en-deçà duquel le bridage est exigé, l'étude d'impact, fondée sur une étude de 2008, établissant une très forte baisse de l'activité chiroptérologique dès la vitesse de 6 mètres par seconde. Il en est de même s'agissant de la période de bridage, les relevés effectués sur un autre parc éolien proche de celui en litige, dont ils prévalent, confirmant une activité encore très faible au mois d'avril et fortement réduite dès le mois d'octobre. Par ailleurs, contrairement à ce que prétend M. A..., dont l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres ont indiqué s'approprier les observations jointes à leur mémoire, la procédure de suivi, fixée par l'article 3.2 de l'autorisation modificative pour le dispositif de détection des rapaces et justifiée par le caractère expérimental de celui-ci, n'avait pas à être transposée au dispositif de bridage prévu pour la protection des chiroptères. A défaut d'établir l'insuffisance des mesures de bridage, M. A... ne saurait davantage soutenir qu'un dispositif de suivi des chiroptères en altitude aurait dû être imposé. Enfin, eu égard aux contrôles susceptibles d'être diligentés par l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement à l'égard de telles installations, aucune mesure supplémentaire de contrôle du respect de ces prescriptions n'avait à être prévue par l'autorisation modificative. Ainsi, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres ne sont pas fondés à contester les modalités du bridage imposées par l'autorisation modificative en vue de la protection des chiroptères.

En ce qui concerne les prescriptions relatives à la protection de l'avifaune :

16. En premier lieu, si la MRAE a, dans son avis du 10 août 2021, relevé des risques de collision de l'avifaune, en particulier des milans royaux, l'autorisation modificative, délivrée par le préfet de la Côte-d'Or le 2 mars 2022, a repris l'ensemble des préconisations formulées à cet égard, en prévoyant notamment, pour l'ensemble des éoliennes du parc, un dispositif anticollision supplémentaire, détectant les oiseaux en vol et régulant le fonctionnement des éoliennes, un suivi de l'efficacité de ce dispositif et un arrêt diurne des machines en cas de constat du décès d'un individu des espèces patrimoniales sensibles à l'éolien. Nonobstant les études divergentes quant à l'efficacité d'un tel dispositif, l'arrêté, notamment par le suivi qu'il impose, prévoit ainsi des garanties propres à limiter significativement le risque de collision de ces rapaces, sans que la nécessité d'imposer un arrêt des machines entre septembre et novembre ne soit établie. Il n'est pas davantage démontré que les modalités du suivi, lequel couvre l'ensemble de la période de migration post-nuptiale, notamment des milans royaux, inclut un contrôle de la mortalité, exige la rédaction d'un rapport de fonctionnement et prévoit, au vu de ce dernier, une validation a posteriori du dispositif, ne seraient pas suffisantes, en particulier en l'absence de validation a priori du dispositif et de ce qu'un seul un passage par quinzaine au mois d'octobre est prescrit. En outre, en l'absence de mention contraire, ce dispositif a vocation à fonctionner en permanence, sans qu'aucune ambiguïté ne résulte à cet égard de l'autorisation modificatrice. Celle-ci ne comporte pas davantage d'ambiguïté quant à la nature du dispositif à mettre en place, qui ne comprend pas de mécanisme d'effarouchement, ou tenant à son caractère obligatoire, et cela dès la mise en fonctionnement des machines, nonobstant la rédaction de la première phrase de son article 3.1. Par ailleurs, et contrairement à ce que prétend M. A..., dont l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres ont indiqué s'approprier les observations, ce dispositif, qui tend à répondre aux enjeux propres à certains rapaces, et plus particulièrement aux milans noirs et royaux, identifiés dans le secteur pendant la procédure de régularisation par la MRAE, n'avait ni à être étendu à l'ensemble des espèces protégées, ni à prévoir un arrêt des machines y compris en période nocturne en cas de constat d'un décès, ces espèces étant diurnes.

17. En revanche, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres, en s'appropriant les moyens soulevés par M. A... dans une note du 24 avril 2022, sont fondés à soutenir, qu'en se référant à l'annexe 5 du protocole de suivi environnemental ministériel de 2015, lequel évalue le degré de sensibilité de différentes espèces à l'éolien sans définir les " espèces patrimoniales d'oiseaux à fort niveau de sensibilité à l'éolien " auxquelles cette prescription se réfère, cette dernière est insuffisamment précise et à en demander l'annulation en tant qu'elle ne comporte pas de précisions suffisantes quant aux espèces qui devront être ciblées par ce dispositif. Cette illégalité n'affecte qu'une partie divisible de l'autorisation litigieuse au sens du 1° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

18. En second lieu, s'agissant des grues cendrées, il ressort de l'avis de la MRAE que cette espèce présente un risque de collision d'autant plus important que les conditions météorologiques sont mauvaises. En prévoyant des mesures supplémentaires de bridage, conformes aux préconisations de la MRAE, pendant " les jours de migration de l'espèce " et tenant compte du " contexte météorologique local ", le préfet a ainsi établi avec suffisamment de précisions le dispositif qu'il appartiendra au pétitionnaire de mettre en œuvre, sous contrôle de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement. Contrairement à ce que prétendent l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres, aucune insuffisance ne saurait être relevée à cet égard.

En ce qui concerne l'absence de prescription relative à l'obtention préalable d'une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et l'absence de mesures de compensation :

19. Pour soutenir que le projet de la société Res aurait dû être soumis à l'obligation d'obtenir préalablement une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces animales non domestiques et de leurs habitats, prévue à l'article L. 411-2 code de l'environnement, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres se prévalent de nouvelles études relatives à la migration du milan royal, qui ont été invoquées au cours de l'enquête publique complémentaire mais qui ont été réalisées postérieurement à l'autorisation litigieuse. Par suite, l'illégalité invoquée, laquelle ne porte, par ailleurs, ni sur les vices objets de la mesure de régularisation, ni sur des vices propres à cette mesure, n'a dès lors pas été révélée par les nouveaux éléments, notamment par l'avis émis par la MRAE, recueillis en vue de régulariser l'autorisation litigieuse. Il en est de même de celle tirée du défaut de prescription tendant à imposer des mesures de compensation. Ils ne peuvent dès lors utilement soulever de tels moyens.

20. Il résulte de ce qui précède que l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autres sont seulement fondés à soutenir que l'arrêté du préfet de la région Bourgogne du 9 décembre 2015 tel que modifié par l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 2 mars 2022 est entaché d'illégalité en tant qu'il autorise l'éolienne T 13, qu'il ne prévoit aucune mesure de bridage à l'égard de l'éolienne T 12 et qu'il n'identifie pas précisément les espèces cibles du dispositif anticollision prévu par l'article 3.1 de l'autorisation modificative.

21. Il appartient dès lors à la cour, en qualité de juge de pleine juridiction des installations classées pour la protection de l'environnement et sans qu'il soit dès lors besoin de recourir à la procédure de régularisation prévue par le 2° de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, de compléter l'article 5 de l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 2 mars 2002 en y ajoutant l'éolienne T 12 et, en application du 1° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, de prescrire à l'autorité administrative de compléter l'article 3.1 de l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 2 mars 2022 en précisant les espèces cibles du dispositif anticollision qu'il prévoit.

22. Il résulte ce qui précède que la société Res, depuis devenue société Q Energy France, et le ministre en charge de l'écologie sont seulement fondés à demander la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a de contraire à ce qui précède.

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de la région Bourgogne du 9 décembre 2015 tel que modifié par l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 2 mars 2022 est annulé en tant qu'il autorise l'éolienne T 13, qu'il ne prévoit aucune mesure de bridage à l'égard de l'éolienne T 12 et qu'il n'identifie pas précisément les espèces cibles du dispositif anticollision prévu par l'article 3.1 de l'autorisation modificative.

Article 2 : L'article 5 de l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 2 mars 2002 est complété en y ajoutant l'éolienne T 12.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de compléter l'article 3.1 de son arrêté du 2 mars 2022 en précisant les espèces cibles du dispositif anticollision qu'il prévoit.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 juin 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Q Energy France, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne.

Copie en sera adressée au préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté et au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 28 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2023.

Le rapporteur,

Sophie CorvellecLe président,

Gille Fédi

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

Nos 18LY03261-18LY03416


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03261
Date de la décision : 15/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-15;18ly03261 ?
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