Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.
Par un jugement n° 2101479 du 24 août 2021, le tribunal administratif de Grenoble a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Blanc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 août 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 5 février 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation sans délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il doit être regardé comme ayant demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance de ces dispositions ;
- la décision de refus de titre de séjour portant la mention " salarié " est illégale du fait de l'illégalité de la décision du 14 avril 2020 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a refusé d'accorder l'autorisation de travail demandée par la SAS SCM à son profit ; elle est fondée sur le seul motif de l'irrégularité de son séjour alors qu'il était en séjour régulier lorsqu'il a présenté cette demande le 3 mars 2020 ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 17 décembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant marocain né le 2 décembre 1978, relève appel du jugement du 24 août 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 5 février 2021 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur la légalité de l'arrêté du 5 février 2021 :
2. En premier lieu, la délivrance aux ressortissants marocains d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour et d'un contrat visé par les services en charge de l'emploi. En vertu de l'article R. 5221-11 de ce code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur ". Aux termes de l'article R. 5221-14 du code du travail : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 l'étranger résidant hors du territoire national ou, lorsque la détention d'un titre de séjour est obligatoire, l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour. ".
3. M. A... est entré pour la dernière fois en France muni d'un visa de long séjour et a obtenu la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle en qualité de conjoint de Française valable du 24 janvier 2018 au 23 janvier 2020. M. A... a divorcé de son épouse le 18 novembre 2019. Il n'a sollicité que le 24 juin 2020 un changement de statut et le renouvellement de son titre de séjour par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Pour refuser le titre de séjour en litige, fondé sur les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, que les premiers juges ont substitué aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Savoie s'est fondé sur le refus d'autorisation de travail opposé le 14 avril 2020 par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la Haute-Savoie.
4. M. A... faisant valoir que le refus d'autorisation de travail ne lui a pas été notifié, excipe de l'illégalité de cette décision, prise au seul motif qu'il était en situation irrégulière depuis le 23 janvier 2020. La SAS SCM, qui employait M. A... comme chauffeur, livreur et manutentionnaire, salarié sous couvert d'un contrat à durée indéterminée à temps complet depuis le 7 janvier 2019, a présenté la demande d'autorisation de travail à son bénéfice le 3 mars 2020. A cette date, M. A... n'était pas en situation régulière dans la mesure où, d'une part, le titre de séjour en qualité de conjoint de Française de M. A... était expiré depuis le 23 janvier 2020, d'autre part, il n'a demandé le renouvellement de son titre de séjour que le 24 juin 2020. Un récépissé de demande de titre l'autorisant à travailler ne lui a d'ailleurs été délivré que le 14 décembre 2020. Le requérant n'était pas davantage, contrairement à ce qu'il soutient, en séjour régulier lorsque le refus d'autorisation de travail lui a été opposé le 14 avril 2020. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Savoie, qui n'était pourtant pas tenu de soumettre la demande d'autorisation de travail de l'intéressé, qui n'était pas admis au séjour au sens de l'article R. 5221-14 du code du travail, n'avait pas à apprécier les conditions d'exercice de l'activité professionnelle de l'intéressé et ses conditions d'existence, a pu légalement opposer à M. A... l'irrégularité de son séjour en France.
5. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il lui est toutefois loisible d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code. Il lui est aussi possible, exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant un titre de séjour, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle.
6. Dès lors que le refus de séjour ne s'est pas prononcé sur l'application des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de leur méconnaissance est inopérant, alors même qu'il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Haute-Savoie a apprécié l'opportunité d'une mesure gracieuse et dérogatoire en faveur de M. A....
7. En troisième lieu, M. A... reprend en appel son moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.
8. En quatrième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constituent pas le fondement de sa demande de titre de séjour, quand bien même il a invoqué sa situation professionnelle et ses liens personnels et familiaux sur le territoire national. Ces dispositions ne sont, au demeurant, pas applicables aux ressortissants marocains souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une activité salariée. Le préfet, qui a apprécié l'opportunité d'une mesure gracieuse et dérogatoire en faveur de M. A..., n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans son appréciation de la situation professionnelle et personnelle de l'intéressé, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 5 février 2021.
10. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 14 février 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2023.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03127