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01/03/2023 | FRANCE | N°21LY03125

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 01 mars 2023, 21LY03125


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office ; 2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou

à défaut " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office ; 2°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 300 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Par un jugement n° 2008818 du 30 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 avril 2021 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 11 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et à tout le moins " salarié " d'une durée d'un an renouvelable, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a pas vécu au Maroc jusqu'à ses 37 ans, comme l'a mentionné le préfet, mais jusqu'à ses 24 ans ; cette erreur a eu une incidence sur l'appréciation portée sur sa situation et sur le sens de la décision prise ;

- le préfet, qui a examiné l'opportunité d'une mesure de régularisation au titre du travail, a insuffisamment motivé son refus et entaché sa décision d'un défaut d'examen en se contentant de retenir que son dernier emploi daterait de 2013, sans appréciation de son expérience professionnelle ;

- le refus de titre de séjour a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de l'article R. 5221-11 du code du travail, faute pour le préfet d'avoir soit statué directement sur la demande d'autorisation de travail, soit transmis cette demande à la Direccte ; à supposer même ces dispositions inapplicables, il appartenait au préfet d'examiner la promesse d'embauche produite ; le préfet n'a nullement examiné les caractéristiques de l'emploi proposé à ses qualifications, diplômes et expérience professionnelles ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'usage de son pouvoir de régularisation par le préfet ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale, du fait de l'illégalité décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Par une décision du 11 août 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- et les observations de Me Beligon pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 5 novembre 1977, de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 30 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 11 septembre 2020 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 septembre 2020 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, M. B..., qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a présenté à l'appui de sa demande de titre de séjour une simple promesse d'embauche et non un contrat de travail. Il ne remplissait dès lors pas les conditions d'obtention d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le requérant aurait déposé en préfecture un formulaire cerfa de demande d'autorisation de travail rempli par son employeur. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure en l'absence de saisine de la Direccte ou d'instruction de cette demande par le préfet, que le requérant persiste à soutenir, en appel, ne peut qu'être écarté comme inopérant.

3. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet du Rhône n'avait pas davantage à examiner la pertinence de cette promesse d'embauche au regard des critères de l'article L. 5221-20 du code du travail, et notamment l'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, mais seulement au regard de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. En relevant que l'intéressé justifie de sa dernière activité salariée en France en septembre 2013, le préfet a procédé à un examen sérieux de l'opportunité de procéder à la régularisation de la situation de M. B... et a suffisamment motivé son refus.

4. En troisième lieu, M. B... réitère en appel son moyen selon lequel le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a pas vécu au Maroc jusqu'à ses 37 ans, comme l'a mentionné le préfet, mais jusqu'à ses 24 ans. Contrairement à ce qu'il soutient pour critiquer le jugement, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette erreur a une incidence sur l'appréciation portée sur sa situation et sur le sens de la décision prise, dès lors que, comme l'ont relevé les premiers juges, il ressort des autres mentions de l'arrêté que le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur sur les dates de naissance en 1977 et d'arrivée en France en 2002 de l'intéressé, a pris en considération l'ancienneté de la présence en France de M. B..., dont la situation a été soumise à l'examen de la commission du titre de séjour " en raison de sa présence en France depuis plus de dix ans " et a noté qu'il était désormais âgé de 42 ans à la date de la décision attaquée.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...). ".

6. M. B..., nationalité marocaine, est entré sur le territoire français le 12 septembre 2002 aux fins d'y poursuivre des études. Il a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " renouvelé jusqu'au 14 octobre 2013. Sa demande de renouvellement de ce titre de séjour a été rejetée, en l'absence de caractère réel et sérieux des études, par une décision du préfet du Rhône du 9 janvier 2014, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal du 23 septembre 2014. S'il se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France, où il réside depuis plus de dix-huit ans dont onze en situation régulière, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il n'a été autorisé à séjourner en France qu'en qualité d'étudiant, qui ne donne pas vocation à s'établir durablement sur le territoire et se maintient en situation irrégulière depuis 2014, soit depuis six ans à la date de la décision attaquée. Le requérant, âgé de 42 ans, célibataire et sans charge de famille, a conservé des liens familiaux dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans et où résident encore sa mère et l'un de ses frères. En dépit de la présence en France de ses deux frères de nationalité française et de ses facultés d'intégration, eu égard aux conditions de son séjour en France, l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des stipulations et dispositions précitées.

7. En cinquième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône, en refusant la régularisation de sa situation par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La commission du titre de séjour a d'ailleurs émis un avis défavorable à sa régularisation.

8. La seule promesse d'embauche dont justifie le requérant en qualité d'agent de sécurité, quand bien même il disposait d'une expérience professionnelle dans ce domaine, ne permet pas de caractériser une erreur manifeste d'appréciation du préfet du Rhône dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation au titre du travail.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et à soutenir, en l'absence de circonstance particulière faisant obstacle à son éloignement du territoire français, que l'obligation de quitter le territoire français violerait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

12. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 février 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2023.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03125


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03125
Date de la décision : 01/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-01;21ly03125 ?
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