Vu la procédure suivante :
Par deux demandes distinctes, l'association interdépartementale du Haut-Rhône a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du préfet de l'Ain des 29 septembre et 13 octobre 2017 autorisant la société Carrière de Saint-Cyr, d'une part, à procéder au défrichement d'une surface de 9,2 ha 24 a de parcelles forestières, d'autre part, à exploiter une carrière de calcaire sur le territoire de la commune d'Anglefort.
Par un jugement n° 1707731 et 1801467 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 19LY03208 du 26 janvier 2022, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement sursis à statuer, jusqu'à l'expiration du délai de six mois à compter de la notification de cet arrêt, sur la requête de l'association interdépartementale du Haut-Rhône tendant à l'annulation de ce jugement et des arrêtés du préfet de l'Ain des 29 septembre et 13 octobre 2017.
Par un mémoire, enregistré le 13 juillet 2022, la préfète de l'Ain a communiqué un arrêté du 12 juillet 2022, portant régularisation de l'arrêté préfectoral d'autorisation du 13 octobre 2017.
Elle soutient qu'elle a procédé aux mesures prescrites par l'arrêt de la cour et que l'arrêté du 12 juillet 2022 régularise l'arrêté préfectoral d'autorisation du 13 octobre 2017.
Par un courrier du 5 septembre 2022, les parties ont été invitées à produire leurs observations sur l'arrêté du 12 juillet 2022.
Par un mémoire, enregistré le 23 septembre 2022, l'association interdépartementale du Haut-Rhône, représentée par Me Victoria, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 juin 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Ain des 29 septembre et 13 octobre 2017 portant autorisation de défrichement et d'exploitation de carrière ;
3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de l'Etat et de la société Carrière de Saint-Cyr au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'avis de la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) du 22 avril 2022 est incomplet et entaché d'irrégularité, faute d'actualisation de l'évaluation environnementale ; la MRAE a souligné l'insuffisance de l'évaluation environnementale sur les inventaires faunistiques et floristiques, les éventuelles visibilités du site depuis des points de vue remarquables, sites inscrits ou classés, hameaux ou habitations proches et les nuisances sonores.
Par un mémoire, enregistré le 6 octobre 2022, la société Carrière de Saint-Cyr, représentée par la SELARL ATMOS Avocats, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'association interdépartementale du Haut-Rhône en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Par ordonnance du 26 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 11 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me Picavez, pour la société Carrière de Saint-Cyr.
Considérant ce qui suit :
1. L'association interdépartementale du Haut-Rhône relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de l'Ain des 29 septembre et 13 octobre 2017 autorisant la société Carrière de Saint-Cyr, d'une part, à procéder au défrichement d'une surface de 9,2 ha 24 a de parcelles forestières, d'autre part, à exploiter une carrière de calcaire sur le territoire de la commune d'Anglefort.
2. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ".
3. Par un arrêt avant dire-droit du 26 janvier 2022, la cour, après avoir constaté que les autres moyens de la requête de l'association interdépartementale du Haut-Rhône, dirigée contre des arrêtés du préfet de l'Ain des 29 septembre et 13 octobre 2017 autorisant la société Carrière de Saint-Cyr, d'une part, à procéder au défrichement d'une surface de 9,2 ha 24 a de parcelles forestières, d'autre part, à exploiter une carrière de calcaire sur le territoire de la commune d'Anglefort, n'étaient pas fondés, a retenu comme fondé le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale au regard des exigences découlant du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011.
4. Faisant application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, la cour a sursis à statuer sur la requête de l'association interdépartementale du Haut-Rhône jusqu'à l'expiration du délai de six mois dans l'attente de la production, par le préfet de l'Ain, d'une autorisation modificative en vue de régulariser l'arrêté du 13 octobre 2017, selon les modalités précisées par l'arrêt.
5. Conformément aux indications que lui avait données la cour, la préfète de l'Ain a saisi la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l'environnement et du développement durable. En présence d'une modification substantielle à l'avis précédemment rendu par l'autorité environnementale, une enquête publique complémentaire a été organisée à titre de régularisation. L'enquête a été réalisée selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement et l'avis recueilli à titre de régularisation a été soumis au public. Le commissaire enquêteur a émis un avis favorable à la demande d'autorisation sollicitée et la préfète de l'Ain a pris un arrêté du 12 juillet 2022, portant régularisation de l'arrêté préfectoral d'autorisation du 13 octobre 2017.
6. Les parties peuvent, à l'appui de la contestation de la mesure de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'elle n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire-droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant dire-droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
7. Pour contester la légalité de l'arrêté de régularisation du 12 juillet 2022, l'association interdépartementale du Haut-Rhône se prévaut de l'avis de la MRAE, qui révèlerait selon elle les insuffisances de l'évaluation environnementale, moyen déjà écarté par l'arrêt avant-dire-droit du 26 janvier 2022.
8. En premier lieu, la MRAE a regretté l'absence d'actualisation de l'évaluation environnementale, datant de 2016. Toutefois, la procédure prescrite par l'arrêt avant dire-droit du 26 janvier 2022 n'impliquait pas du pétitionnaire qu'il mette à jour l'ensemble de son dossier de demande, mais seulement que l'avis de l'autorité environnementale recueilli à titre de régularisation soit rendu en tenant compte d'éventuels changements significatifs des circonstances de fait. La visite de contrôle du cabinet Ecotope pour évaluer l'évolution des milieux depuis l'étude initiale conclut à la validité du diagnostic conduit initialement, dès lors que le milieu a globalement peu évolué. L'absence de mise à jour des inventaires faunistiques et floristiques n'a ainsi pas été de nature à vicier l'autorisation en litige.
9. En deuxième lieu, si la MRAE a souligné que " l'état initial est à compléter en ce qui concerne le paysage. La partie décrivant les incidences et mesures est de même à compléter pour l'impact paysager, ainsi que pour les nuisances sonores et les émissions de poussières. Les mesures d'évitement, de réduction et de compensation concernant les milieux naturels et la biodiversité sont partiellement décrites et doivent être précisées. Enfin, le suivi est évoqué mais manque de précision ", une telle circonstance ne saurait suffire à caractériser une illégalité révélée par la procédure de régularisation.
10. D'une part, il résulte de l'instruction que le mémoire en réponse de l'exploitant à l'avis de la MRAE du 23 mai 2022 comprenait différentes annexes complétant l'autorisation environnementale. Le dossier, abordant la visibilité du site depuis les hameaux ou habitations proches, a en particulier été complété de planches paysagères et photomontages supplémentaires, joints au dossier d'enquête publique complémentaire. La procédure de régularisation ne révèle ainsi aucune insuffisance de l'évaluation environnementale à ce titre qui serait de nature à nuire à la complète information du public.
11. D'autre part, si l'association interdépartementale du Haut-Rhône invoque l'absence de mesures de la qualité de l'air et du bruit, il résulte de l'instruction que de telles mesures ont eu lieu, que les relevés de ces mesures ont été fournis avec le mémoire en réponse de l'exploitant et que, selon le rapport du commissaire enquêteur, " les suivis déjà réalisées depuis sa mise en exploitation montrent que les émissions de bruit et vibration, les retombées de poussières respectent largement les niveaux règlementaires ". L'association interdépartementale du Haut-Rhône n'établit pas en quoi le hameau de Lavanche, du fait de sa situation, aurait dû, à peine d'irrégularité, figurer parmi les points de mesure du bruit.
12. Enfin, l'exploitant a également suffisamment précisé, dans son dossier actualisé et soumis à l'enquête publique complémentaire, les raisons qui l'ont amené à solliciter une durée d'exploitation de trente ans.
13. Il résulte des énonciations du rapport du commissaire enquêteur que les éléments de réponse de l'exploitant à l'avis de la MRAE du 23 mai 2022 sont " qualitatifs, quantitatifs et compréhensibles " et qu'ils " répondent d'une part aux attentes de la Mrae et d'autre part améliorent le contenu du dossier consultable par le public ". Dans ces conditions, et à supposer, au regard de l'avis de la MRAE, qu'ils puissent être regardés comme fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation, les moyens tirés de l'insuffisance de l'évaluation environnementale que révélerait le nouvel avis de l'autorité environnementale doivent être écartés.
14. En troisième lieu, les modalités de mise à disposition aux riverains d'un cahier d'observation sont sans incidence sur la légalité de l'autorisation d'exploiter en litige.
15. Il résulte de ce qui précède que l'association interdépartementale du Haut-Rhône n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association interdépartementale du Haut-Rhône est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association interdépartementale du Haut-Rhône, à la société Carrière de Saint-Cyr, au préfet de l'Ain, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 14 février 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2023.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne aux ministres de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 19LY03208