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23/02/2023 | FRANCE | N°22LY01413

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 23 février 2023, 22LY01413


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Les Amis des Allées a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération du 19 septembre 2019 par laquelle le conseil métropolitain de Dijon Métropole a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat et plan de déplacements urbains, ensemble la décision du 29 avril 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001535 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

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Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 mai 2022 et le 30 décembre 2022, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Les Amis des Allées a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération du 19 septembre 2019 par laquelle le conseil métropolitain de Dijon Métropole a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat et plan de déplacements urbains, ensemble la décision du 29 avril 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001535 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 mai 2022 et le 30 décembre 2022, l'association Les Amis des Allées, représentée par Me Néraud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 mars 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil métropolitain de Dijon métropole a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat et plan de déplacements urbains, ensemble la décision du 29 avril 2020 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement méconnaît les dispositions des articles L. 5 et R. 613-4 du code de justice administrative ;

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges auraient dû rouvrir l'instruction, que de ce fait, le mémoire en réplique aurait dû être analysé, que cette absence d'analyse est constitutive d'un défaut de motivation ;

- il est entaché d'inexactitudes matérielles et d'erreur d'appréciation dès lors qu'il ne retient pas d'insuffisance de la procédure de concertation en méconnaissance des articles L. 103-2 et L. 103-3 du code de l'urbanisme ;

- il est entaché d'inexactitudes matérielles et d'erreur de droit dès lors qu'il ne retient pas le moyen tiré de ce que l'enquête publique est incomplète ;

- il est entaché de dénaturation des faits et méconnait les articles L. 2121-12, L. 2121-13 et L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales dès lors qu'il retient que l'information des conseillers communautaires étaient satisfaisante ;

- il est entaché d'inexactitudes matérielles et d'erreur d'appréciation dès lors qu'il ne relève pas d'incohérence entre le règlement du plan local d'urbanisme et le projet d'aménagement et de développement durable alors pourtant que la partie sud du cours du Parc n'est pas un grand axe urbain ouvert à la circulation, que l'habitat dans ce secteur n'est pas un " tissu composite " et qu'il est indissociable du reste des Allées du Parc ;

- l'ampleur des modifications apportées au projet de plan local d'urbanisme intercommunal après l'enquête publique en a remis en cause l'économie générale et imposait donc une nouvelle concertation en application de l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme dans les conditions prévues par l'article L. 103-3 du même code ;

- les modalités de la concertation, notamment relatives à l'information du public et des personnes associées, fixées par la délibération du 17 décembre 2015 n'ont pas été respectées, dès lors que le projet soumis à concertation prévoyait que la pointe sud du quartier des Allées du Parc situé à Dijon serait classée dans une zone autorisant les constructions d'une hauteur maximale de 9 mètres, alors que le projet finalement arrêté par délibération du 20 décembre 2018 prévoit, quant à lui, une hauteur maximale de 15 mètres ;

- le plan local d'urbanisme intercommunal finalement adopté ne corrige pas les insuffisances relevées dans l'avis donné par l'Etat ;

- la notice de présentation jointe au dossier d'enquête publique ne mentionne pas que la hauteur maximale des constructions dans la pointe sud du quartier des Allées du Parc a été modifiée à la suite de la concertation ;

- le dossier d'enquête publique est incomplet au sujet de l'aire de valorisation de l'architecture et du patrimoine liée aux sites des Climats du vignoble de Bourgogne ;

- la délibération du 19 décembre 2019 est irrégulière au regard des dispositions des articles L. 2121-12, L. 2121-13 et L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'il ne ressort pas de ses visas que le président de Dijon Métropole ait communiqué aux conseillers métropolitains une note de synthèse, le projet de plan local d'urbanisme intercommunal, les " fiches de recommandation ", les observations du public recueillies durant l'enquête publique ainsi que le rapport du commissaire enquêteur, et ce, au moins cinq jours francs avant la séance du conseil métropolitain ;

- l'article 6 du règlement relatif à la hauteur maximale des constructions, le zonage de la pointe sud des Allées du Parc au plan des hauteurs ainsi que l'article I 3 relatif à la hauteur des constructions du règlement de l'aire de valorisation de l'architecture et du patrimoine liée aux sites des Climats du vignoble de Bourgogne sont incohérents avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durable et avec l'article 7 du règlement littéral du plan ce qui est constitutif d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la partie sud du cours du Parc n'est pas un grand axe urbain, que l'habitat sur la partie sud du cours du parc n'est pas un tissu composite et que la partie sud du cours du parc est indissociable du reste des allées du parc ;

- le classement de la pointe sud du quartier des Allées du Parc, sur le document graphique des hauteurs du plan local d'urbanisme, qui n'est pas justifié par des éléments objectifs, est entaché d'inexactitude matérielle et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les articles U 5, relatif à l'implantation, et U 6, relatif à la hauteur des constructions, du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, ainsi que les articles I 2, relatif à l'implantation par rapport aux limites séparatives, et I 3, relatif à la hauteur des constructions du règlement de l'aire de valorisation de l'architecture et du patrimoine liée aux sites des Climats du vignoble de Bourgogne sont imprécis et méconnaissent les dispositions des articles L. 151-8, L. 151-18, R. 151-1, R. 151-2, R. 151-11, R. 151-17 et R. 151-18 du code de l'urbanisme ;

- le classement de la partie sud des Allées du Parc dans une zone où les constructions peuvent atteindre 15 mètres de hauteur est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistrée le 11 octobre 2022, Dijon Métropole, représentée par Me Guillini, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association Les amis des Allées la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Neraud, représentant l'Association " Les amis des allées ", et de Me Gatel, représentant la métropole de Dijon ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 décembre 2015, la communauté urbaine Grand Dijon, devenue la métropole Dijon Métropole depuis le 28 avril 2017, a prescrit l'élaboration de son plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat et plan de déplacements urbains. Par délibération du 24 mars 2016, le conseil communautaire a décidé, sur le fondement de l'article 12 du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015, que seraient applicables au document d'urbanisme en cours d'élaboration les articles R. 151-1 à R. 151-55 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2016. Par délibérations du 20 décembre 2018 et du 10 avril 2019, le conseil métropolitain de Dijon Métropole a arrêté le projet de plan local d'urbanisme. A la suite d'une enquête publique qui s'est déroulée du 14 mai au 14 juin 2019, cette assemblée délibérante l'a finalement approuvé par délibération du 19 décembre 2019. Par un jugement n° 2001535 en date du 17 mars 2022 dont il est fait appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de l'association Les Amis des Allées tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence (...). ". Aux termes de l'article R. 611-1 de ce code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressées au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " Enfin, aux termes de l'article R. 613-4 de ce code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut pas faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties ".

3. Il résulte de ces dispositions que devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " et aux termes de l'article R. 741-2 de ce code, la décision " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait état ".

5. L'association Les Amis des Allées a déposé un mémoire en réplique enregistré le 16 août 2021 au greffe du tribunal de Dijon, soit une vingtaine de jours après le second mémoire en défense de Dijon Métropole enregistré le 9 juillet 2021. Une clôture d'instruction immédiate est intervenue le 30 juillet 2021, les parties ayant été dument prévenues de cette possibilité. Si l'association requérante estime que les premiers juges ne lui ont pas laissé un délai raisonnable de réponse, celle-ci n'ayant eu connaissance du mémoire en défense de Dijon Métropole que le 16 juillet 2021, ce délai s'avérait suffisant au regard du nombre de mémoires déjà présentés. Dès lors, l'absence de communication du dernier mémoire en réplique produit après clôture de l'instruction n'est pas de nature à méconnaitre le principe du contradictoire, ni l'obligation de rouvrir l'instruction. Le fait que le jugement fasse mention du site " Géoportail " au point 22 alors que les parties n'en ont pas fait état dans leurs écritures est sans incidence, dès lors que les magistrats comme les parties peuvent y avoir librement accès. Par ailleurs, si l'association requérante soutient que les premiers juges auraient dû rouvrir l'instruction, que de ce fait, le mémoire en réplique aurait dû être analysé, que cette absence d'analyse est constitutive d'un défaut de motivation, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce mémoire aurait fait état d'éléments susceptibles d'exercer une influence sur la solution du litige. Dès lors que ce mémoire produit après clôture de l'instruction et n'apportant pas d'éléments nouveaux susceptibles d'exercer une influence sur la solution du litige, n'avait pas à être analysé, le jugement, qui n'en analyse pas le contenu mais se contente de le viser, n'est entaché d'aucun défaut de motivation. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, le jugement contesté comporte l'analyse des conclusions et mémoires, ainsi que les visas des textes appliqués

6. Enfin, si l'association requérante soutient que les premiers juges ont entaché leur décision de dénaturation des faits et d'erreur de droit, de tels moyens se rattachent en tout état de cause au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la procédure d'enquête publique :

7. En premier lieu, d'une part, selon l'article L. 153-14, anciennement L. 123-9, du code de l'urbanisme : " L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou le conseil municipal arrête le projet de plan local d'urbanisme ". L'article L. 153-16 du même code dispose : " Le projet de plan arrêté est soumis pour avis : / 1° Aux personnes publiques associées à son élaboration mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 ; (...) ". L'article L. 132-7, anciennement L. 121-4, de ce code prévoit notamment que l'Etat est associé à l'élaboration des plans locaux d'urbanisme.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire ". L'article R. 153-8 du même code prévoit que : " Le dossier soumis à l'enquête publique est composé des pièces mentionnées à l'article R. 123-8 du code de l'environnement et comprend, en annexe, les différents avis recueillis dans le cadre de la procédure. / Il peut, en outre, comprendre tout ou partie des pièces portées à la connaissance de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune par le préfet (...) ". En vertu de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : / 1° Lorsqu'ils sont requis, l'étude d'impact et son résumé non technique, le rapport sur les incidences environnementales et son résumé non technique, et, le cas échéant, la décision prise après un examen au cas par cas par l'autorité environnementale mentionnée au IV de l'article L. 122-1 ou à l'article L. 122-4, ainsi que l'avis de l'autorité environnementale mentionné au III de l'article L. 122-1 et à l'article L. 122-7 du présent code ou à l'article L. 104-6 du code de l'urbanisme ; (...) 3° La mention des textes qui régissent l'enquête publique en cause et l'indication de la façon dont cette enquête s'insère dans la procédure administrative relative au projet, plan ou programme considéré, ainsi que la ou les décisions pouvant être adoptées au terme de l'enquête et les autorités compétentes pour prendre la décision d'autorisation ou d'approbation ; / 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme ; / 5° Le bilan (...) de la concertation préalable définie à l'article L. 121-16 ou de toute autre procédure prévue par les textes en vigueur permettant au public de participer effectivement au processus de décision. Il comprend également l'acte prévu à l'article L. 121-13. Lorsque aucun débat public ou lorsque aucune concertation préalable n'a eu lieu, le dossier le mentionne ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / 1° L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à la majorité des suffrages exprimés après que les avis qui ont été joints au dossier, les observations du public et le rapport du commissaire ou de la commission d'enquête aient été présentés lors d'une conférence intercommunale rassemblant les maires des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale ; (...) ".

9. L'association Les Amis des Allées soutient que le public n'aurait pas été suffisamment informé de la modification du plan des hauteurs pour ce qui concerne le secteur sud du quartier des Allées du Parc dès lors que la notice explicative mise à disposition du public dans le cadre de l'enquête publique ne faisait pas état de la modification du zonage de la pointe sud des Allées du Parc intervenue entre la phase de concertation et l'arrêt du projet le 20 décembre 2018 qui a fait passer le secteur d'une zone " jaune " limitant la hauteur des constructions à 9 mètres à une zone " marron " qui limite la hauteur des constructions à 15 mètres. Cependant, ni les dispositions précitées ni aucun principe n'interdisait d'une part aux auteurs au plan local d'urbanisme de modifier le classement en cours d'élaboration, alors qu'ils sont seuls compétents pour décider du parti d'aménagement à retenir, et d'autre part, aucune desdites dispositions ni aucun principe ne leur imposait d'informer le public, qui avait eu connaissance de la possibilité de modifier le plan local d'urbanisme à l'issue de l'enquête publique, et qui d'ailleurs, avait eu également connaissance de la règle de hauteur retenue, dans le document graphique du plan local d'urbanisme dans sa version en date du 23 décembre 2018. Par ailleurs, si l'association requérante a entendu faire valoir une incomplétude du dossier d'enquête publique dès lors qu'il n'évoque pas les éléments relatifs à l'aire de valorisation de l'architecture et du patrimoine " Climats du vignoble de Bourgogne ", qui comprend dans son périmètre les Allées du Parc, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de la délibération du conseil métropolitain, que la servitude d'urbanisme, adoptée le 28 novembre 2019, l'a été postérieurement à la tenue de l'enquête publique qui s'est déroulée entre le 14 mai et le 14 juin 2019. La circonstance que le Vice-Président de Dijon Métropole ait mentionné le règlement de l'aire de valorisation de l'architecture et du patrimoine pour rejeter le recours gracieux de l'association requérante est ainsi sans influence sur ce point. Par suite, le moyen tiré de ce que le dossier soumis à enquête publique serait incomplet doit être écarté dans toutes ses branches.

10. En second lieu, les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de cette enquête publique que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

11. L'association requérante soutient que les demandes de compléments ou remarques formulées par le préfet de la Côte-d'Or sur un certain nombre de points aurait dû être portées à l'attention du public. Si l'association se borne à reprendre, à l'appui de son moyen, un résumé de l'avis du préfet de la Côte d'Or issu du rapport de la commission d'enquête du 30 août 2019 relevant qu'il serait souhaitable de compléter les informations relatives aux risques naturels et aux enveloppes urbaines, notamment par la réalisation d'une cartographie plus précise et d'études de sol, elle n'apporte pas d'éléments permettant de justifier que l'absence de ces éléments aurait exercé une influence sur la décision prise, pas plus que sur l'information du public, alors même que cet avis était joint au dossier mis à la disposition du public. Par ailleurs, ce document constitue un avis simple qui ne lie pas l'autorité en charge d'élaborer le plan local d'urbanisme.

12. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'enquête publique préalable à l'adoption de la délibération du 19 décembre 2019 litigieuse a été menée de manière irrégulière.

En ce qui concerne la cohérence du règlement avec le projet d'aménagement et de développement durable :

13. Aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : 1° Un rapport de présentation ; 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; 3° Des orientations d'aménagement et de programmation ; 4° Un règlement ; 5° Des annexes (...) ". Selon l'article L. 151-5 du même code : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : / 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; / 2° Les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, les réseaux d'énergie, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. / (...) Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. (...) / Il peut prendre en compte les spécificités des anciennes communes, notamment paysagères, architecturales, patrimoniales et environnementales, lorsqu'il existe une ou plusieurs communes nouvelles. (...) ". Selon l'article L. 151-8 du même code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". En vertu de l'article L. 151-18 du même code : " Le règlement peut déterminer des règles concernant l'aspect extérieur des constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, leurs dimensions, leurs conditions d'alignement sur la voirie et de distance minimale par rapport à la limite séparative et l'aménagement de leurs abords, afin de contribuer à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l'insertion des constructions dans le milieu environnant ". Enfin, aux termes de l'article R. 151-39 du même code : " Afin d'assurer l'intégration urbaine, paysagère et environnementale des constructions, déterminer la constructibilité des terrains, préserver ou faire évoluer la morphologie du tissu urbain et les continuités visuelles, le règlement peut notamment prévoir des règles maximales d'emprise au sol et de hauteur des constructions (...) ".

14. D'une part, pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durable, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durable, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan à une orientation ou à un objectif du projet d'aménagement et de développement durable ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

15. D'autre part, il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

16. L'orientation n°7 du plan d'aménagement et de développement durable détermine différents objectifs relatifs à la mise en valeur des paysages et les patrimoines en créant une ville plus verte, respectueuse des éléments remarquables du patrimoine végétal, des lisières urbaines et des sites patrimoniaux remarquables, en réaménageant les entrées des villes, et en préservant les caractéristiques du tissu urbain spécifique pour lequel est précisément mis en avant une volonté d'assurer l'intégration des constructions dans leur environnement et la cohérence des compositions urbaines. Pour autant, ces différents objectifs doivent être conciliés avec ceux relatifs à l'habitat tout en limitant l'étalement urbain. Dans une dynamique d'intensification, le projet d'aménagement et de développement durable prévoit un objectif de production de plus de 15 000 logements à l'horizon 2030 pour suivre le développement démographique. Par-là, il s'agit d'une part de construire des logements neufs, et d'autre part d'intensifier le bâti existant dans les tissus urbains, notamment en entrée de ville et avoisinant les axes urbains, par le biais de densification par parcelle et par extension, de surélévation ou changement de destination. Les " ensembles collectifs " et les " tissus composites " étant des lieux marqués par une mixité typologique des bâtiments, les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu encourager la recomposition des tissus urbains autours des grands axes de ces faubourgs dijonnais. Le tome B du rapport de présentation reprend les règles de hauteur prévu à l'article 6 du règlement du plan local d'urbanisme, qui tente de concilier cinq objectifs, notamment d'intensification urbaine, de préservation des caractéristiques des tissus urbains existants, d'enjeux écologiques, ou encore de diversité des architectures. En application de l'objectif de limitation de densification dans les tissus urbains composites de faubourg, le secteur de Dijon fait ainsi l'objet d'un abaissement généralisé de la hauteur des constructions dans les tissus résidentiels, cependant assorti d'exceptions qui permettent notamment de prévoir des secteurs où la hauteur maximale autorisée sera de 15 mètres ou plus.

17. Le secteur de la pointe sud du quartier des Allées du Parc est situé, selon le plan des hauteurs, dans une telle zone, où la hauteur maximale des constructions autorisées est fixée à 15 mètres dans la bande de constructibilité principale de 21 mètres, augmentée d'un bonus de 3 mètres sous certaines conditions tenant à l'exemplarité énergétique ou environnementale de la construction, ou certaines caractéristiques architecturales, précisément en cas de toiture terrasse et selon les conditions prévues par le règlement littéral, d'un niveau supplémentaire en attique.

18. Si l'association requérante soutient que la pointe sud du cours du Parc n'est pas un grand axe urbain, que l'habitat sur la pointe sud de ce cours n'est pas un tissu composite et que la partie sud de ce cours est indissociable du reste des Allées du Parc, il ressort des vues aériennes du site " Géoportail ", accessibles pour les parties comme pour le juge, et qui offre d'ailleurs une vue similaire à celle du plan de patrimoine fourni par l'association requérante, que, dans le secteur, si les zones proches de la pointe sud du cours du Parc sont presque uniquement pavillonnaires, la zone en cause présente au contraire des constructions entre 3 et 7 étages, ce qui, en précisant qu'un immeuble de 15 mètres représente environ 4 étages, s'intègre relativement avec le bâti existant. De plus, alors que seule une partie modérée du secteur est considérée comme " tissu composite " par le rapport de présentation et ne présente que quelques constructions de grande hauteur, les règles de hauteur prévues par le règlement ne sont pas en rupture avec la topologie des bâtiments existants, eux-mêmes marqués par une grande mixité, d'autant que le parti d'aménagement retenu par Dijon Métropole vise une intensification du bâti autour des grands axes urbains du faubourg dijonnais, dont le cours du Parc fait partie. Enfin, si le parc de la Colombière et les Allées du Parc sont des espaces à protéger, les Allées du Parc étant même qualifiée de " Champs Elysées dijonnais ", les règles de hauteur ne sont pas de nature à remettre en cause l'intérêt patrimonial de ces allées alors que des règles de recul par rapport aux allées arborées permettent de préserver la qualité du paysage du cours du Parc, lui-même grevé d'un espace boisé classé. Par ailleurs, et en tout état de cause, les autorisations d'urbanisme devront respecter les prescriptions de l'article 7 du règlement littéral du plan local d'urbanisme relatif à l'insertion des constructions dans leur environnement, et celles de l'aire de valorisation de l'architecture et du patrimoine auxquelles renvoie l'article 6 du règlement du plan local d'urbanisme applicable en zone U.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le classement de la pointe sud du quartier des Allées du Parc dans une zone " marron " qui autorise les constructions d'une hauteur de 15 mètres dans la bande de constructibilité principale de 21 mètres n'est pas incohérent avec le parti d'aménagement retenu, ni avec l'article 7 du règlement littéral du plan local d'urbanisme, qui régit uniquement la qualité urbaine, architecturale, environnementale et paysagère des constructions. Pour les mêmes raisons, ce classement n'est pas entaché d'inexactitude matérielle, ni d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés :

20. L'association Les Amis des Allées reprend en appel ses moyens de première instance tirés de l'irrégularité de la procédure de concertation et de sa méconnaissance des articles L. 103-2 et L. 103-3 du code de l'urbanisme, de l'incomplétude du dossier d'enquête publique, de l'irrégularité de la délibération du 19 décembre 2019 au regard des dispositions des articles L. 2121-12, L. 2121-13 et L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales, de l'incohérence des éléments du plan local d'urbanisme entre eux concernant les règles de hauteur, de l'inexactitude matérielle, de l'erreur manifeste d'appréciation et du détournement de pouvoir entachant le classement de la pointe sud du quartier des Allées du Parc, et de l'imprécision des articles U 5 et U 6 du règlement du plan local d'urbanisme et des articles I 2 et I 3 du règlement de l'aire de valorisation de l'architecture et du patrimoine liée aux sites des Climats du vignoble de Bourgogne ainsi que de leur méconnaissance des dispositions des articles L. 151-8, L. 151-18, R. 151-1, R. 151-2, R. 151-11, R. 151-17 et R. 151-18 du code de l'urbanisme. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

21. Il résulte de ce qui précède que l'association Les Amis des Allées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Dijon Métropole, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à l'association Les Amis des Allées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

23. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par Dijon Métropole.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Les Amis des Allées est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Dijon Métropole tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Les Amis des Allées et à Dijon Métropole.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique de la cohésion des territoires en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01413

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01413
Date de la décision : 23/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-23;22ly01413 ?
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