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23/02/2023 | FRANCE | N°21LY02397

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 23 février 2023, 21LY02397


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société MSA Gallet holding a demandé au tribunal administratif de Lyon la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, pour un montant de 228 318 euros, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n°1906275 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une

requête et trois mémoires, enregistrés les 8 juillet 2021, 31 janvier 2022, 22 juin 2022 et 16 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société MSA Gallet holding a demandé au tribunal administratif de Lyon la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, pour un montant de 228 318 euros, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n°1906275 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 8 juillet 2021, 31 janvier 2022, 22 juin 2022 et 16 août 2022, la SAS MSA Gallet holding, représentée par Mes Gagneux et Berthier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et lui accorder la restitution sollicitée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'ayant pas répondu à la requête introductive d'instance qu'elle a présentée devant le tribunal dans le délai de six mois qui lui a été imparti, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans cette requête en vertu des dispositions de l'article R. 200-5 du livre des procédures fiscales ;

- par sa décision de rejet, l'administration l'a privée des garanties procédurales liées à la procédure de contrôle des prix de transfert visée à l'article 57 du code général des impôts ; l'administration a commis un détournement de procédure et aurait dû dégrever les impositions litigieuses pour reprendre une procédure de rectification sur le fondement de ces dispositions ;

- la charge exceptionnelle de 663 000 euros engagée par la société MSA Gallet au titre de l'exercice 2014 est déductible dès lors qu'elle est justifiée dans sa réalité par la facture du 30 décembre 2014 produite ; elle est justifiée par une répartition juste et raisonnable des dépenses engagées par le groupe MSA dans le cadre de son projet Europe 2.0 ; cette dépense a en outre été engagée dans l'intérêt direct de l'exploitation de la société MSA Gallet.

Par trois mémoires, enregistrés les 30 décembre 2021, 17 juin 2022 et 12 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 21 juillet 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 30 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gagneux pour la SAS MSA Gallet holding.

Considérant ce qui suit :

1. La société américaine MSA, développée en Europe au travers de sociétés affiliées à gestion indépendante, a mené à partir de 2013 un important projet de restructuration de ses activités européennes, intitulé Europe 2.0, mené à son terme à compter du 1er janvier 2015 par un changement de la politique des transferts entre sociétés filiales. Les coûts de restructuration du projet Europe 2.0 ont été engagés par la société allemande MSA Auer Gmbh qui, conformément aux termes d'un accord de répartition des coûts, les a refacturés à la société mère américaine et aux filiales européennes au prorata de leur chiffre d'affaires. C'est dans ce cadre qu'une facture de 663 000 euros a été mise à la charge de la société MSA Gallet le 30 décembre 2014. Cette charge n'a pas été initialement intégrée dans la liasse fiscale de la société relative à l'exercice clos le 31 décembre 2014. La société MSA Gallet holding, en qualité de société intégrante de la société MSA Gallet, s'est alors acquittée des droits en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale de l'exercice 2014 conformément à cette déclaration initiale. Par la suite, cette société a demandé, par une déclaration rectificative du 21 décembre 2017 valant réclamation, la prise en compte de cette facture en tant que charge déductible et, en conséquence, la réduction des impositions acquittées correspondant à cette charge déductible omise. Cette réclamation a été rejetée le 7 juin 2019. La SAS MSA Gallet holding relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, pour un montant de 228 318 euros, à raison de l'absence de prise en compte de cette charge déductible.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 200-5 du livre des procédures fiscales : " lorsque l'administration n'a pas, à l'expiration d'un délai de six mois suivant la date de présentation de l'instance, produit ses observations, le président du tribunal administratif peut lui accorder un nouveau délai de trois mois qui peut être prolongé, en raison de circonstances exceptionnelles, sur demande motivée. Le Président du tribunal administratif peut imposer des délais au redevable. Si c'est le demandeur qui n'a pas observé le délai, il est réputé s'être désisté ; si c'est la partie défenderesse, elle sera réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les recours ".

3. Il résulte de l'instruction que si l'administration a produit devant les premiers juges ses observations en défense postérieurement à l'expiration du délai de six mois imparti par les dispositions précitées, son premier mémoire en défense a été enregistré le 24 avril 2020, soit avant la clôture de l'instruction qui n'est intervenue que le 3 juillet 2020. Aucun délai n'a en outre été imparti par le président du tribunal à l'administration pour produire son mémoire en défense et aucune mise en demeure de produire ne lui a été adressée. Dès lors, l'administration fiscale, qui a contesté les faits, ne peut être réputée avoir acquiescé à ceux exposés par la société requérante dans sa demande. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité faute pour les premiers juges d'avoir considéré que l'administration avait acquiescé aux faits qu'elle avait exposés dans sa requête.

4. D'autre part, si la société requérante mentionne, en page 6 de sa requête d'appel, que " dans la décision de rejet du 7 juin 2019, l'administration s'appuie sur l'article 57 du CGI pour motiver son refus. (non repris par le tribunal) ", elle n'en tire pas pour autant expressément un moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué que la cour devrait examiner.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, les dispositions de l'article 57 du code général des impôts instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France que si celle-ci apporte la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties.

6. Il résulte de l'instruction qu'à réception de la déclaration rectificative des résultats pour l'année 2014 de la SAS MSA Gallet holding qu'elle a analysée comme une réclamation, l'administration fiscale a remis en cause, par sa décision de rejet de la réclamation du 7 juin 2019, la déductibilité de la charge afférente à la facture du 30 décembre 2014 sur le fondement de l'article 39-1 du code général des impôts. Si elle a évoqué les dispositions de l'article 57 du même code, elle n'a pas entendu se fonder sur celles-ci pour rejeter la réclamation. Elle n'était pas en outre, contrairement à ce que soutient la société requérante, tenue de mettre en œuvre cette procédure. Par suite, la SAS MSA Gallet holding n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis un détournement de procédure et l'aurait privée des garanties procédurales attachées à la procédure de constatation de transfert indirect de bénéfices.

7. En second lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

8. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration. Toutefois, conformément à la règle rappelée par les dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il incombe au contribuable de démontrer le caractère exagéré d'une imposition établie d'après les bases indiquées dans sa déclaration.

9. La SAS MSA Gallet holding soutient que la charge exceptionnelle de 663 000 euros comptabilisée dans sa déclaration rectificative du 21 décembre 2017 pour l'année 2014 est déductible dès lors qu'elle est justifiée dans sa réalité par la production de la facture du 30 décembre 2014, et par une répartition juste et raisonnable des dépenses engagées par le groupe MSA dans le cadre de son projet Europe 2.0. et qu'elle correspond à des frais engagés dans l'intérêt direct de son exploitation. Toutefois, les factures des cabinets d'avocats qu'elle produit au soutien de son argumentation et correspondant à un montant total de 365 000 euros selon la facture récapitulative litigieuse ne permettent pas de rattacher les prestations de conseils juridiques et fiscaux réalisées à des prestations rendues au profit de la société requérante. A ce titre, les factures du cabinet Jeantet concernent les opérations de restructuration menées en France et au Maroc sans distinction et sont adressées à la société mère américaine ou à une entité anglaise. Certaines factures produites concernent d'ailleurs des prestations datant de l'année 2015. Les factures des cabinets Deloitte/Taj ne contiennent quasiment aucune précision sur les prestations rendues. Si la société requérante avance que les cabinets en question ont été sollicités pour sécuriser des opérations d'apports partiels d'actifs de la société MSA Gallet aux sociétés MSA Production France et MSA Technologies et Enterprises Services SAS et pour la cession des activités d'entretien, de réparation des matériels, de formation de la clientèle à l'établissement stable français de la société allemande MSA Safety Services Gmbh, les factures produites ne permettent pas, en raison de leur globalité et leur caractère imprécis, de faire la distinction entre ces prestations et celles liées à d'autres entités du groupe MSA. S'agissant des factures SAP concernant des frais informatiques et des factures BG Staffing, Leverx, Breakaway concernant des dépenses de ressources humaines, celles-ci sont insuffisamment circonstanciées sur la nature et l'étendue des prestations rendues. Ne sont mentionnés que le nom du consultant et le nombre d'heures facturées. Enfin, il ressort du document intitulé " Fichier 2014 E2.0X France billing support_FR.xlsx (coûts sous-jacents) " que les dépenses afférentes à la restructuration européenne du groupe MSA ont été retenues au prorata du chiffre d'affaires de la société MSA Gallet (soit 19,35%) et non en fonction de leur nature et leur objet. En outre, l'administration a relevé que le projet de restructuration européen a conduit à une perte d'indépendance de la société française à compter du 1er janvier 2015 dès lors qu'à cette date, la société de droit suisse MSA Europen Gmbh est devenue la principale société opérationnelle du groupe MSA au détriment de la SAS MSA Gallet holding. Cette dernière n'apporte aucun élément pertinent de nature à établir pour elle un intérêt à la restructuration opérée. Le manque à gagner, issu de la restructuration, a d'ailleurs été compensé pour la société requérante par une indemnité d'un montant de 15 746 000 euros. Par suite, les éléments produits par la société requérante, quoique très nombreux, ne permettent pas d'apporter la preuve qui lui incombe que les dépenses dont elle se prévaut ont été engagées dans son intérêt. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre la charge exceptionnelle de 663 000 euros en litige en déduction de son résultat imposable pour l'année 2014.

10. Il résulte de ce qui précède que la SAS MSA Gallet holding n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS MSA Gallet holding la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS MSA Gallet holding est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS MSA Gallet holding et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2023.

La rapporteure,

V. Rémy-Néris

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°21LY02397

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02397
Date de la décision : 23/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-02-01-04-083 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Relations entre sociétés d'un même groupe.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : DELOITTE SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-23;21ly02397 ?
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