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23/02/2023 | FRANCE | N°21LY01163

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 23 février 2023, 21LY01163


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 avril 2021, les 18 et 19 octobre 2021, et le 13 janvier 2022, la société par actions simplifiée (SAS) Saint-Loup Distribution, représentée par la SCP Bouyssou et Associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter l'intervention volontaire de l'association En toute franchise ;

2°) d'ordonner, en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, la suppression des propos injurieux, outrageants et di

ffamatoires figurant dans le mémoire en intervention ;

3°) d'annuler la décision du 21...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 avril 2021, les 18 et 19 octobre 2021, et le 13 janvier 2022, la société par actions simplifiée (SAS) Saint-Loup Distribution, représentée par la SCP Bouyssou et Associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter l'intervention volontaire de l'association En toute franchise ;

2°) d'ordonner, en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, la suppression des propos injurieux, outrageants et diffamatoires figurant dans le mémoire en intervention ;

3°) d'annuler la décision du 21 janvier 2021 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté sa demande d'extension de 326 m² d'un espace culturel Leclerc à Tarare pour porter sa surface de vente à 1 325 m² ;

4°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de délivrer l'autorisation demandée dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen dans le même délai ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intervention volontaire de l'association En toute franchise est irrecevable faute d'être présentée par le ministère d'un avocat ; en outre, les demandes présentées qui excèdent les pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir sont également irrecevables ;

- en tout état de cause, les développements, au demeurant infondés, de l'association sont sans lien avec le litige ;

- il ne ressort pas de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial que ses membres aient été régulièrement convoqués, ni qu'ils aient reçu l'ensemble des documents visés par les dispositions de l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- son projet n'est pas incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale ;

- le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, qui n'a pas vocation à fixer des objectifs en matière commerciale et ne s'impose que dans un rapport de prise en compte de certains documents d'urbanisme, n'est pas un document légalement opposable aux demandes d'autorisation relevant de l'urbanisme commercial et ne peut légalement justifier un refus ; au demeurant, le projet en litige ne méconnaît pas la règle 6 du schéma ;

- le projet, qui répond à un véritable besoin en apportant, sur une faible surface de vente, une offre de jouets nouvelle dans la zone, n'est pas de nature à porter atteinte au centre-ville de Tarare mais permet de lutter contre l'évasion commerciale et de limiter les déplacements en voiture vers des zones commerciales mieux pourvues ; la circonstance que l'arrêt de bus serait situé à 1 km n'est pas, à elle seule, de nature à justifier un refus d'autorisation ;

- le projet d'extension de la surface de vente au sein d'un bâtiment existant ne méconnaît pas l'objectif de développement durable, alors qu'il n'implique ni création de places de stationnement ni imperméabilisation supplémentaire, et s'inscrit dans une zone d'activités comportant certains bâtiments vétustes et dégradés, au regard desquels doit être appréciée sa qualité architecturale ; le terrain d'assiette, desservi par une piste cyclable, comporte par ailleurs 20% d'espaces verts ainsi que des arbres, et le bâtiment est qualitatif sur le plan énergétique ;

- la circonstance que le projet, eu égard à sa nature, ne valoriserait pas les filières locales ne justifie pas un refus d'autorisation, alors en outre que l'enseigne a néanmoins recours, lorsque c'est possible, aux producteurs locaux ;

- elle n'a pas commis de détournement de procédure ;

- sa demande d'injonction est recevable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2021, la Commission nationale d'aménagement commercial, représentée par son président, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la demande d'injonction est irrecevable, les dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ne lui étant pas opposables ;

- les moyens soulevés par la SAS Saint-Loup Distribution ne sont pas fondés ;

- en tant que de besoin, elle entend se prévaloir d'un nouveau motif, tiré de ce que la SAS Saint-Loup Distribution s'est livrée à une manœuvre en fractionnant son projet initial, afin de limiter le contrôle que la loi assigne aux commissions d'aménagement commercial sur les implantations de commerces, et qu'il appartient à la Commission nationale de donner à une telle demande sa véritable portée.

Par des mémoires enregistrés le 14 mai 2021, le 29 octobre 2021, le 22 novembre 2021, le 7 février 2022, le 27 juin 2022 et le 8 août 2022, l'Association " En toute franchise du département du Rhône " conclut au rejet de la requête et demande à la cour de " constater " un délit de construction irrégulière d'un bâtiment commercial ainsi que l'impossibilité, pour le juge ou pour les préfets, de contrôler toutes les surfaces de vente et de lutter contre les fraudes, et de demander aux ministres concernés de procéder à la transposition complète de la directive 2006-123 du 12 décembre 2006.

Elle soutient que :

- le ministère d'avocat n'est pas obligatoire en première instance ;

- le projet a été frauduleusement fractionné pour passer en force au mépris des réglementations du code de l'urbanisme et du code de commerce ;

- les élus membres de la Commission départementale d'aménagement commercial ayant statué le 20 octobre 2020 ne respectent pas la convention de revitalisation des territoires ;

- elle n'a pas tenu de propos diffamatoires en faisant état du contexte juridique national et européen.

Une ordonnance de refus de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association " En toute franchise du département du Rhône " est intervenue le 10 octobre 2022.

Par ordonnance du 30 novembre 2022, la clôture de l'instruction est intervenue avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Evano, représentant la SAS Saint-Loup Distribution ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Saint-Loup Distribution, qui exploite à Tarare (Rhône) une surface commerciale de 999 m² de surface de vente, sous l'enseigne " Espace culturel E. Leclerc " ouverte le 6 novembre 2019, a obtenu le 9 octobre 2020 de la commission départementale d'aménagement commercial du Rhône l'autorisation d'étendre de 326 m² cet équipement commercial afin d'y adjoindre un secteur " jouet ", sur une " surface non affectée " préexistante au sein du bâtiment. Le préfet du Rhône, une société concurrente et l'association " En toute franchise " du département du Rhône ont alors formé un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial, qui a refusé cette autorisation par une décision du 21 janvier 2021, datée par erreur du 21 janvier 2020. La SAS Saint-Loup Distribution demande à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler cette décision du 21 janvier 2021.

Sur " l'intervention " de l'association " En toute franchise du département du Rhône " :

2. La personne qui, en application de l'article L. 752-17 du code de commerce, saisit la Commission nationale d'aménagement commercial d'un recours administratif préalable obligatoire contestant la décision favorable délivrée par la commission départementale (CDAC) sur un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale ne nécessitant pas la délivrance d'un permis de construire, a la qualité de partie en défense à l'instance devant la cour administrative d'appel dirigée contre la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial refusant l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée. Par suite, contrairement à ce qu'indique la SAS Saint-Loup Distribution, les écritures produites par l'association, au demeurant appelée en cause par la cour, n'ont pas le caractère d'une intervention volontaire.

3. En application de l'article R. 431-11 du code de justice administrative : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. / Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables aux recours pour excès de pouvoir (...) ". Il résulte de ces dispositions que le ministère d'avocat n'est pas obligatoire dans le présent litige, ni en demande, ni en défense. La fin de non-recevoir opposée par la SAS Saint-Loup Distribution aux écritures déposées par l'association " En toute franchise " doit ainsi être écartée.

Sur la légalité de la décision du 21 janvier 2021 :

4. Il résulte des dispositions des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

5. En premier lieu, en vertu de l'article L. 4251-3 du code général des collectivités territoriales : " Les schémas de cohérence territoriale et, à défaut, les plans locaux d'urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu, ainsi que les plans de mobilité, les plans climat-air-énergie territoriaux et les chartes des parcs naturels régionaux : / 1° Prennent en compte les objectifs du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires ; / 2° Sont compatibles avec les règles générales du fascicule de ce schéma, pour celles de leurs dispositions auxquelles ces règles sont opposables. / Lorsque les documents mentionnés au premier alinéa sont antérieurs à l'approbation du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, ils prennent en compte les objectifs du schéma et sont mis en compatibilité avec les règles générales du fascicule lors de la première révision qui suit l'approbation du schéma ". Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme ".

6. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, s'il s'impose dans un rapport de prise en compte aux schémas de cohérence territoriale, n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation d'exploitation commerciale. Par suite, en relevant que le projet de la SAS Saint-Loup Distribution ne prenait pas en compte ce schéma régional, la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur de droit.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Beaujolais a défini des " localisations préférentielles " pour l'implantation des unités commerciales de plus de 300m² et que le site du projet est localisé en périphérie de la polarité majeure de Tarare, correspondant à une zone d'accueil préférentiel des nouvelles implantations et extensions répondant à des achats occasionnels lourds et exceptionnels, mais également pour des nouvelles implantations et extensions répondant à des achats réguliers et occasionnels légers sous condition de respecter un objectif plafond de l'ordre de 1 200 m² de surface de vente couverte (soit environ 1 500 m² de surface de plancher) par unité commerciale. En outre, aux termes du même document, qui précise que ces objectifs ne constituent pas des normes impératives : " les commerces existants dans les localisations de périphérie, dont la nature correspond à une typologie d'activité indiquée comme " non préférentielle " dans les orientations relatives à la typologie des activités commerciales ou fréquence d'achat à laquelle elles répondent (...) peuvent bénéficier d'une extension limitée ", " de l'ordre de 300 m² pour les commerces dont la surface de vente est comprise entre 301 et 1 000 m² ". Il résulte de ces dispositions que l'extension de l'ordre de 300 m² demandée par la SAS Saint-Loup Distribution pour proposer une offre correspondant à des achats occasionnels légers, alors même qu'elle aura pour effet de porter la surface de vente totale au-delà de 1 200 m², tout en conservant une surface de plancher inférieure à 1 500 m², n'est pas incompatible avec les objectifs fixés par le SCOT du Beaujolais, contrairement à ce qu'ont estimé les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial, laquelle ne forme pas sur ce point de demande de substitution de motifs.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : (...) / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; (...) / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas sérieusement contesté, qu'il n'existe pas de réelle offre de jouets au centre-ville de Tarare et le maire de la commune ainsi que son " manager de centre-ville " ont indiqué, sans contradiction utile apportée sur ce point, qu'il n'existait pas de locaux vacants d'une taille suffisante pour accueillir une telle offre en centre-ville. Dans ces conditions, alors même que la commune de Tarare a été retenue pour le programme " Action cœur de ville " et bénéficie d'une opération de revitalisation du territoire, dont l'association " En toute franchise " ne démontre pas qu'elle aurait été méconnue, le projet d'extension limitée de la surface commerciale exploitée par la SAS Saint-Loup Distribution afin d'y adjoindre une offre de jouets, seul projet examiné par la Commission, n'apparaît pas de nature à porter atteinte à l'animation de la vie urbaine. La société requérante fait par ailleurs valoir, sans contradiction sérieuse, que son projet, en proposant une offre actuellement inexistante à Tarare est de nature à limiter l'évasion commerciale vers d'autres centralités et peut ainsi contribuer, quoique modestement, à la revitalisation du centre-ville de Tarare, alors même que la Commission a justement relevé que le projet n'était pas suffisamment desservi par les transports en commun. Les motifs tirés de l'absence de contribution à la revitalisation du centre-ville de Tarare ne peuvent ainsi suffire à justifier le refus opposé par la Commission au projet d'extension porté par la société requérante.

10. En quatrième lieu, eu égard à la nature et aux effets limités du projet tel que présenté, qui consiste uniquement, sans travaux de construction ou d'imperméabilisation supplémentaires, à augmenter la surface commerciale du site par l'exploitation d'une surface actuellement déclarée comme " non affectée " et entièrement comprise dans l'enveloppe existante du bâtiment, les motifs opposés à la SAS Saint-Loup Distribution par la Commission nationale d'aménagement commercial tirés de ce que le parking est imperméabilisé à 100%, sans amélioration prévue de sa perméabilité, de ce que le projet n'est pas vertueux en matière de développement durable en ce qu'il ne prévoit pas le recours à des énergies renouvelables et de ce que son insertion architecturale et paysagère est médiocre ne peuvent suffire à justifier le refus opposé, même si les critères d'appréciation prévus à l'article L. 752-6 du code de commerce, dont la mise en œuvre doit toutefois tenir compte des seuls effets du projet soumis à l'examen de la commission, sont identiques en cas de création ou d'extension. La société requérante fait par ailleurs valoir, sans être utilement contredite, que le secteur du jouet se prête mal au recours à des filières de production locales. Elle est ainsi fondée à soutenir que la Commission a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en opposant ces derniers motifs au projet d'extension dont elle était saisie.

11. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen de légalité externe, la SAS Saint-Loup Distribution est fondée à soutenir qu'aucun des motifs de refus énoncés par la décision du 21 janvier 2021 n'est fondé.

12. La Commission nationale d'aménagement commercial peut toutefois faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que la Commission aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

13. La Commission nationale d'aménagement commercial fait à ce titre valoir que la SAS Saint-Loup Distribution s'est livrée à une manœuvre en fractionnant son projet initial, afin de limiter le contrôle que la loi assigne aux commissions d'aménagement commercial sur les implantations de commerces, et qu'il lui appartient de donner à une telle demande sa véritable portée.

14. En l'espèce, il ressort effectivement des pièces du dossier que la SAS Saint-Loup Distribution a initialement déposé un dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale portant sur une surface de vente de 1 325m², composée d'un espace culturel et d'un espace jouet " E. Leclerc " et qu'elle a obtenu le 14 juin 2019 un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Rhône, au bénéfice duquel elle a toutefois renoncé le 29 juillet 2019, avant d'ouvrir en novembre 2019 l'espace culturel, d'une surface de vente de 999 m² et de déposer quelques mois plus tard une nouvelle demande d'autorisation d'exploitation commerciale portant uniquement sur l'extension de 326m² de sa surface de vente afin d'y adjoindre l'espace jouet prévu dès l'origine, sans aucune modification.

15. La circonstance qu'un pétitionnaire aurait artificiellement fractionné son projet afin d'éviter que la Commission ne se livre à une appréciation globale de ses impacts ne permet toutefois pas, à elle seule, de justifier un refus du projet. Il appartient seulement aux commissions d'aménagement commercial, si elles estiment qu'un pétitionnaire recherche abusivement, à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur en confiant à ces commissions le contrôle des implantations de commerces, le bénéfice d'une application littérale des textes, notamment de ceux autorisant l'ouverture d'une surface commerciale inférieure à 1 000 m² puis son extension ultérieure, par le fractionnement d'un projet qui ne peut être inspiré par aucun autre motif que celui de limiter le contrôle effectivement exercé sur le respect des critères énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce en vue de faciliter l'obtention de l'autorisation recherchée, de redonner sa véritable portée à la demande qui lui est soumise. Il leur appartient alors, si elles s'estiment insuffisamment informées sur les effets du projet, pris dans sa globalité, par le dossier qui leur est soumis, non de refuser d'emblée pour ce motif l'autorisation, mais d'inviter la société à compléter dans cette mesure son dossier afin de combler les insuffisances constatées, puis, le cas échéant, de rejeter la demande en raison de lacunes persistantes. Il suit de là qu'il ne peut être fait droit à la demande de substitution de motifs présentée par la Commission nationale d'aménagement commercial mais qu'il appartiendra à cette dernière, si elle s'y croit fondée, dans le cadre du réexamen du projet, de faire application des principes énoncés ci-dessus.

16. Il résulte de ce qui précède que la SAS Saint-Loup Distribution est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée du 21 janvier 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Les motifs du présent arrêt impliquent seulement, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder au réexamen du dossier de la SAS Saint-Loup Distribution, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions principales à fin d'injonction de la société requérante.

Sur les autres demandes de l'association " En toute franchise " :

18. Si l'association défenderesse demande à la cour de " constater " un délit de construction irrégulière d'un bâtiment commercial ainsi que l'impossibilité, pour le juge ou pour les préfets, de contrôler toutes les surfaces de vente et de lutter contre les fraudes, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de dresser de simples " constats ". Il ne lui appartient pas davantage, en dehors d'éventuelles conclusions accessoires à une demande principale dirigée contre une décision portant refus de transposition, de " demander " aux ministres intéressés de procéder à la complète transposition d'une directive dont l'association estime, au demeurant sans assortir ses allégations des précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé, qu'elle n'aurait pas été entièrement transposée en droit interne.

Sur la demande de suppression d'écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires :

19. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires. En l'espèce, si elles peuvent présenter un caractère parfois outrancier, les écritures déposées par l'association " En toute franchise du département du Rhône ", dont la SAS Saint-Loup Distribution n'identifie au demeurant aucun passage précis dont elle demande la suppression, n'excèdent pas le droit à la libre discussion et ne présentent pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire. Les conclusions tendant à la suppression d'écrits présentant un tel caractère doivent par suite être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la SAS Saint-Loup Distribution au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 21 janvier 2021 de la Commission nationale d'aménagement commercial est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder au réexamen de la demande de la SAS Saint-Loup Distribution, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Saint-Loup Distribution, à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial, au préfet du Rhône, à la société Auchan Supermarché, à l'association " En toute franchise du département du Rhône " et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2023.

Le président-rapporteur,

F. BourrachotLa présidente assesseure,

P. Dèche

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01163

lc


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉGLEMENTATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES - ACTIVITÉS SOUMISES À RÉGLEMENTATION - AMÉNAGEMENT COMMERCIAL - PROCÉDURE - COMMISSION NATIONALE D`AMÉNAGEMENT COMMERCIAL - PROCÉDURE À SUIVRE PAR LA COMMISSION NATIONALE EN PRÉSENCE D'UNE FRAUDE À LA LOI.

14-02-01-05-02-02 La Commission nationale d'aménagement commercial faisait valoir devant la cour que le pétitionnaire s'était livré à une manœuvre en fractionnant son projet initial, afin de limiter le contrôle que la loi assigne aux commissions d'aménagement commercial sur les implantations de commerces, et qu'il lui appartenait de donner à une telle demande sa véritable portée....Toutefois, la circonstance qu'un pétitionnaire aurait artificiellement fractionné son projet afin d'éviter que la Commission ne se livre à une appréciation globale de ses impacts ne permet toutefois pas, à elle seule, de justifier un refus du projet. ...Il appartient seulement aux commissions d'aménagement commercial, si elles estiment qu'un pétitionnaire recherche abusivement, à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur en confiant à ces commissions le contrôle des implantations de commerces, le bénéfice d'une application littérale des textes, notamment de ceux autorisant l'ouverture d'une surface commerciale inférieure à 1 000 m² puis son extension ultérieure, par le fractionnement d'un projet qui ne peut être inspiré par aucun autre motif que celui de limiter le contrôle effectivement exercé sur le respect des critères énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce en vue de faciliter l'obtention de l'autorisation recherchée, de redonner sa véritable portée à la demande qui lui est soumise. Il leur appartient alors, si elles s'estiment insuffisamment informées sur les effets du projet, pris dans sa globalité, par le dossier qui leur est soumis, non de refuser d'emblée pour ce motif l'autorisation, mais d'inviter la société à compléter dans cette mesure son dossier afin de combler les insuffisances constatées, puis, le cas échéant, de rejeter la demande en raison de lacunes persistantes (1).

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉGLEMENTATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES - ACTIVITÉS SOUMISES À RÉGLEMENTATION - AMÉNAGEMENT COMMERCIAL - RÈGLES DE FOND - FRAUDE À LA LOI.

14-02-01-05-03 La Commission nationale d'aménagement commercial faisait valoir devant la cour que le pétitionnaire s'était livré à une manœuvre en fractionnant son projet initial, afin de limiter le contrôle que la loi assigne aux commissions d'aménagement commercial sur les implantations de commerces, et qu'il lui appartenait de donner à une telle demande sa véritable portée....Toutefois, la circonstance qu'un pétitionnaire aurait artificiellement fractionné son projet afin d'éviter que la Commission ne se livre à une appréciation globale de ses impacts ne permet toutefois pas, à elle seule, de justifier un refus du projet. ...Il appartient seulement aux commissions d'aménagement commercial, si elles estiment qu'un pétitionnaire recherche abusivement, à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur en confiant à ces commissions le contrôle des implantations de commerces, le bénéfice d'une application littérale des textes, notamment de ceux autorisant l'ouverture d'une surface commerciale inférieure à 1 000 m² puis son extension ultérieure, par le fractionnement d'un projet qui ne peut être inspiré par aucun autre motif que celui de limiter le contrôle effectivement exercé sur le respect des critères énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce en vue de faciliter l'obtention de l'autorisation recherchée, de redonner sa véritable portée à la demande qui lui est soumise. Il leur appartient alors, si elles s'estiment insuffisamment informées sur les effets du projet, pris dans sa globalité, par le dossier qui leur est soumis, non de refuser d'emblée pour ce motif l'autorisation, mais d'inviter la société à compléter dans cette mesure son dossier afin de combler les insuffisances constatées, puis, le cas échéant, de rejeter la demande en raison de lacunes persistantes (1).


Références :

[RJ1]

1. Inédit. Comp., s'agissant de la fraude à la Loi, CE, Section, avis, 9 octobre 1992, A., n° 137342, Lebon p. 363 ;

CE, 30 décembre 2002, Société civile immobilière d'H.L.M. de Lille et environs, n° 232584, Lebon T. p. 900, 902, 962 ;

CE, Section, 27 septembre 2006, Société Janfin, n° 260050, p. 401.

Rappr., s'agissant de la procédure à suivre par la Commission nationale lorsque le dossier qui lui est soumis est incomplet, CE 30 mai 2011, Société Frenodis, n° 336055, Lebon T. p. 814.


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Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : LETANG AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 23/02/2023
Date de l'import : 10/08/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21LY01163
Numéro NOR : CETATEXT000047253998 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-23;21ly01163 ?
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