Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures
Mme A... G..., M. D... E..., Mme C... B... et M. F... H... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous le n° 1904882, d'annuler, d'une part, la délibération du 1er juillet 2019 par laquelle la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération a approuvé le protocole de résiliation d'une convention d'aménagement négocié avec la société Sodec et a autorisé son président à le signer, d'autre part, le protocole signé le 4 juillet 2019 entre ladite communauté d'agglomération et la société Sodec.
Ils ont également demandé au tribunal administratif de Grenoble, sous le n° 1907184, d'annuler le protocole signé le 16 septembre 2019 entre la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération et la société Sodec et d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération d'émettre sous quinzaine un titre de recettes constituant la société Sodec débitrice de la somme de 1,1 millions d'euros correspondant à l'indemnité de résiliation qui lui a été allouée.
Par jugements n° 1907184 et n° 1904882 du 8 mars 2021, le tribunal a, d'une part, rejeté leur demande dirigée contre le protocole signé le 16 septembre 2019, d'autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur la demande dirigée contre le protocole signé le 4 juillet 2019 et rejeté le surplus de leurs demandes.
Procédures devant la cour
I- Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 mars 2021 et le 14 mars 2022 sous le n° 21LY00952, Mme A... G..., M. D... E..., Mme C... B... et M. F... H..., représentés par la SELARL Cabinet Champauzac, avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1907184 du 8 mars 2021 du tribunal administratif de Grenoble ayant rejeté leur demande dirigée contre le protocole signé le 16 septembre 2019 ;
2°) d'annuler la délibération du 9 septembre 2019 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération et le protocole signé le 16 septembre 2019 entre la communauté d'agglomération et la société Sodec ;
3°) d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération d'émettre à l'ordre de la société Sodec, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt, un titre de recettes de 1,1 millions d'euros assorti d'intérêts moratoires à compter du 16 septembre 2019, capitalisés ;
4°) de rejeter la demande indemnitaire subsidiaire présentée par la société Sodec ;
5°) de mettre solidairement à la charge de la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération et de la société Sodec la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal, qui a relevé d'office, sans en informer les parties, l'inopérance des moyens dirigés contre la délibération du 1er juillet 2019 pour contester la validité du protocole, a méconnu le principe du contradictoire ;
- leur recours en contestation de la validité du protocole est recevable ;
- ils sont fondés à soulever, à l'appui de leur recours en contestation de validité du protocole du 16 septembre 2019, l'illégalité externe de la délibération du 9 septembre 2019 du conseil communautaire ayant approuvé le protocole et autorisé son président à le signer ;
- en méconnaissance de l'article L. 2141-5 du code général des collectivités territoriales et du règlement intérieur du conseil communautaire, l'avocat de la communauté d'agglomération, qui n'appartenait pas aux services administratifs de la collectivité et n'était pas élu communautaire, ne pouvait participer aux débats qui ont précédé l'adoption de la délibération du 9 septembre 2019 ;
- les conseillers communautaires ont disposé d'une information incomplète et fausse sur le protocole ;
- le protocole, qui consent une libéralité à la société Sodec, est illégal ;
- la société Sodec ne justifie en effet pas de l'existence des frais financiers qui ont été indemnisés à hauteur de 852 552 euros et le contrat ne prévoyait pas de rémunération des fonds propres ;
- il n'est pas non plus justifié de l'indemnisation d'une perte de marge, dont le montant repose sur les données figurant au CRAC arrêté le 31 décembre 2017 sur la base de recettes et de charges prévisionnelles dont les montants ne sont pas suffisamment justifiés ;
- il n'est pas justifié du montant des dépenses engagées par la société Sodec pour les besoins de l'opération ;
- la société Sodec a commis une faute contractuelle en ne respectant pas les termes du contrat de concession sur le montant des frais généraux, de sorte qu'elle ne peut prétendre à une indemnité pour rupture du contrat pour un motif d'intérêt général ou, à tout le moins, qu'elle ne peut prétendre à être indemnisée des dépenses qu'elle a exposées que dans la limite des 493 910 euros figurant dans le marché ; le consentement du conseil communautaire a été vicié ;
- un arrêté des comptes aurait dû être établi en application de l'article 23.1 du contrat de concession ;
- en application des articles 21.1, 23 et 23.2.1 du contrat de concession, et des articles 2 et 5 du protocole, le solde d'exploitation négatif devait être à la charge de l'aménageur de sorte qu'il ne pouvait être indemnisé ;
- la résiliation amiable de la concession, seulement 17 mois avant la fin de son échéance, et moyennant le versement d'une somme de 1,1 million d'euros, alors que la société Sodec aurait dû supporter son déficit d'exploitation, constitue une libéralité ;
- le protocole se fonde sur les stipulations du 2ème paragraphe de l'article 23.4 du contrat de concession qui est illégal dans la mesure où le contrat de concession prévoit que le solde d'exploitation négatif est assumé par l'aménageur à l'expiration du contrat ;
- la réclamation subsidiaire de la société Sodec présentée devant le tribunal n'est pas recevable à défaut de liaison du contentieux et n'est nullement justifiée.
Par mémoire enregistré le 25 octobre 2022, la société Sodec, prise en la personne de son administrateur judiciaire la SCP CBF associés Lou Fléchard, représentée par Me Courrech, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération au paiement d'une somme de 75 902 736,45 euros HT soit 91 083 283,74 euros TTC en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation de la concession ;
3°) de mettre à la charge de Mme G... et autres une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- Mme G... ne dispose pas, du seul fait de sa qualité de contribuable local, d'un intérêt suffisant pour contester la validité du protocole qui n'a pas de conséquences significatives sur les finances de la collectivité et pour faire appel du jugement ;
- les moyens soulevés par Mme G... et autres ne sont pas fondés ;
- en cas d'annulation du protocole, elle devra être indemnisée du préjudice lié à la résiliation du contrat de concession correspondant pour l'aménagement et la promotion immobilière aux dépenses engagées à la date de cessation du contrat, telles qu'arrêtées au CRAC de 2017, aux honoraires du maître d'ouvrage délégué, à la gestion du contentieux, à la gestion administrative, aux honoraires de commercialisation et à la marge bénéficiaire, soit un total de 91 083 283,74 euros TTC.
La communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération n'a pas produit d'observations.
Par courrier du 6 janvier 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, tendant à l'annulation de la délibération du 9 septembre 2019 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération.
II- Par requête enregistrée le 30 mars 2021 sous le n° 21LY00973, Mme A... G..., M. D... E..., Mme C... B... et M. F... H..., représentés par la SELARL Cabinet Champauzac, avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1904882 du 8 mars 2021 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté leurs conclusions dirigées contre le protocole signé le 4 juillet 2019 ;
2°) d'annuler ce protocole ;
3°) d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération d'émettre à l'ordre de la société Sodec, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt, un titre de recettes de 1,1 millions d'euros assorti d'intérêts moratoires à compter du 16 septembre 2019, capitalisés ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération et de la société Sodec la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le recours en contestation de la validité du protocole est recevable ;
- la délibération du 1er juillet 2019 et le protocole du 4 juillet 2019 sont entachés d'un vice de légalité externe en ce qu'aucune information suffisante n'a été apportée aux membres du conseil communautaire ;
- le protocole, qui consent une libéralité à la société Sodec, est illégal.
La communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération et la SCP CBF associés, administrateur judiciaire de la société Sodec en redressement judiciaire, auxquelles la requête a été communiquée, n'ont pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, première conseillère,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Abel pour la SCP CBF associés, administrateur judiciaire de la société Sodec ;
Considérant ce qui suit :
1. La communauté d'agglomération Montélimar Sésame a confié à la société Sodec, par un contrat de concession signé le 27 janvier 2014, l'aménagement de la zone d'aménagement concertée (ZAC) du Plateau, qui devait accueillir une zone commerciale d'une surface de plancher de 65 000 m2 au sein d'un secteur à urbaniser, à vocation commerciale et tertiaire. A la suite de l'avis défavorable émis par le commissaire enquêteur sur le projet, la communauté d'agglomération, devenue Montélimar-Agglomération, y a renoncé. La communauté d'agglomération et la société Sodec sont alors convenues, par un protocole, approuvé par délibération du conseil communautaire du 1er juillet 2019, signé le 4 juillet 2019, de la résiliation de la concession d'aménagement pour un motif d'intérêt général et du versement d'une somme de 1 100 000 euros en réparation du préjudice financier subi par la société du fait de la résiliation. A la demande du préfet de la Drôme, l'exécution du protocole signé le 4 juillet 2019 entre la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération et la société Sodec a été suspendue par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 1er août 2019. Un nouveau protocole, approuvé par délibération du 9 septembre 2019 du conseil communautaire et signé le 16 septembre 2019, prononce la résolution du protocole signé le 4 juillet 2019, la résiliation de la concession d'aménagement et le versement d'une somme de 1 100 000 euros en réparation du préjudice financier subi par la société du fait de la résiliation.
2. Mme G..., en qualité de contribuable local, d'une part, et Mme B..., M. E... et M. H..., en qualité de conseillers communautaires, d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 1er juillet 2019 par laquelle la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération a approuvé les termes du protocole à conclure avec la société Sodec et autorisé son président à le signer et d'annuler le protocole signé le 4 juillet 2019. Par jugement n° 1904882 du 8 mars 2021, le tribunal administratif a rejeté les conclusions dirigées contre la délibération comme irrecevables et prononcé un non-lieu à statuer sur la contestation de la validité du protocole dans la mesure où il a été résolu par l'article 1er du protocole du 16 septembre 2019. Mme G..., Mme B..., M. E... et M. H... relèvent appel de ce jugement, sous le n° 21LY00973, en tant qu'il a rejeté leur demande d'annulation du protocole.
3. Ces mêmes requérants ont demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation du protocole signé le 16 septembre 2019 entre la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération et la société Sodec. Par jugement n° 1907184 du 8 mars 2021, dont ils relèvent appel sous le n° 21LY00952, le tribunal administratif a rejeté leur demande.
4. Ces deux requêtes étant dirigées contre le jugement ayant statué sur le protocole signé le 16 septembre 2019, qui a prononcé la résolution du protocole signé le 4 juillet 2019, et contre le jugement ayant statué sur ce protocole signé le 4 juillet 2019, il y a lieu, compte tenu du lien entre les deux protocoles, de les joindre pour statuer par un unique arrêt.
Sur la requête n° 21LY00952 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande et de l'appel de Mme G... et autres :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la délibération du 9 septembre 2019 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération :
5. Les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 9 septembre 2019 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, sont nouvelles en cause d'appel et, par suite, irrecevables.
En ce qui concerne la régularité du jugement :
6. Lorsqu'il écarte un moyen comme inopérant, le juge se borne à répondre à ce moyen sans avoir à en relever un nouveau d'office dont il devrait informer les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Par suite, et sans égard au bien-fondé de la réponse apportée par le tribunal qui a, sans information préalable des parties, écarté comme inopérants les moyens tirés des vices de procédure entachant la délibération du 1er juillet 2019, invoqués à l'appui de la demande d'annulation du protocole, le principe du contradictoire n'a pas été méconnu.
En ce qui concerne la validité du protocole signé le 16 septembre 2019 :
7. Tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale concerné. Ceux-ci, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui de leur recours. La légalité de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peuvent être contestées qu'à l'occasion du recours ainsi défini.
S'agissant de la légalité de la délibération autorisant la conclusion et la signature du protocole :
8. Aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, rendu applicable à l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale par l'article L. 5211-1 de ce code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".
9. Il résulte de l'instruction que, préalablement à la tenue du conseil communautaire du 9 septembre 2019, les conseillers communautaires ont été destinataires des projets de délibération et de protocole accompagnés de la note méthodologique de la société Sodec pour l'établissement du CRAC (compte rendu annuel du concessionnaire), des attestations de l'expert-comptable de la société Sodec sur les frais de personnel et le tableau d'affectation, d'une part, et sur les dépenses engagées, d'autre part, des factures de la société Sodec, des ordonnances du tribunal administratif statuant sur les deux référés exercés contre le protocole du 4 juillet 2019 ainsi que des pièces échangées dans ces instances, qui exposaient les aspects juridiques. Il n'est pas contesté que ces informations ont été portées à la connaissance des conseillers communautaires en temps utile et que ces éléments leur ont permis d'être informés dans les conditions leur permettant de remplir normalement leur mandat.
10. Lors de son intervention à la demande du président du conseil communautaire, en qualité de conseiller juridique de l'établissement public chargé de l'assister dans les négociations ayant conduit à la rédaction du protocole, l'avocat de la communauté d'agglomération s'est borné à rappeler le contexte juridique du dossier, à expliciter les éléments sur lesquels la communauté d'agglomération s'était fondée pour engager les négociations, à exposer les concessions réciproques des parties et à donner un éclairage sur les risques juridiques encourus en cas de rejet du projet de protocole, reprenant ainsi différents points figurant dans les mémoires en défense produits dans les instances de référé. Si certains conseillers communautaires ne partageaient pas cette analyse, notamment sur les dépenses à prendre en compte ainsi que sur les frais financiers exposés par la société Sodec, ils ont pu librement exprimer leurs points de vue lors de la séance du conseil. La circonstance que l'avocat a indiqué, par erreur, que les dépenses de la société Sodec ont été attestées par le commissaire au compte, au lieu de l'expert-comptable n'a pu, en l'espèce, dès lors que les conseillers communautaires avaient été destinataires de ces attestations où figurait la qualité du signataire de ces documents, avoir d'incidence sur la sincérité de l'information délivrée. Par suite, le moyen tiré de ce que les conseillers communautaires auraient disposé d'une information incomplète et fausse sur le protocole, ayant nécessairement affecté le consentement de ces derniers, doit être écarté.
11. En deuxième lieu, si en principe seules les personnes ayant qualité de conseiller communautaire peuvent participer aux délibérations du conseil communautaire, la circonstance que l'avocat de la communauté d'agglomération, chargé de l'assister dans les négociations ayant conduit à la rédaction du protocole, ait été invité par le président du conseil communautaire à présenter les éléments juridiques du dossier, n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, et pour les motifs exposés ci-dessus, et alors même que l'avocat avait pris place, à la demande du président du conseil communautaire, à ses côtés, été de nature à entacher d'irrégularité la délibération litigieuse. Par suite, et alors que l'article L. 2141-5 du code général des collectivités territoriales qu'invoquent les requérants n'existe pas et qu'ils n'ont pas produit le règlement intérieur du conseil communautaire qu'ils invoquent, ils ne sont pas fondés à soutenir que la participation de l'avocat aux débats qui ont précédé l'adoption de la délibération du 9 septembre 2019 l'a entachée d'irrégularité.
S'agissant de l'existence d'une libéralité :
12. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, l'autorité concédante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier un contrat de concession, sous réserve des droits à indemnité du concessionnaire. L'étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment de la personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le concessionnaire, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé.
13. Il résulte de l'instruction que le protocole litigieux, adopté par la communauté d'agglomération et la société Sodec, prononce la résiliation de la concession d'aménagement pour un motif d'intérêt général et fixe à 1 100 000 euros le montant de l'indemnité due à la société Sodec en raison de cette résiliation anticipée du contrat, cette dernière renonçant à demander au juge de fixer l'indemnité de résiliation à laquelle elle aurait eu droit en application de l'article 23.4 du contrat de concession. Cet article prévoyait, en cas de résiliation pour un motif d'intérêt général, que la communauté d'agglomération indemniserait l'aménageur de l'intégralité de son préjudice en ce compris les dépenses engagées à la date effective de la cessation du contrat, telles qu'arrêtées au dernier compte rendu au concédant approuvé, les frais liés aux emprunts, les frais financiers supportés par l'aménageur et la perte de gains induits par la résiliation. Sur la base de ces stipulations, la société Sodec a fait valoir, dans le cadre des négociations engagées avant la signature du protocole, qu'elle pouvait prétendre à une indemnité de 1 308 612,45 euros au titre des dépenses engagées, de 852 552 euros au titre des frais financiers et de 94 492,19 euros au titre de la perte de marge, sommes ramenées à 1 100 000 euros au terme du protocole.
14. En premier lieu, la circonstance que la concession d'aménagement passée avec la société Sodec, selon les règles prévues aux articles R. 300-4 à R. 300-10 du code de l'urbanisme, est une concession qui transfère le risque économique de l'opération au concessionnaire, ainsi que le prévoit l'article 23.2 de ladite concession selon lequel le solde d'exploitation négatif est assumé par l'aménageur seul, ne fait pas obstacle à ce que, conformément à ce qui a été dit au point 12, le contrat de concession prévoie, comme c'était le cas en l'espèce, une indemnisation du concessionnaire en cas de résiliation prononcée pour un motif d'intérêt général. Les stipulations de l'article 23.4 du contrat de concession, sur la base desquelles les négociations ont été engagées, indemnisent le concessionnaire du préjudice résultant des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé, conformément aux règles exposées au point 12.
15. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le commissaire enquêteur a rendu un avis défavorable sur l'utilité publique du projet d'aménagement de la ZAC du Plateau. Si la communauté d'agglomération a, dans un premier temps, réitéré auprès du préfet de la Drôme la demande de déclaration d'utilité publique du projet par délibération du 15 avril 2017, elle n'a pas donné suite à l'invitation faite par le préfet, par courrier du 16 juin 2017 de lui transmettre une délibération du conseil communautaire se prononçant sur l'intérêt général de l'opération. Elle a, par délibération du 9 octobre 2017 déclaré caduc le projet. Dans ces conditions, le projet d'aménagement de la ZAC ne pouvait être poursuivi et c'est à juste titre que la résiliation de la concession d'aménagement a été prononcée en considération de l'intérêt général. Les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la communauté d'agglomération aurait dû ne pas prononcer la résiliation de la concession d'aménagement, mais la laisser courir jusqu'à son terme afin que le concédant supporte seul le risque économique de l'opération dans la mesure où la responsabilité de l'établissement public aurait alors pu être engagée par le concessionnaire.L'article 23.2 de la concession d'aménagement qu'invoquent à tort les appelants ne permet de laisser à la charge du concessionnaire que le déficit d'une opération effectivement réalisée.
16. En troisième lieu, la circonstance que les dépenses engagées par la société Sodec au cours des premières années de la concession d'aménagement ont dépassé le montant prévisionnel de ces dépenses ne constitue pas une faute contractuelle de la société Sodec justifiant une résiliation de la concession pour faute et devant exclure son indemnisation.
17. En quatrième lieu, les requérants ne peuvent utilement faire valoir que la procédure d'arrêt des comptes prévue à l'article 23.1 du contrat de concession n'a pas été respectée alors que les parties ont convenu du montant à allouer à la société Sodec en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation.
18. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que le compte rendu annuel du concessionnaire au concédant pour l'année 2017 a été approuvé par une délibération du 11 juin 2018 du conseil communautaire. Aux termes de cette délibération, la société Sodec avait exposé, à la fin de l'année 2017, 1 308 612,45 euros. Conformément aux stipulations du contrat de concession, le montant de l'indemnisation de la société Sodec devait être déterminé sur la base des données approuvées lors du dernier compte rendu annuel du concessionnaire. Par suite, c'est à juste titre que la communauté d'agglomération et la société Sodec ont pris en considération les sommes exposées par la société Sodec, telle qu'elles figuraient dans ce document, afin de s'accorder sur le montant de l'indemnité accordée à la société.
19. Par ailleurs, il résulte des données figurant dans le compte rendu annuel au concessionnaire de 2017, approuvé par la délibération du 11 juin 2018, que la société Sodec escomptait, à la fin de l'année 2017, dégager une marge de 94 432,19 euros. C'est à juste titre que les parties se sont fondées sur cette marge, qui était la marge escomptée avant que le projet ne soit abandonné, et non, sur le déficit induit, pour la société Sodec, de l'abandon du projet pour un motif d'intérêt général.
20. Enfin, si la concession d'aménagement prévoyait que le concessionnaire serait également indemnisé des frais d'emprunt et des frais financiers, la société Sodec, en se bornant à faire valoir qu'elle a droit à la rémunération de ses fonds propres, ne justifie avoir exposé ni frais d'emprunt ni frais financiers. Toutefois, en accordant une indemnité d'un montant de 1 100 000 euros à la société Sodec, inférieure au montant du préjudice résultant, pour la société Sodec, des dépenses qu'elle a exposées et du gain dont elle a été privé, déterminés selon les termes de la concession d'aménagement, la communauté d'agglomération n'a pas consenti de libéralité à la société Sodec et l'indemnité ainsi allouée, conforme aux obligations nées de la convention de concession, n'est pas manifestement disproportionnée au détriment de la personne publique concédante.
21. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande subsidiaire de la société Sodec, que Mme G... et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande dirigée contre le protocole signé le 16 septembre 2019. Leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre une somme à leur charge à verser à la société Sodec.
Sur la requête n° 21LY00973 :
22. Le tribunal ayant rejeté la demande dirigée contre le protocole signé le 16 septembre 2019, dont l'article 1er prononce la résolution du protocole signé le 4 juillet 2019, c'est à juste titre qu'il a prononcé, par un jugement du même jour, un non-lieu à statuer sur la contestation dirigée contre le protocole signé le 4 juillet 2019. Le présent arrêt rejetant l'appel formé contre le jugement ayant rejeté la demande dirigée contre le protocole signé le 16 septembre 2019, l'appel formé par Mme G... et autres contre le jugement ayant prononcé le non-lieu à statuer doit également être rejeté en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 21LY00952 et 21LY00973 présentées par Mme G... et autres sont rejetées.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la société Sodec présentées dans l'instance n° 21LY00952 est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G..., désignée en qualité de représentante unique, à la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération et à la société Sodec.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
Ph. Arbarétaz
Le greffier,
J. Billot
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
2
Nos 21LY00952, 21LY00973