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16/02/2023 | FRANCE | N°20LY02596

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 16 février 2023, 20LY02596


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite de rejet opposée par la SA La Poste à sa demande, présentée dans un courrier du 24 septembre 2018, tendant à ce que soient prises des mesures pour faire cesser une situation de harcèlement moral, à ce qu'elle bénéficie de la protection fonctionnelle et à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1900790 du 6 juillet 2

020, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite de rejet opposée par la SA La Poste à sa demande, présentée dans un courrier du 24 septembre 2018, tendant à ce que soient prises des mesures pour faire cesser une situation de harcèlement moral, à ce qu'elle bénéficie de la protection fonctionnelle et à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1900790 du 6 juillet 2020, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me Ruiz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet opposée par la SA La Poste à sa demande présentée dans un courrier du 24 septembre 2018 ;

3°) de condamner la SA La Poste à lui verser une indemnité de 50 000 euros ;

4°) de mettre à la charge de la SA La Poste une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, n'étant pas suffisamment motivé ;

- elle a subi des agissements constitutifs de harcèlement moral, au regard des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- ce harcèlement moral, fautif, lui a causé plusieurs chefs de préjudice moral, financier et professionnel, estimés à la somme globale de 50 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 8 février 2021, la SA La Poste, représentée par Me Bellanger, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était partiellement irrecevable, pour défaut d'objet, dès lors qu'à la date d'introduction de cette demande, les mesures sollicitées par l'intéressée afin de faire cesser les agissements de harcèlement moral dont elle s'estimait victime avaient été mises en œuvre ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Tastard, substituant Me Bellanger, pour la SA La Poste ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., titulaire du grade d'agent technique et de gestion de second niveau de la SA La Poste, exerçait des fonctions de chargée de clientèle au sein du service client du centre financier de Lyon. Elle a demandé à son employeur, par un courrier du 24 septembre 2018, de prendre toute mesure pour faire cesser la situation de harcèlement moral dont elle s'estimait victime, demande confirmée sur ce point par un courrier du 14 novembre 2018, mais également de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette situation. Cette demande, notamment en tant qu'elle présentait un caractère indemnitaire, a été implicitement rejetée. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juillet 2020 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce rejet implicite et à la condamnation de la SA La Poste à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de préjudices d'ordre moral, financier et professionnel qu'elle aurait subis.

Sur la régularité du jugement :

2. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont explicité de manière suffisamment circonstanciée les raisons pour lesquelles ils ont estimé, au regard de différents éléments avancés, que l'intéressée n'avait pas été victime d'agissements de harcèlement moral. Ainsi, et alors que le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments énoncés par Mme A..., ce jugement, qui est suffisamment motivé, n'est pas irrégulier.

Sur la légalité de la décision contestée :

3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans leur version applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant (...) la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / (...). "

4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. De plus, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Par ailleurs pour être qualifiés de harcèlement moral, les faits répétés visés par les dispositions précitées, doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

5. Mme A... se prévaut de ce que depuis 2017 elle aurait été victime, d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, avec dégradation de ses conditions de travail et altération de son état de santé.

6. Sont d'abord en cause des manœuvres qui l'auraient empêchée d'obtenir un avancement. Si l'intéressée se plaint d'une absence de formation, dénoncée dans un courrier 28 février 2017, et indique que les préconisations du médecin de travail relatives à la dispense de tâches exigeant l'utilisation du téléphone dans ses évaluations n'auraient pas été prises en compte, rien ne permet de dire qu'elle aurait été victime d'agissements répétés de harcèlement moral. Même en admettant qu'elle l'aurait effectivement adressé, le courrier ci-dessus ne saurait à lui seul suffire à démontrer qu'elle aurait été volontairement privée de la possibilité d'obtenir des formations susceptibles d'améliorer sa manière de servir. Il ne ressort pas davantage du compte rendu de son entretien professionnel au titre de l'année 2017 que l'absence d'utilisation du téléphone lui aurait été reprochée. A cet égard, et même si ce document présente l'usage du téléphone comme un moyen d'atteindre certains de ses objectifs, ces derniers ont été considérés comme atteints et sa manière de servir regardée comme globalement bonne.

7. Ensuite, Mme A... se plaint de pressions dont elle aurait fait l'objet au premier trimestre de l'année 2018 pour l'inciter à renoncer à des revendications relatives à la mise en place d'une réforme de l'organisation du temps de travail. Ainsi, elle indique qu'une enquête aurait été diligentée à son encontre à la suite de remarques consignées le 29 mars 2018 sur le registre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail à propos des risques psychosociaux résultant des discussions en cours concernant cette réforme, notamment au sein de son service. Cependant, selon des documents produits par l'intéressée elle-même, la secrétaire de ce comité a seulement souhaité, à la suite à ce signalement, entendre les agents de son service afin d'apprécier l'existence de tels risques. Mme A... n'a d'ailleurs pas souhaité prendre part à ces échanges sans la présence d'un élu du personnel. Aucune enquête la mettant spécifiquement en cause n'a ainsi été mise en œuvre.

8. En outre, si Mme A... estime que l'avertissement prononcé à son encontre le 29 juin 2018 dans le cadre d'une procédure disciplinaire n'était pas justifié, alors qu'elle trouve son origine dans le comportement agressif et verbalement violent dont elle a fait preuve lors d'une réunion du 1er mars 2018, attesté par plusieurs témoins, et qu'elle a elle-même reconnu à plusieurs reprises, et notamment lors d'une réunion avec la directrice commerciale et la directrice des ressources humaines du centre financier de Lyon le 20 juin 2018, il n'apparaît pas que cette mesure serait une manifestation des agissements de harcèlement moral dont elle prétend être victime.

9. De plus, Mme A... évoque de multiples manquements aux règles relatives au temps de travail et à ses congés. Mais, les nombreux éléments produits à cet égard ne mettent en lumière aucun traitement destiné à lui nuire et qui serait révélateur de faits de harcèlement.

10. Par ailleurs, l'intéressée affirme qu'en 2019, postérieurement à l'engagement de la procédure contre son employeur, des reproches injustifiés lui auraient été adressés, dans le but de l'humilier. Cependant il n'apparait de toutes les façons pas que sa hiérarchie, qui s'est bornée à plusieurs reprises à lui rappeler certaines de ses obligations professionnelles, aurait anormalement exercé à son égard le pouvoir hiérarchique.

11. Enfin, Mme A... soutient que les agissements reprochés à son employeur auraient altéré son état de santé. Mais aucune des pièces du dossier, et notamment pas les certificats médicaux qu'elle a produits, ne permet de penser que la dégradation de son état de santé serait réellement la conséquence de faits de harcèlement subis dans le cadre de son exercice professionnel. A cet égard elle a refusé de prendre part au dispositif tendant à prévenir le harcèlement moral, mis en place par son employeur à la suite de sa demande de septembre 2018.

12. Il en résulte, en l'occurrence, que les éléments de fait sur lesquels repose l'action de Mme A... ne permettent pas de faire présumer l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral à son encontre. Le moyen ne peut donc être retenu.

Sur l'action indemnitaire :

13. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, aucune faute de nature à engager la responsabilité de la SA La Poste ne saurait être retenue. L'action indemnitaire de Mme A... ne peut donc qu'être rejetée.

14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions de Mme A... en première instance, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre des frais exposés par la SA La Poste pour les besoins du litige. Ces conclusions doivent donc être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SA La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la SA La Poste.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V.-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02596

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02596
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : CABINET RITOUET-SOULA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-16;20ly02596 ?
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