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15/02/2023 | FRANCE | N°20LY01760

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 février 2023, 20LY01760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 avril 2015 portant déclaration d'utilité publique de l'instauration des périmètres de protection autour du captage " Puits Abîme de Bévy " exploité par la communauté de communes de Gevrey-Chambertin, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux du 11 août 2015, en ce qu'ils interdisent, sur le lieudit " Le Clos ", la préparation, l'épandage et l'utilisation de tou

s herbicides chimiques hors obligation de lutte contre les espèces végétales vivaces ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 avril 2015 portant déclaration d'utilité publique de l'instauration des périmètres de protection autour du captage " Puits Abîme de Bévy " exploité par la communauté de communes de Gevrey-Chambertin, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux du 11 août 2015, en ce qu'ils interdisent, sur le lieudit " Le Clos ", la préparation, l'épandage et l'utilisation de tous herbicides chimiques hors obligation de lutte contre les espèces végétales vivaces invasives en l'absence de toute autre méthode possible de désherbage ;

2°) de condamner l'Etat au paiement de l'ensemble des frais d'expertise, soit la somme totale de 14 281,20 euros ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Par un jugement n° 1502789 du 11 mai 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 juillet 2020 et 18 mars 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. et Mme B..., représentés par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 11 mai 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 avril 2015 portant déclaration d'utilité publique de l'instauration des périmètres de protection autour du captage " Puits Abîme de Bévy " exploité par la communauté de communes de Gevrey-Chambertin, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux du 11 août 2015, en ce qu'ils interdisent, sur le lieudit " Le Clos ", la préparation, l'épandage et l'utilisation de tous herbicides chimiques hors obligation de lutte contre les espèces végétales vivaces invasives en l'absence de toute autre méthode possible de désherbage ;

3°) de condamner l'Etat au paiement de l'ensemble des frais d'expertise, soit la somme totale de 10 548 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B... soutiennent que :

- l'interdiction qui leur est faite pour la parcelle située au lieudit " Le Clos " est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'article L. 1321-2 alinéa 1 du code de la santé publique censure les interdictions générales et absolues qui ne sont pas strictement justifiées par la protection de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2022, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Sauvaget, représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de l'organisation d'une enquête publique dont le rapport et les conclusions favorables ont été rendus le 13 juillet 2014, et de l'avis favorable rendu le 19 mars 2015 par le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, le préfet de la Côte-d'Or a pris un arrêté, le 28 avril 2015, portant notamment révision de la déclaration d'utilité publique de la dérivation des eaux souterraines et de l'instauration de périmètres de protection autour du captage " Puits Abîme de Bévy " exploité par la communauté de communes de Gevrey-Chambertin. Le 7 juillet 2015, les consorts B..., exploitants agricoles de parcelles de vignes situées dans le périmètre de protection rapprochée du captage, ont sollicité le retrait de cet arrêté préfectoral. Cette demande a été rejetée le 11 août 2015. M. et Mme B... ont alors demandé l'annulation de cet arrêté et de la décision de rejet de leur recours gracieux, en tant que ces décisions interdisent, sur le lieudit " Le Clos ", la préparation, l'épandage et l'utilisation de tous herbicides chimiques hors obligation de lutte contre les espèces végétales vivaces invasives en l'absence de toute autre méthode possible de désherbage. Par un jugement du 11 mai 2020 dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 1321-2 alinéa 1 du code de la santé publique dans leur version applicable au litige : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-3 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement (...) un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux (...). ". L'article R. 1321-13 du même code dispose : " A l'intérieur du périmètre de protection rapprochée, sont interdits les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols susceptibles d'entraîner une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine. Les autres travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols peuvent faire l'objet de prescriptions, et sont soumis à une surveillance particulière, prévues dans l'acte déclaratif d'utilité publique. Chaque fois qu'il est nécessaire, le même acte précise que les limites du périmètre de protection rapprochée seront matérialisées et signalées. ". Aux termes de l'article 6 B de l'arrêté litigieux : " A l'intérieur de ce périmètre de protection rapprochée, outre les règlementations générales, au titre de la règlementation spécifique liée à la protection de la ressource en eau, sont interdits et règlementées toute activité, installation, activités, installation et dépôt susceptibles d'entraîner une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine et en particulier : Interdictions (...) la préparation, l'épandage et l'utilisation de tous herbicides chimiques hors obligation de lutte contre les espèces végétales vivaces invasives en l'absence de toute autre méthode possible de désherbage sur les lieudits " La Fin " " Le Clos " et dans le bourg de BEVY... ".

3. Dans son courrier du 11 août 2015 rejetant le recours gracieux des requérants, le directeur de l'ARS, a indiqué que " l'interdiction est justifiée par les contaminations quantifiées en herbicides liées aux cultures céréalières et à la viticulture voisines, et préconise d'interdire l'utilisation d'herbicide sur toute culture confondue ". Si M. et Mme B... soutiennent que la contamination par le produit " Basta F1 " (glufonisate-ammonium), utilisé pour traiter une bande de 35 cm sous les ceps de vignes sur une surface totale de un hectare, ne provient pas de leur exploitation, alors que le captage reçoit les eaux pluviales des autres versants où l'utilisation d'herbicides reste autorisée et qu'autour de leur terrain, un exploitant céréalier et un autre domaine viticole utilisent des pesticides sur des surfaces importantes, toutefois, ces seules circonstances, à les supposer même établies, ne sont pas de nature à démontrer que la disposition attaquée serait entachée d'erreur appréciation. De même, il est soutenu que l'eau brute souterraine du captage est conforme aux limites de qualité en vigueur et que le rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Dijon le 30 septembre 2016 a précisé que la substance chimique active composant le produit " Basta F1 " ne se retrouve pas dans l'eau du captage. Toutefois, compte tenu de la vulnérabilité du bassin d'alimentation du captage en raison de ses caractéristiques géologiques, circonstance non contestée par les appelants, et de ce que l'aquifère fissuré ne bénéficie pas d'une couverture naturelle très efficace rendant la nappe phréatique très vulnérable aux intrants anthropiques, ces arguments ne suffisent pas plus à établir l'absence de nécessité d'interdire les épandages d'herbicides dans ce périmètre de protection rapprochée afin de garantir la qualité des eaux.

4. Les dispositions contestées de l'arrêté du 28 avril 2015 ne concernent que les herbicides chimiques et les parcelles situées aux lieudits " Le Clos " et " La Fin " et non l'ensemble des parcelles situées dans le périmètre de protection rapproché. Elles permettent, en outre, la lutte contre les espèces vivaces invasives. Dans ces conditions, elles ne sauraient être regardées comme générales et absolues, contrairement à ce qui est soutenu. La circonstance que les parcelles en cause soient compatibles avec l'utilisation d'engins d'exploitation viticole motorisé, mais que cette alternative aura des conséquences exorbitantes sur la santé de l'exploitant, compte tenu de l'entretien mécanique de ces parcelles, tout en menaçant directement la pérennité de son activité, compte tenu du préjudice matériel estimé à la somme de 85 186 euros, est sans influence sur la légalité de l'arrêté litigieux.

Sur les dépens :

5. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

6. Compte tenu du rejet de leurs conclusions et de leur qualité de partie perdante en résultant, M. et Mme B... ne sont pas fondés à contester le jugement du tribunal en ce qu'il a mis à leur charge les frais d'expertise. En outre, en se bornant à soutenir d'une part, que l'expert a établi la carence du préfet qui n'a pas su identifier les parcelles responsables de la pollution, ni mettre en place les interdictions adéquates d'autre part, que leur préjudice matériel est évalué à la somme de 85 186 euros et que la santé de M. B... est compromise du fait de cette interdiction, les appelants n'apportent pas une contestation sérieuse à ce même jugement en ce qu'il a, dans les circonstances de l'espèce, mis à leur charge le frais d'expertise

7. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressé au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2023.

Le rapporteur,

Gilles FédiLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé et en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière

2

N° 20LY01760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01760
Date de la décision : 15/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

27-06 Eaux.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP CHATON GRILLON BROCARD GIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-15;20ly01760 ?
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