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09/02/2023 | FRANCE | N°21LY02630

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 09 février 2023, 21LY02630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile (SC) Carrier a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014 et de mettre à la charge de l'Etat les frais d'instance.

Par un jugement n° 1909212 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet

2021 et le 17 juin 2022, la SC Carrier, représentée par Me Tatu, demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile (SC) Carrier a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014 et de mettre à la charge de l'Etat les frais d'instance.

Par un jugement n° 1909212 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2021 et le 17 juin 2022, la SC Carrier, représentée par Me Tatu, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais liés au litige sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, l'évaluation de la valeur vénale des titres d'une société non cotée sur un marché réglementé doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, soit en l'espèce les cessions des titres de la société LBSA intervenues 12 novembre 2012, qui sont bien postérieures à la sortie du plan de continuation, et comparables ;

- le prix de cession a été revalorisé de 14% entre 2012 et 2014 malgré la baisse de certains indicateurs importants de valorisation, et la société Carrier, cédante, a par ailleurs perçu des dividendes entre 2012 et 2014, l'opération n'étant en conséquence pas constitutive d'un acte anormal de gestion compte tenu des avantages procurés et de l'absence d'appauvrissement ;

- l'administration n'établit pas l'existence de l'intention d'octroyer une libéralité alors que, minoritaire, elle n'aurait pu imposer un prix de cession anormalement faible aux autres cédants ;

- à titre subsidiaire, la valorisation retenue par la proposition de rectification est critiquable ou erronée sur de nombreux points, et utilise en particulier une méthode basée sur la marge brute d'autofinancement qui n'est plus utilisée par les professionnels, l'administration fiscale n'ayant, par ailleurs, pas tenu compte de l'impact du plan de continuation en cours de 2010 à 2012 sur les dettes de la société, ni de la fiscalité liée à la sortie de ce plan.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SC Carrier ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SC Carrier a cédé le 16 janvier 2014, au prix de 120 000 euros, le solde des actions de la société anonyme (SA) LBSA qu'elle détenait, soit 12 878 actions, à la société par actions simplifiée (SAS) JMB Bois, autre actionnaire. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SC Carrier, l'administration fiscale a estimé que cette cession était constitutive d'un acte anormal de gestion au motif qu'elle avait été consentie à un prix volontairement minoré, et a assujetti la requérante à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration de l'insuffisance du prix de vente, assorties d'intérêts de retard et d'une majoration pour manquement délibéré. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis le 13 décembre 2018 un avis favorable à ces rectifications. La SC Carrier relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

3. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

4. La valeur vénale des actions non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession ou l'apport est intervenu. Cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur qui ressort de transactions portant, à la même époque, sur des titres de la société, dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance. Toutefois, en l'absence de transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, l'administration peut légalement se fonder sur l'une des méthodes destinées à déterminer la valeur de l'actif ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes.

5. En premier lieu, la requérante soutient que la cession d'actions ordinaires et sans garantie de passif du 16 janvier 2014 doit être appréciée par comparaison avec la valeur de la cession d'actions de même nature, intervenue entre les mêmes parties le 12 novembre 2012, dans des conditions qu'elle estime équivalentes, dès lors que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle était postérieure au jugement du tribunal de commerce clôturant par anticipation, le 21 septembre 2012, la procédure de redressement judiciaire de la société LBSA ouverte en 2005. Il résulte toutefois des termes de la proposition de rectification, corroborés sur ce point par un extrait d'échanges avec le comptable de la SC Carrier dans le cadre du débat contradictoire mené avec cette dernière, et non utilement contredits, que la valeur des actions cédées le 12 novembre 2012 a, comme celle d'actions cédées le 29 octobre 2012 en vertu d'un protocole du 6 juillet 2012, été évaluée par application d'un multiple de l'excédent brut d'exploitation constaté au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que de l'excédent brut d'exploitation estimé s'agissant de l'exercice clos en 2011, exercices au cours desquels le plan de continuation d'activité était toujours en cours d'exécution. Il résulte en outre des déclarations du comptable de la SC Carrier qu'un multiple inférieur au minimum de la fourchette habituellement retenue a été appliqué, pour tenir compte notamment du contexte de la procédure collective de la SA LBSA. Le service vérificateur a par ailleurs suffisamment établi que la situation économique de cette société, appréciée à la clôture de l'exercice 2013, s'était significativement améliorée, s'agissant en particulier d'indicateurs tels que le bénéfice net comptable, la rentabilité, la capacité d'autofinancement ou encore le ratio d'endettement, autorisant au demeurant des versements de dividendes exceptionnels. Il suit de là que l'administration a pu, à bon droit, apprécier la valeur des actions de la SA LBSA, non par comparaison avec la transaction précédente, qui n'est pas intervenue dans des conditions équivalentes, mais en recourant à d'autres méthodes.

6. En deuxième lieu, si la requérante critique les modalités de prise en compte par l'administration de certains paramètres des différentes méthodes combinées par l'administration pour déterminer la valeur vénale des titres en litige, soit 31 euros au lieu du prix convenu de 9,32 euros, plus de trois fois inférieur, il ne résulte toutefois ni des écritures de la SC Carrier, ni du rapport de l'expert sollicité à titre privé, qui n'a au demeurant pas vérifié l'exactitude des données qui lui ont été communiquées, que la correction des erreurs éventuellement commises aurait pour effet d'aboutir à un prix de cession ne présentant plus un écart significatif par rapport à la valeur vénale ainsi recalculée. Par suite, la SC Carrier ne conteste pas sérieusement que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale des titres en litige.

7. En dernier lieu, si la SC Carrier fait valoir qu'il aurait été dans son intérêt, en 2012, de différer la vente alors envisagée du solde de ses titres pour éviter notamment la liquidation de la SA LBSA, cette circonstance est insusceptible de justifier de son intérêt, en 2014, à consentir à la cession à un prix significativement minoré. La SC Carrier ne peut davantage se prévaloir des distributions de dividendes intervenues entre les cessions de novembre 2012 et janvier 2014, de telles distributions ne constituant pas une contrepartie à la cession des titres. Ainsi que le fait en outre valoir le ministre, l'existence de ces distributions, d'un montant équivalent à près de 80% du prix versé en 2014, ne fait que corroborer le constat d'une insuffisance de ce prix de cession. La SC Carrier n'avançant aucun autre motif susceptible de justifier que l'appauvrissement consécutif à la cession à prix minoré aurait été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie, l'administration fiscale, qui démontre par ailleurs l'existence d'une communauté d'intérêts entre les SC Carrier et la SAS JMB Bois, dont les associés et dirigeants respectifs appartiennent au même cercle familial, apporte la preuve qui lui incombe du caractère anormal de l'acte de cession.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SC Carrier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Société civile carrier la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SC Carrier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SC Carrier et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2023.

Le président-rapporteur,

F. BourrachotLa présidente assesseure,

P. Dèche

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02630

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02630
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-03-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Évaluation de l'actif. - Théorie du bilan. - Actif social.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : CABINET HORACE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-09;21ly02630 ?
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