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09/02/2023 | FRANCE | N°21LY02479

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 09 février 2023, 21LY02479


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) JMB Bois a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014, et de mettre à la charge de l'Etat les frais d'instance.

Par un jugement n° 1909214 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregi

strés le 22 juillet 2021 et le 17 juin 2022, la SAS JMB Bois, représentée par Me Richard du Montelli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) JMB Bois a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014, et de mettre à la charge de l'Etat les frais d'instance.

Par un jugement n° 1909214 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juillet 2021 et le 17 juin 2022, la SAS JMB Bois, représentée par Me Richard du Montellier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais liés au litige sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, l'évaluation de la valeur vénale des titres d'une société non cotée sur un marché réglementé doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, soit en l'espèce les cessions des titres de la société LBSA intervenues 12 novembre 2012, qui sont bien postérieures à la sortie du plan de continuation, et comparables ;

- le prix de cession a été revalorisé de 14% entre 2012 et 2014 malgré la baisse de certains indicateurs importants de valorisation, et la société A..., cédante, a par ailleurs perçu des dividendes entre 2012 et 2014 ;

- à titre subsidiaire, la valorisation retenue par la proposition de rectification est critiquable ou erronée sur de nombreux points, et utilise en particulier une méthode basée sur la marge brute d'autofinancement qui n'est plus utilisée par les professionnels, l'administration fiscale n'ayant, par ailleurs, pas tenu compte de l'impact du plan de continuation en cours de 2010 à 2012 sur les dettes de la société, ni de la fiscalité liée à la sortie de ce plan ;

- l'administration n'établit pas l'existence de l'intention d'octroyer une libéralité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS JMB Bois ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SC A... a cédé le 16 janvier 2014, au prix de 120 000 euros, le solde des actions de la société anonyme (SA) LBSA qu'elle détenait, soit 12 878 actions, à la société par actions simplifiée (SAS) JMB Bois, autre actionnaire. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SC A..., l'administration fiscale a estimé que cette cession avait été consentie à un prix volontairement minoré, et a assujetti en conséquence la requérante à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la correction au bilan de la valeur d'origine de l'immobilisation par sa valeur vénale, assorties d'intérêts de retard et d'une majoration pour manquement délibéré. La SAS JMB Bois relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (...) ". Aux termes du 1 de l'article 38 quinquies de l'annexe 3 du même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition (...). / b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où le prix de l'acquisition d'une immobilisation a été volontairement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité faite par le vendeur à l'acquéreur, l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine de l'immobilisation, comptabilisée par l'entreprise acquéreuse pour son prix d'acquisition, pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi son actif net dans la mesure de l'acquisition faite à titre gratuit. La preuve d'une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre la rémunération convenue pour l'acquisition et la valeur vénale du bien cédé et, d'autre part, d'une intention, pour le cédant, d'octroyer et, pour l'acquéreur, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.

3. La valeur vénale des actions non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession ou l'apport est intervenu. Cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur qui ressort de transactions portant, à la même époque, sur des titres de la société, dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance. Toutefois, en l'absence de transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, l'administration peut légalement se fonder sur l'une des méthodes destinées à déterminer la valeur de l'actif ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes.

4. En premier lieu, la requérante soutient que la cession d'actions ordinaires et sans garantie de passif du 16 janvier 2014 doit être appréciée par comparaison avec la valeur de la cession d'actions de même nature, intervenue entre les mêmes parties le 12 novembre 2012, dans des conditions qu'elle estime équivalentes, dès lors que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle était postérieure au jugement du tribunal de commerce clôturant par anticipation, le 21 septembre 2012, la procédure de redressement judiciaire de la société LBSA ouverte en 2005. Il résulte toutefois des termes de la proposition de rectification, corroborés sur ce point par un extrait d'échanges avec le comptable de la SC A... dans le cadre du débat contradictoire mené avec cette dernière, et non utilement contredits, que la valeur des actions cédées le 12 novembre 2012 a, comme celle d'actions cédées le 29 octobre 2012 en vertu d'un protocole du 6 juillet 2012, été évaluée par application d'un multiple de l'excédent brut d'exploitation constaté au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que de l'excédent brut d'exploitation estimé s'agissant de l'exercice clos en 2011, exercices au cours desquels le plan de continuation d'activité était toujours en cours d'exécution. Il résulte en outre des déclarations du comptable de la SC A... qu'un multiple inférieur au minimum de la fourchette habituellement retenue a été appliqué, pour tenir compte notamment du contexte de la procédure collective de la SA LBSA. Le service vérificateur a par ailleurs suffisamment établi que la situation économique de cette société, appréciée à la clôture de l'exercice 2013, s'était significativement améliorée, s'agissant en particulier d'indicateurs tels que le bénéfice net comptable, la rentabilité, la capacité d'autofinancement ou encore le ratio d'endettement, autorisant au demeurant des versements de dividendes exceptionnels. Il suit de là que l'administration a pu, à bon droit, apprécier la valeur des actions de la SA LBSA, non par comparaison avec la transaction précédente, qui n'est pas intervenue dans des conditions équivalentes, mais en recourant à d'autres méthodes.

5. En deuxième lieu, si la requérante critique les modalités de prise en compte par l'administration de certains paramètres des différentes méthodes combinées par l'administration pour déterminer la valeur vénale des titres en litige, soit 31 euros au lieu du prix convenu de 9,32 euros, plus de trois fois inférieur, il ne résulte toutefois ni des écritures de la SAS JMB Bois, ni du rapport de l'expert sollicité à titre privé, qui n'a au demeurant pas vérifié l'exactitude des données qui lui ont été communiquées, que la correction des erreurs éventuellement commises aurait pour effet d'aboutir à un prix de cession ne présentant plus un écart significatif par rapport à la valeur vénale ainsi recalculée. Par suite, la société JMB Bois ne conteste pas sérieusement que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale des titres en litige.

6. En dernier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que la valeur vénale des titres de la SA LBSA à la date du 16 janvier 2014 était approximativement trois fois supérieure au prix d'acquisition stipulé entre la SC A... et la SAS JMB Bois. Eu égard à la communauté d'intérêts avérée unissant M. et Mme A..., associés de la SC A..., et au moins deux dirigeants et associés principaux de la SAS JMB Bois, respectivement gendre des époux A... et frère de Mme A... et appartenant ainsi au même groupe familial, cet écart doit être regardé comme une libéralité volontairement consentie par la SC A... à la SAS JMB Bois, et acceptée par cette dernière, dès lors imposable à raison de la réévaluation correspondante de son actif net.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS JMB Bois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS JMB Bois la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS JMB Bois est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS JMB Bois et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2023.

Le président-rapporteur,

F. BourrachotLa présidente assesseure,

P. Dèche

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02479

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02479
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-03-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Évaluation de l'actif. - Théorie du bilan. - Actif social.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : CABINET HORACE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-09;21ly02479 ?
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