Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales mises à sa charge au titre de l'année 2015 et 2016 pour un montant total de 8 436 euros.
Par un jugement n° 1908426 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2021, M. B... A..., représenté par Me Balleydier, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 avril 2021 et lui accorder la décharge sollicitée.
Il soutient que :
- l'activité de gestion de titres de la société civile Holding Agichar est une activité en elle-même de nature civile qui ne nécessite pas obligatoirement de relations commerciales entre des clients et des fournisseurs mais implique des relations entre la société et ses associés ;
- la détention de droits d'une holding dans les bénéfices de sa filiale justifie à elle seule de l'activité économique entre les deux sociétés ;
- la création de la SC Holding Agichar avait pour objectif de développer des investissements principalement dans le secteur immobilier locatif dans le domaine de l'hôtellerie touristique au travers d'une structure constituée des mêmes associés que la SCI Serre de Brujas et de dissocier le financement de l'activité opérationnelle commerciale ; la réalité des recherches d'investissements par les associés de la SC Holding Agichar est établie par plusieurs attestations versées au dossier ;
- l'administration ne pouvait tenir compte de l'absence d'ouverture d'un compte bancaire par la SC Holding Agichar et l'absence de présentation de ses comptes pour établir l'absence d'activité de la société ; à ce titre, l'absence d'éléments d'actifs autres que l'usufruit des parts détenues, l'absence de prise de participation dans le capital d'une société et l'absence de mouvements financiers ne suffit pas non plus à démontrer l'absence de consistance économique de la holding ;
- la création de la SC Holding Agichar ne répondait pas à un objectif purement fiscal dès lors qu'elle n'a pas amorti la valeur des parts de l'usufruit et que la SCI Serre de Brujas a réalisé en 2014 une plus-value de cession d'immobilisations qui a été imposée dans les revenus des associés personnes physiques alors qu'elle aurait pu être imputée sur les déficits de la SC Holding Agichar.
Par un mémoire, enregistré le 29 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 23 mai 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 23 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Serre de Bujas a été créée le 8 mars 2003 par ses deux associés à parts égales MM. Jean-Paul A... et Christian Charensol. Par actes du 20 décembre 2010, les statuts de la SCI ont été mis à jour afin d'entériner l'augmentation du capital social de 24 parts correspondant à la nomination de deux autres associés minoritaires, MM. David et Nicolas A..., fils de M. C... A.... La société civile (SC) Holding Agichar a alors été créée. A cette occasion, les quatre associés de la SCI ont chacun fait apport à la SC Holding Agichar de l'usufruit temporaire pour une durée de dix ans de leurs parts dans le capital social de la SCI Serre de Brujas. La société civile Holding Agichar a lors de sa création opté pour l'imposition de ses résultats à l'impôt sur les sociétés. Le résultat de la SCI Serre de Brujas a en conséquence été déterminé selon les règles applicables en matière de bénéfices industriels et commerciaux, en vertu des dispositions de l'article 238 bis K du code général des impôts.
2. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SC Holding Agichar et de la SCI Serre de Brujas au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, l'administration a considéré, sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, eu égard aux conditions de fonctionnement de la SC Holding Agichar, que l'opération consistait en l'interposition d'une société dépourvue de consistance économique n'ayant d'autre but que celui d'éluder la charge fiscale à l'impôt sur le revenu de M. B... A... à raison des revenus fonciers de la SCI Serre de Brujas. Elle a imposé en conséquence M. B... A... à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales sur les résultats de la SCI Serre de Brujas. M. B... A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses.
3. L'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
5. Il résulte des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales susvisé que lorsque, comme en l'espèce, le comité de l'abus de droit fiscal n'a pas été saisi, l'administration supporte la charge de la preuve de l'existence de l'abus de droit.
6. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société.(...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ". L'article 238 bis K du code général des impôts dispose que : " I. - Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8 (...) sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits ".
7. Il résulte de l'instruction que pour démontrer l'abus de droit, l'administration a estimé que l'interposition de la SC Holding Agichar relevait d'un montage juridique et économique artificiel. Pour ce faire, elle a relevé que cette société, qui a pour objet la gestion d'un portefeuille de participations incluant toute opération financière, mobilière ou immobilière, n'a justifié depuis sa création, au titre de ses immobilisations, que de la détention des parts détenues en usufruit dans la SCI Serre de Brujas et n'a réalisé aucune transaction financière en lien avec son objet. A ce titre, si le requérant se prévaut de cinq attestations démontrant selon lui la réalité de recherches d'investissements menées par les deux associés, MM. Jean-Paul A... et Christian Charensol, les attestations produites évoquent de façon non circonstanciée des négociations n'ayant pas abouti pour acquérir différents complexes touristiques sans que celles-ci ne permettent de conclure avec certitude, ce que le requérant ne conteste pas d'ailleurs, que les recherches ont bien été menées par les associés pour le compte de la SC Holding Agichar et non pour le compte d'une autre société que ces derniers détenaient également, à savoir la SARL Domaine des Garrigues, citée dans deux des attestations versées au dossier. Ces attestations ne suffisent pas à démontrer l'existence d'une activité de gestion de titres de la SC Holding Agichar ni même d'une réelle volonté de débuter une telle activité. L'administration a également relevé que, depuis sa création, la SC Holding Agichar ne dispose ni de compte bancaire, ni de comptabilité et qu'elle n'a tenu aucune assemblée générale. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'administration était fondée à considérer que la SC Holding Agichar était dénuée de substance économique et que sa création ne répondait pas à un motif économique, financier ou patrimonial. L'administration apporte ainsi la preuve qui lui incombe que la création et l'interposition de la SC Holding Agichar présentaient un caractère artificiel et que ce montage a été réalisé dans le but exclusif de permettre à M. B... A... d'éluder le paiement de l'impôt dont il aurait été personnellement redevable en fonction de sa quote-part détenue dans la SCI Serre de Brujas sur les revenus fonciers perçus et de permettre à la SC Holding Agichar, soumise à l'impôt sur les sociétés, de déduire de ses charges des amortissements, à hauteur en l'espèce d'un montant de 91 925 euros en 2015 et de 91 497 euros en 2016, lesquels n'auraient pas été déductibles des revenus fonciers perçus par les associés en fonction de leur quote-part respective dans la SCI. Par suite, c'est à bon droit que le service a écarté la création puis l'interposition de cette société comme ne lui étant pas opposable et qu'il a imposé les revenus perçus par la SCI Serre de Brujas entre les mains de chacun des associés à hauteur de leurs parts dans cette société.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... A... réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2023.
La rapporteure,
V. Rémy-Néris
Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N°21LY01702
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