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07/02/2023 | FRANCE | N°21LY02047

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 07 février 2023, 21LY02047


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A..., M. J... A..., Mme I... E..., Mme H... A... et

Mme B... F..., agissant en sa qualité de représentant légal de sa fille C... A..., ont demandé au tribunal administratif de ... de condamner l'Etat à leur verser respectivement une somme de 25 000 euros en réparation de leur préjudice moral subi du fait du décès de M. G... A..., intervenu le 7 juin 2016, après une tentative de suicide à la maison d'arrêt d'Auxerre où il était incarcéré depuis le 6 avril 2016.

Par jugement n°

1900181 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de ... a partiellement fait droit à cet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A..., M. J... A..., Mme I... E..., Mme H... A... et

Mme B... F..., agissant en sa qualité de représentant légal de sa fille C... A..., ont demandé au tribunal administratif de ... de condamner l'Etat à leur verser respectivement une somme de 25 000 euros en réparation de leur préjudice moral subi du fait du décès de M. G... A..., intervenu le 7 juin 2016, après une tentative de suicide à la maison d'arrêt d'Auxerre où il était incarcéré depuis le 6 avril 2016.

Par jugement n° 1900181 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de ... a partiellement fait droit à cette demande en condamnant l'Etat à verser les sommes de 4 500 euros à Mme B... F..., en sa qualité de représentante légale de Mme C... A..., fille du défunt, de 2 500 euros à M. D... A..., père du défunt, de 1 500 euros à M. J... A... ainsi que la même somme à Mmes I... E... et Angélique A..., frère et sœurs du défunt.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 mai 2021, M. D... A..., M. J... A..., Mme I... E..., Mme H... A... et Mme B... F... agissant en sa qualité de représentant légal de sa fille C... A..., représentés par Me Noël, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 20 avril 2021 ;

2°) et de condamner l'Etat à verser à M. D... A... et à Mme C... A... la somme de 15 000 euros chacun et à Mmes E... et A... et à M. J... A..., la somme de 10 000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi du fait du décès de M. G... A....

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur " les liens distendus " entre M. G... A... et les membres de sa famille à l'exception de sa fille, C..., pour minorer l'indemnisation demandée ; l'absence de demande de permis de visite de leur parent ne traduit pas une distension des liens ; les proches ont maintenu le contact par l'envoi de nombreux courriers ; le lien familial suffit sans qu'une démonstration d'un maintien des liens familiaux ne soit exigée ;

- M. D... A..., en sa qualité de père du défunt peut prétendre à une indemnisation à hauteur de 15 000 euros de son préjudice moral ;

- M. J... A..., Mmes I... E... et Angélique A..., en leur qualité de frère ou sœurs du défunt peuvent prétendre à une indemnisation à hauteur de 10 000 euros chacun de leur préjudice moral ;

- Mme C... A..., fille mineure du défunt, peut prétendre à une indemnisation à hauteur de 15 000 euros.

La requête a été communiquée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'a pas produit d'observations.

Par ordonnance du 17 novembre 2022, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 2 décembre suivant.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,

- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public,

- les observations de Me Noël pour M. D... A..., M. J... A..., Mme I... E..., Mme H... A... et Mme C... A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., M. J... A..., Mme I... E..., Mme H... A... et Mme C... A..., respectivement père, frère et sœurs et fille mineure de M. G... A..., décédé à la suite d'une tentative de suicide commise au sein de sa cellule à la maison d'arrêt ..., ont demandé au tribunal administratif de ... de condamner l'Etat à leur verser la somme de 25 000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi du fait du défaut d'organisation des services pénitentiaires. Par le jugement attaqué du 20 avril 2021, le tribunal a, après avoir reconnu une faute de l'administration pénitentiaire dont il est résulté pour M. A... une perte de chance de survivre à sa tentative de suicide, indemnisé le préjudice moral à hauteur de la somme de 4 500 euros pour Mme B... F..., en sa qualité de représentante légale de Mme C... A..., de 2 500 euros pour M. D... A..., de 1 500 euros pour M. J... A..., ainsi que de la même somme pour Mmes I... E... et Angélique A.... M. D... A..., M. J... A..., Mme I... E..., Mme H... A... et Mme B... F... agissant en sa qualité de représentant légal de sa fille C... A... relèvent appel de ce jugement et en demandent la réformation pour porter les indemnisations à hauteur de 15 000 euros pour C... et Michel A... et 10 000 euros pour les autres membres de la famille du défunt.

2. La responsabilité de l'Etat du fait des services pénitentiaires en cas de dommage résultant du suicide d'un détenu, ou d'une tentative de suicide de ce dernier, peut être recherchée en cas de faute de ces services. Dans le cas où cette faute a compromis pour un détenu ses chances d'éviter le décès ou tout ou partie des séquelles dont il serait resté atteint, le préjudice résultant directement de la faute commise par ces services et qui doit être intégralement réparé consiste dans la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'Etat doit alors être évaluée à une fraction du dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

3. M. G... A..., né le 5 janvier 1977, était incarcéré à la maison d'arrêt ... depuis le 6 avril 2016. Le 4 juin 2016, lors d'une ronde de surveillance effectuée à 4 h 26, le surveillant rondier a constaté, par l'œilleton situé au travers de la porte de sa cellule, que l'intéressé, qui ne présentait pas de risque suicidaire particulier et qui avait été entendu éveillé pour la dernière fois aux alentours de 3 h 55, était pendu à l'aide de son linge et inanimé. Le gradé d'astreinte ayant ordonné aux surveillants présents d'ouvrir la cellule selon le protocole d'intervention de nuit, lequel préconise d'accéder à la clé de la cellule en brisant la vitre du boitier sécurisé situé à la porte d'entrée principale de l'établissement, les surveillants ont procédé dès 4h35 à une première tentative d'ouverture de la cellule de M. A... qui s'est toutefois avérée infructueuse, la clé n'ayant pas été remplacée en dépit du changement de serrure opéré peu de temps auparavant. La cellule n'a finalement pu être ouverte qu'à l'arrivée du gradé de permanence, à 4 h 50, soit au terme d'un délai de 24 minutes après la découverte du détenu. M. A... est finalement décédé le 7 juin 2016 au centre hospitalier de .... Estimant que le défaut d'organisation du service pénitentiaire ayant conduit à l'ouverture tardive de la cellule dans laquelle se trouvait M. A... a compromis ses chances de survie, les membres de sa famille demandent l'indemnisation du préjudice moral subi.

4. Il résulte de l'instruction que le délai mis par les services pénitentiaires pour accéder à l'intérieur de la cellule de M. A..., soit 24 minutes, excède de 15 minutes le délai de 9 minutes pris pour effectuer la première tentative d'ouverture demeurée infructueuse. Il n'est pas contesté par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'a pas produit d'observations en appel, que la désorganisation des services pénitentiaires, qui a été à l'origine d'un tel retard pour accéder à l'intérieur de la cellule du détenu et le secourir, est, en l'espèce constitutive d'une faute.

5. Il résulte de l'instruction, et, notamment, de l'expertise diligentée par le tribunal, que, dans l'hypothèse la plus favorable, à savoir si l'intéressé avait été secouru dès les premières minutes suivant sa pendaison, la probabilité de survie de ce dernier aurait été de 50 %, tandis que, dans l'hypothèse la moins favorable, à savoir celle d'une pendaison intervenue après un délai de 25 minutes et plus, la probabilité de survie était nulle. Dans les circonstances de l'espèce, dès lors que M. A..., qui s'était manifesté à 3h55, était encore en vie à ce moment mais qu'il avait déjà perdu connaissance lorsqu'il a été découvert, ce qui confirme que le suicide était intervenu à tout le moins plusieurs minutes auparavant, la perte de chance de survie résultant du délai anormalement long avec lequel sa cellule a pu être ouverte et rendue accessible aux services de secours, non contestée par les parties, doit être fixée à 30 %.

6. Pour fixer le montant de l'indemnisation à laquelle chaque membre de la famille du défunt avait droit, le tribunal a porté une appréciation sur l'intensité des liens entretenus par ces derniers avec M. A.... Toutefois, en leur seule qualité de fille mineure, père et collatéraux du défunt, les requérants justifient de l'existence d'un préjudice moral résultant du décès de leur parent. Il résulte de l'instruction qu'en prenant en compte la perte de chance pour M. A... de survivre à sa pendaison, évaluée à 30 %, le tribunal a fait une appréciation du préjudice moral subi par les requérants qui n'est pas insuffisante en condamnant l'Etat à leur verser les sommes précisées au point 1.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ... leur a alloué une indemnité de 4 500 euros pour Mme B... F... en sa qualité de représentante légale de Mme C... A..., de 2 500 euros pour M. D... A..., de 1 500 euros pour M. J... A... ainsi que de la même somme pour Mmes I... E... et Angélique A..., en réparation de leur préjudice moral. Leurs conclusions tendant à la réformation du jugement doivent dès lors être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... E..., désignée représentant unique des requérants en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2023.

La rapporteure,

C. Psilakis

La présidente,

A. Evrard

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 21LY02047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02047
Date de la décision : 07/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. - Formation des contrats et marchés. - Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : NOEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-07;21ly02047 ?
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