Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 mars et 12 août 2022, l'association " Sauvegarde Sud-Morvan ", représentante unique au titre de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, l'association " Nature et Paysages en Sud-Morvan ", Mme B... A..., MM. Daniel Lacombre, Stanislas de Noblet de la Clayette et François Perrin, représentés par Me Monamy, demandent à la cour :
1°) d'annuler la convention signée le 27 janvier 2022 entre la commune de Cressy-sur-Somme et la SAS WP France 15 qui a pour objet des autorisations de surplomb, d'enfouissement de réseaux électriques et d'utilisation de renforcement et d'entretien de la voirie communale ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Cressy-sur-Somme et de la SAS WP France 15 une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la juridiction administrative est compétente pour connaitre du présent litige, au regard des dispositions des articles L. 111-1 et L. 141-1 du code de la voirie routière ;
- leur requête est recevable, la convention en cause ayant vocation à permettre la réalisation d'un parc éolien ; les intérêts de Mme A..., MM. Lacombre, de Noblet de la Clayette et Perrin sont lésés de manière suffisamment directe et certaine par cet acte ; ceux de l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et de l'association " Nature et Paysages en Sud-Morvan " le sont également compte tenu de l'article 2 de leurs statuts ; la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée ;
- la convention en litige est illégale et doit être annulée compte tenu de l'illégalité de la délibération du 19 octobre 2021, qui lui sert de fondement ; il y a violation, par cette délibération, des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, L. 2122-1, L. 2122-1-1 et L. 2122-1-3 du code général de la propriété des personnes publiques et L. 141-3 du code de la voirie routière ;
- la convention méconnaît les articles L. 2411-1, L. 2421-1 et L. 2422-5 et L. 2422-6 du code de la commande publique, L. 2422-7 du même code, et les articles L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ; l'article 6 de la convention méconnaît le pouvoir de résiliation unilatérale pour un motif d'intérêt général de l'administration en le subordonnant à l'indemnisation préalable du cocontractant ; il méconnaît l'article L. 2122-2 de ce code ; les articles 6 et " 15.5 " de la convention, en prévoyant une faculté de résiliation unilatérale au profit du cocontractant de l'administration, soit pour aucun motif, soit au cas où la collectivité n'aurait pas rempli ses engagements sur un point essentiel pour faute, voire, dans ce dernier cas, de suspension de la convention ou du paiement et du remboursement des avances déjà faites, méconnaissent l'obligation d'exécution, sauf cas de force majeure, qui incombe à ce cocontractant ; plus particulièrement aucune faculté de résiliation ne pouvait être offerte à ce dernier, sans préciser que l'administration devait être à même de pouvoir s'opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général ;
- la convention en litige doit être annulée dès lors qu'aucun motif d'intérêt général ne s'oppose à son annulation.
Par des mémoires enregistrés les 13 juin et 3 novembre 2022, la commune de Cressy-sur-Somme, représentée par Me Cadoz, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et autres une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable, dès lors que les requérants ne démontrent pas être lésés dans leurs intérêts de manière suffisamment directe et certaine par la convention en litige ;
- les moyens invoqués, qui sont soit inopérants soit infondés, doivent être écartés.
Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2022, la SAS WP France 15, représentée par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et autres, pris solidairement, une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable, dès lors que les requérants ne démontrent pas être lésés dans leurs intérêts de manière suffisamment directe et certaine par la convention en litige ;
- les moyens invoqués, qui sont soit inopérants soit infondés, doivent être écartés.
Un mémoire enregistré le 12 décembre 2022, présenté pour l'association " Sauvegarde Sud-Morvan ", et autres n'a pas été communiqué.
Une ordonnance du 24 novembre 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 12 décembre 2022.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Monamy, pour l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et autres, ainsi que celles de Me Cadoz, pour la commune de Cressy-sur-Somme, et celles de Me Domenech, substituant Me Elfassi, pour la SAS WP France 15 ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 janvier 2023, présentée pour la SAS WP France 15 ;
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de son projet de création d'un parc éolien sur le territoire des communes de Cressy-sur-Somme et de Marly-Sous-Issy (Saône-et-Loire) ainsi que de Saint-Seine et de Ternant (Nièvre), la SAS WP France 15 a demandé à la commune de Cressy-sur-Somme l'autorisation d'occuper et d'utiliser des voies communales. Par une délibération du 19 octobre 2021, son conseil municipal a alors approuvé une convention ayant cet objet, que la commune a signée le 27 janvier 2022 avec la SAS WP France 15. L'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et autres demandent l'annulation de cette convention.
Sur les fins de non-recevoir :
2. Selon l'article 2 de ses statuts, l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " a pour but, sur le territoire de la commune de Cressy-sur-Somme et de celles se situant à proximité, la protection de l'environnement, notamment de la flore, de la faune, des paysages et du patrimoine culturel, contre toutes les atteintes qui pourraient lui être portées, entre autres par l'implantation d'éoliennes et des infrastructures et équipements qui leurs sont liés. La convention en cause porte sur la réalisation de travaux sur les voies communales dites " route du creux " et " route de Luzy " destinés à l'enfouissement de câbles et de canalisations, au confortement de ces voies et si nécessaire à l'élargissement de leur chaussée afin de faciliter la circulation d'engins lourds. Dans ces conditions, bien que ne portant pas sur le parc éolien lui-même, cette convention intéresse des infrastructures et des équipements qui lui sont liés. Elle est donc susceptible de léser les intérêts de l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " de façon suffisamment directe et certaine. Cette association dispose ainsi, à elle seule, d'un intérêt suffisant pour contester la convention en litige. Par suite, et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur l'intérêt à agir des autres signataires de la requête collective dont se trouve saisie la cour, les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être écartées.
Sur la validité de la convention :
3. Il résulte de l'instruction que la convention ici en cause porte exclusivement sur des voies de la commune de Cressy-sur-Somme appartenant à son domaine public.
4. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif, telle une convention portant occupation du domaine public, susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Les tiers autres que le représentant de l'État dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : / 1° De conserver et d'administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ; / (...). " Il résulte de ces dispositions que, s'il appartient au conseil municipal de délibérer sur les conditions générales d'administration et de gestion du domaine public communal, le maire est seul compétent pour délivrer les autorisations d'occupation du domaine public.
6. Pour demander l'annulation de la convention du 27 janvier 2022, l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et autres se prévalent de l'irrégularité de la délibération du 19 octobre 2021 du conseil municipal de Cressy-sur-Somme. Toutefois, et compte tenu de la nature de cette convention, le maire de Cressy-sur-Somme était seul compétent pour autoriser l'occupation du domaine public communal. Dès lors, et même en admettant que la délibération du 19 octobre 2021, qui présente un caractère superfétatoire, soit irrégulière, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité de la convention attaquée. A cet égard, à supposer que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière soit directement soulevé à l'encontre de la convention en litige, un tel moyen, eu égard à son objet, est inopérant. Par suite, les moyens invoqués ne peuvent qu'être écartés.
7. En deuxième lieu, et comme il a été rappelé précédemment, les conclusions présentées par l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et autres sont dirigées contre la convention du 27 janvier 2022, qui porte uniquement sur le domaine public communal. Par suite, les moyens tirés d'une violation des articles L. 2411-1, L. 2421-1, L. 2422-5, L. 2422-6 et L. 2422-7 du code de la commande publique doivent être écartés comme inopérants, compte tenu des prescriptions de l'article L. 1100-1 de ce code qui écartent son application pour les contrats ayant pour objet l'occupation domaniale. Aucun des moyens invoqués ici ne saurait donc recevoir satisfaction.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " L'occupation ou l'utilisation du domaine public ne peut être que temporaire. / Lorsque le titre mentionné à l'article L. 2122-1 permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, sa durée est fixée de manière à ne pas restreindre ou limiter la libre concurrence au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l'amortissement des investissements projetés et une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis, sans pouvoir excéder les limites prévues, le cas échéant, par la loi. "
9. En vertu des stipulations de l'article 6 de la convention en litige, l'autorisation qu'elle accorde est limitée à une durée maximale de quarante années à compter d'un " point de départ " déterminé par un mécanisme prévu à l'article 5 de cette même convention. Ce " point de départ " correspond à une date à laquelle la SAS WP France 15 informera la commune de Cressy-sur-Somme, selon certaines modalités et après avoir en principe obtenu de manière définitive toutes les autorisations nécessaires à la mise en œuvre effective de son projet de parc éolien, cette société pouvant cependant renoncer à attendre une telle obtention. Si l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et autres soutiennent que, compte tenu de la durée moyenne d'amortissement d'un projet éolien, cette durée est manifestement excessive au regard des dispositions ci-dessus, elles se bornent cependant à faire référence à un site internet relatif à un autre projet de parc éolien qui évoque une période de dix à quinze années nécessaires pour amortir une telle opération sans apporter le moindre élément, s'agissant de la convention ici en cause, permettant de justifier du bien-fondé de leur critique. D'ailleurs, pour fixer la durée de la convention, l'article L. 2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques ne renvoie pas à la seule prise en compte de l'amortissement mais mentionne également la rémunération équitable et suffisante des capitaux investis. De surcroît, et en toute hypothèse, ainsi que le fait notamment valoir la SAS WP France 15, la durée de quarante années prévue par la convention constitue une période d'exécution maximum comprenant à la fois la construction et le démantèlement du parc en cause, outre son exploitation proprement dite, envisagée sur trente années, avec en outre la possibilité d'une résiliation anticipée de la convention. Aucune méconnaissance, par les stipulations de l'article 6 de la convention attaquée, de l'article L. 2122-2 du code général de la propriété des personnes publiques ne saurait donc être admise.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...). " Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. "
11. Il résulte des stipulations combinées notamment des articles 3, 7, 8, 10 et 12 de la convention en litige que, en contrepartie des droits d'occupation consentis à la SAS WP France 15 pour construire, assurer la maintenance et procéder au démantèlement du parc éolien, qui comportent des droits de passage, de stationnement et de survol, ainsi que d'enfouissement de câbles électriques, le versement d'une redevance annuelle a été prévu en faveur de la commune, exigible à la date anniversaire du contrat, avec un mécanisme de calcul prorata temporis si nécessaire, ainsi qu'une indexation annuelle, pour un montant de 100 euros par an pour la période comprise entre la date de signature de cet acte et le " point de départ ", précédemment mentionné, puis pour un montant de 3 000 euros par éolienne, à compter de ce " point de départ ". Il en résulte également que les travaux sur les voies communales sont aux frais de la SAS WP France 15, les aménagements des voies, au titre de leur confortement, devenant la propriété de la commune au fur et à mesure de leur réalisation, sans indemnité. Par ailleurs, la commune de Cressy-sur-Somme s'engage notamment, pendant toute la durée de la convention, à entretenir les voies. Des états des lieux contradictoires avant et après les travaux de réalisation et de démantèlement du parc et de remise en état du site sont prévus, la SAS WP France 15 devant laisser les voies, au minimum, à l'état d'usage préalable aux travaux. Aucune des circonstances invoquées par l'association " Sauvegarde Sud -Morvan " et autres, qui se prévalent de ce que le montant de la redevance est lié, non pas aux droits obtenus par la société mais à ses choix d'implantation, et qu'il ne permettrait pas de faire face au coût du démantèlement des câbles électriques et de la remise en état des voies, alors que la convention, outre la redevance, met en place différents mécanismes destinés à éviter que la commune soit contrainte d'exposer inutilement des frais, n'est susceptible de caractériser une libéralité. Rien ne permet de dire par ailleurs que le montant de la redevance serait manifestement disproportionné au regard des avantages de toute nature consentis à la société. Par suite, le moyen tiré d'une violation des dispositions ci-dessus, directement dirigé contre la convention en litige, ne peut qu'être écarté.
12. En cinquième lieu, en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, et compte tenu de l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités, l'autorité administrative peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier un contrat portant autorisation d'occupation du domaine public, sous réserve des droits à indemnité du bénéficiaire. L'étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, mais il ne doit pas en résulter, au détriment d'une personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice subi par le bénéficiaire du fait de cette résiliation.
13. Les stipulations du dernier alinéa de l'article 6 de la convention en litige prévoient que " (...) le Propriétaire peut aussi résilier unilatéralement l'Autorisation pour un motif d'intérêt général en notifiant sa décision au Bénéficiaire par LRAR. Toutefois, compte tenu des investissements que le Bénéficiaire engage, le Propriétaire doit, avant tout résiliation unilatérale pour motifs d'intérêt général, indemniser effectivement et intégralement le Bénéficiaire à hauteur de l'intégralité des préjudices subis par ce dernier en conséquence de cette résiliation. " Ainsi que le soutiennent l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et autres, ces stipulations, en ce qu'elles subordonnent ce pouvoir de résiliation unilatérale de la commune à une indemnisation préalable et effective de la société, ne se limitent donc pas seulement à déterminer les modalités selon lesquelles l'indemnisation de cette société aura lieu dans un tel cas, mais peuvent avoir pour effet de faire réellement obstacle à l'exercice, par cette collectivité, de son pouvoir de résiliation unilatérale pour un motif d'intérêt général. Donc, les stipulations ci-dessus, dans mesure où la résiliation de la convention par la commune ne peut intervenir sans indemnisation préalable et effective de la SAS WP France 15, sont illicites.
14. En sixième lieu, l'article 6 de la convention contestée, relatif à la durée de la convention, prévoit, en son troisième alinéa, que " l'autorisation est consentie et accepté pour une durée maximale de quarante (40) années à compter du point de départ ", en son quatrième alinéa, qu'il " est reconnu au Bénéficiaire une faculté de les résilier unilatéralement" et, en son cinquième alinéa, que s'il " exerce sa faculté de résiliation, le bénéficiaire informe le propriétaire, au moins trois mois pleins avant le début du prochain jalon ", que cette " information a lieu par LRAR " et que la " résiliation prend effet le dernier jour du jalon en cours, à minuit ". Il ne résulte pas de ces stipulations, contrairement à ce que soutiennent l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et autres, que la SAS WP France 15 jouirait d'une faculté de résiliation inconditionnelle de la convention. Cette faculté doit en effet répondre à la condition qu'une occupation du domaine public pendant la durée maximale de quarante ans fixée initialement n'est plus justifiée par les besoins du projet. Est par ailleurs prévu un mécanisme d'information préalable de la commune, cette dernière pouvant alors s'opposer à une telle résiliation pour un motif d'intérêt général tiré, le cas échéant, des exigences du service public. Dans ces conditions, et alors que les stipulations de l'article 15 de la convention prévoient la possibilité pour la SAS WP France 15 d'en prononcer la résiliation en cas de méconnaissance par la commune de ses obligations contractuelles, le moyen tiré ce que la faculté de résiliation posée par le quatrième alinéa de l'article 6 ci-dessus ne serait subordonnée à aucun motif doit être écarté.
15. En dernier lieu, le second alinéa de l'article dit " 15.5 " du contrat en litige stipule notamment que : " s'il s'avère que les engagements n'ont pas été respectés ou remplis sur un point essentiel par la Collectivité, l'offrant aura le droit de : / (i) suspendre le paiement et/ou demander le remboursement des avances déjà faites au titre du contrat et/ou, / (ii), suspendre et/ou résilier le contrat pour faute de la collectivité avec effet immédiat ".
16. Si l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et autres soutiennent que la faculté de suspension ou de demande de remboursement prévue par ces stipulations permettrait à la société contractante de ne pas exécuter ses obligations, il apparaît qu'elle ne peut la mettre en œuvre que sous réserve pour la commune de ne pas respecter ses engagements. Et si ces stipulations prévoient une possibilité de résiliation pour le cocontractant, l'obligation pour ce dernier de mettre à même, au préalable, la collectivité de s'opposer à la rupture des relations contractuelles s'impose à lui, même en l'absence de toute stipulation en ce sens dans la convention. Le moyen doit donc, dans chacune de ses branches, être écarté.
17. Eu égard à la gravité vice relevé au point 13 ci-dessus, au regard de la nature du pouvoir de résiliation unilatérale des contrats administratifs appartenant à l'administration, l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et autres sont seulement fondés à demander l'annulation du dernier alinéa de l'article 6 de la convention en litige, qui est divisible du reste de la convention, et dont la suppression ne saurait faire obstacle à la poursuite des relations contractuelles, en ce qu'il prévoit que : " Toutefois, compte tenu des investissements que le Bénéficiaire engage, le Propriétaire doit, avant tout résiliation unilatérale pour motifs d'intérêt général, indemniser effectivement et intégralement le Bénéficiaire à hauteur de l'intégralité des préjudices subis par ce dernier en conséquence de cette résiliation. ". Le surplus des conclusions à fin d'annulation doit être rejeté.
18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Cressy-sur-Somme et de la SAS WP France 15 une somme au titre des frais exposés par l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " et autres pour les besoins du litige, et à la charge de cette dernière, une somme au titre des mêmes frais exposés par cette commune et cette société.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 6 de la convention du 27 janvier 2022 est, dans la mesure rappelée plus haut, annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Sauvegarde Sud-Morvan " représentante unique au titre de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune de Cressy-sur-Somme, à la SAS WP France 15.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.
Le rapporteur,
J. Chassagne
Le président,
V.-M. Picard La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière
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N° 22LY00917
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