Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'État à lui verser la somme de 88 313,33 euros, sauf à parfaire, assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 14 avril 2015, en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'affiliation par l'État aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale pour les missions qu'il a effectuées au titre d'un mandat sanitaire.
Par un jugement n° 1902026 du 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 février 2022, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1902026 du 30 décembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de prononcer la condamnation demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a entaché son jugement d'une contradiction de motifs ;
- l'administration a commis une faute en ne l'affiliant pas au régime général de la sécurité sociale et au régime complémentaire de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (IRCANTEC) en raison des activités de prophylaxie collective réalisées dans le cadre de mandats sanitaires entre 1974 et 1989 ;
- il a droit, d'une part, au remboursement des cotisations patronales et salariales qu'il aura à acquitter en lieu et place de l'État pour la période en cause, à hauteur de 64 354,37 euros au titre des cotisations de la CARSAT et 3 001,28 euros au titre des cotisations de l'IRCANTEC et, d'autre part, à la somme équivalant au versement des pensions de retraite au titre de la période comprise entre 2015, date de son admission à la retraite, et la date du versement par l'État de la somme précédente, à hauteur de 14 741,51 euros au titre des pensions de retraite de la CARSAT et de 6 216,17 euros au titre des pensions de retraite de l'IRCANTEC ;
- il revient à l'État, au regard des documents dont il dispose nécessairement en sa qualité d'employeur, de reconstituer le montant des salaires qui ont été perçus dans le cadre de ses mandats sanitaires ;
- en toute hypothèse, les préjudices sont établis par les justificatifs de salaires de son associé à part égale avec lui, par le contrat d'exercice en commun conclu entre les associés qui prévoyait une harmonisation et une répartition à part égale des recettes nettes de chacun, et par le fait que les recettes issues des opérations de prophylaxie étaient versées sur un compte commun aux associés.
Par un mémoire enregistré le 25 juillet 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés en s'en remettant aux écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 ;
- l'ordonnance n° 2011-863 du 22 juillet 2011 ;
- le décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui a exercé la profession de vétérinaire jusqu'à son admission à la retraite, le 1er avril 2015, a été, au cours de la période correspondant aux années 1974 à 1989, investi d'un mandat sanitaire dans le cadre duquel il affirme avoir accompli des actes de prophylaxie collective des maladies des animaux. Il a demandé à être indemnisé du préjudice résultant du défaut de versement par l'État des cotisations dues par l'employeur au régime général d'assurance vieillesse et au régime de retraite complémentaire auxquels il devait être affilié en raison de cette activité. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à l'indemniser.
2. En vertu des dispositions de l'article 215-8 du code rural issues de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989 susvisée modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural ainsi que certains articles du code de la santé publique, reprises jusqu'à l'ordonnance n° 2011-863 du 22 juillet 2011 relative à la modernisation des missions des vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire à l'article L. 221-11 du code rural et de la pêche maritime, puis, en substance, à l'article L. 203-11 de ce code : " [Les rémunérations perçues au titre de l'exercice du mandat sanitaire] sont assimilées, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une activité libérale. Ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 1990 ". Jusqu'à cette date, les vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire devaient être regardés comme des agents non titulaires de l'État relevant du régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'État. A ce titre, l'État avait l'obligation, dès la date de prise de fonction, d'assurer leur immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi qu'à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (IRCANTEC) en application des dispositions, d'une part, de l'article R. 312-4 du code de la sécurité sociale et, d'autre part, des articles 3 et 7 du décret du 23 décembre 1970 portant création d'un régime de retraite complémentaire des assurances sociales en faveur des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques, et de verser les cotisations correspondant aux rémunérations perçues en vertu des actes de prophylaxie.
3. Le préjudice ouvrant droit à réparation au profit de M. A... correspond, d'une part, à son droit au remboursement du montant des cotisations patronales et salariales qu'il aura, en vertu de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, à acquitter en lieu et place de l'État, son employeur, pour la période litigieuse, tant auprès du régime général de retraite que de l'IRCANTEC afin de percevoir une pension de retraite complète et, d'autre part, à son droit d'obtenir une compensation du montant de la pension déjà perçue, minorée faute de cotisations pendant la période allant de la date de départ à la retraite à la date de versement de l'indemnité pouvant permettre la régularisation. Il lui appartient, dès lors, sans pouvoir utilement se prévaloir de ce que l'administration, alors qu'il aurait été rémunéré pour d'éventuelles prestations au titre de son mandat sous la forme d'honoraires, ne lui a pas communiqué le montant des salaires dont il affirme qu'ils lui ont été versés par l'État, d'apporter les éléments permettant d'évaluer le montant des cotisations patronales et salariales de retraite complémentaire qu'il aurait à verser à titre de régularisation et, en particulier, de justifier de l'exercice effectif d'opérations au titre du mandat dont il avait été investi par l'État et du montant des rémunérations perçues à ce titre, au cours des années 1974 à 1989 pour lesquelles l'administration a estimé, pour refuser de verser des sommes au titre des cotisations que M. A... affirmait devoir verser, qu'il n'apportait pas de telles justifications.
4. En premier lieu, dès lors que le montant des rémunérations perçues par les vétérinaires libéraux au titre du mandat sanitaire ne saurait se déduire de la seule existence de ce mandat, détenu par la quasi-totalité des vétérinaires à raison d'une activité qui ne revêtait au demeurant qu'un caractère accessoire et complémentaire, en sus de leur activité libérale, l'attestation, rédigée le 11 avril 2017 par le secrétaire général de la direction départementale de la protection des populations de l'Isère, si elle atteste du fait que M. A... bénéficiait d'un mandat sanitaire pour la période de 1970 à 1989 inclus et qu'il avait exécuté des opérations de prophylaxie à ce titre, n'est pas de nature à justifier de la réalité de l'exercice de son mandat sanitaire et des revenus qu'il en aurait tirés au titre des années en cause.
5. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement produire, pour justifier des rémunérations perçues au titre du mandat sanitaire au cours des années en cause, une déclaration fiscale, relative au demeurant à l'année 2021, établie au nom de la société de fait dont il était l'un des associés, les statuts de la société civile de moyens constituée en 1974 avec deux autres associés, le contrat d'exercice en commun prévoyant une répartition des recettes à égalité entre les membres du groupe, une déclaration de valeurs relative à la société de fait du 13 décembre 1984 ou bien un mandat donné par acte notarié le 12 décembre 1974 à l'un des trois associés pour recevoir en leurs noms les honoraires dus à l'un d'entre eux par la direction des services vétérinaires pour les actions de police sanitaire et de prophylaxie des maladies animales, qui ne permettent pas de distinguer sa propre activité au titre du mandat sanitaire. Il ne peut davantage produire à cette fin des avis d'impôt sur le revenu d'un des associés de cette société, pour la période de 1974 à 1989, faisant apparaître des revenus perçus dans la catégorie des salaires, ni se prévaloir d'une estimation des montants en francs perçus par chaque associé de la société de fait entre 1974 et 1991 au titre des prophylaxies payées par l'Etat, qui ne constitue pas un justificatif probant de cette activité. En l'absence d'élément de nature à justifier de l'existence même d'une rémunération à ce titre, il ne peut utilement, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, selon lesquelles " lorsque le montant de la rémunération perçue par l'assuré n'est pas démontré (...), les cotisations sont calculées sur une assiette forfaitaire, fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de l'agriculture (...) ". M. A... ne peut, dès lors, prétendre à aucune indemnité au titre des années en cause.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'une contradiction de motifs, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00661
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