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02/02/2023 | FRANCE | N°20LY03126

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 02 février 2023, 20LY03126


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 6 mars, 5 juin et 4 décembre 2018, des 5 mars et 13 septembre 2019 et du 14 janvier 2020 par lesquels le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est l'a placé en disponibilité à compter, respectivement, du 11 mars 2018, du 11 juin 2018, du 11 décembre 2018, du 11 mars 2019, du 11 septembre 2019 et du 11 mars jusqu'au 30 avril 2020.

Par un jugement n° 1800807, 1805439, 1805441, 1805442, 1808004, 1902868,

1906625 et 2001103 du 10 août 2020 le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 6 mars, 5 juin et 4 décembre 2018, des 5 mars et 13 septembre 2019 et du 14 janvier 2020 par lesquels le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est l'a placé en disponibilité à compter, respectivement, du 11 mars 2018, du 11 juin 2018, du 11 décembre 2018, du 11 mars 2019, du 11 septembre 2019 et du 11 mars jusqu'au 30 avril 2020.

Par un jugement n° 1800807, 1805439, 1805441, 1805442, 1808004, 1902868, 1906625 et 2001103 du 10 août 2020 le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I- Par une requête enregistrée le 22 octobre 2020 sous le n° 20LY03126, M. B..., représenté par Me Bouzidi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ci-dessus en ce qu'il a rejeté sa demande contre l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est du 6 mars 2018 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est de le placer en congé longue maladie se poursuivant le cas échéant par un congé de longue durée ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 et a commis une erreur sur le moyen tiré de la gravité de sa pathologie ;

- il est entaché d'incompétence de signataire de l'acte ;

- il remplit les conditions pour bénéficier d'un congé de longue maladie.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

II. Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020 sous le n° 20LY03127, M. B..., représenté par Me Bouzidi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ci-dessus en ce qu'il a rejeté sa demande contre l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est du 5 juin 2018 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est de le placer en congé longue maladie se poursuivant le cas échéant par un congé de longue durée ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 et a commis une erreur sur le moyen tiré de la gravité de sa pathologie ;

- il est entaché d'incompétence de signataire de l'acte ;

- il remplit les conditions pour bénéficier d'un congé de longue maladie.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

III. Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020 sous le n° 20LY03128, M. B..., représenté par Me Bouzidi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ci-dessus en ce qu'il a rejeté sa demande contre l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est du 4 décembre 2018 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est de le placer en congé longue maladie se poursuivant le cas échéant par un congé de longue durée ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 et a commis une erreur sur le moyen tiré de la gravité de sa pathologie ;

- il est entaché d'incompétence de signataire de l'acte ;

- il remplit les conditions pour bénéficier d'un congé de longue maladie.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

IV. Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020 sous le n° 20LY03129, M. B..., représenté par Me Bouzidi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ci-dessus en ce qu'il a rejeté sa demande contre l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est du 5 mars 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est de le placer en congé longue maladie se poursuivant le cas échéant par un congé de longue durée ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur son moyen tiré de la méconnaissance l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 et a commis une erreur sur le moyen tiré de la gravité de sa pathologie ;

- il est entaché d'incompétence de signataire de l'acte ;

- il remplit les conditions pour bénéficier d'un congé de longue maladie.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

V. Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020 sous le n° 20LY03130, M. B..., représenté par Me Bouzidi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ci-dessus en ce qu'il a rejeté sa demande contre l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est du 13 septembre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est de le placer en congé longue maladie se poursuivant le cas échéant par un congé de longue durée ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur son moyen tiré de la méconnaissance l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 et a commis une erreur sur le moyen tiré de la gravité de sa pathologie ;

- il est entaché d'incompétence de signataire de l'acte ;

- il remplit les conditions pour bénéficier d'un congé de longue maladie.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

VI. Par une requête enregistrée le 29 octobre 2020 sous le n° 20LY03138, M. B..., représenté par Me Bouzidi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ci-dessus en ce qu'il a rejeté sa demande contre l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est du 14 janvier 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est de le placer en congé longue maladie se poursuivant le cas échéant par un congé de longue durée ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur son moyen tiré de la méconnaissance l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 et a commis une erreur sur le moyen tiré de la gravité de sa pathologie ;

- il est entaché d'incompétence de signataire de l'acte ;

- il remplit les conditions pour bénéficier d'un congé de longue maladie.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., brigadier-major de la police nationale, relève appel du jugement du 10 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes d'annulation des arrêtés du préfet de la zone de défense et sécurité sud-est des 6 mars, 5 juin et 4 décembre 2018, des 5 mars et 13 septembre 2019 et du 14 janvier 2020 qui l'ont maintenu en disponibilité d'office pour raison de santé sur la période du 11 mars 2018 jusqu'au 30 avril 2020.

Sur la jonction :

2. Les requêtes de M. B... visées plus haut présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le fond du litige :

3. Aux termes de l'article 51 de la loi du 11 janvier 1984 : " La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 ci-dessus (...) ". Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° À des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) 3° À des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie : " Les affections suivantes peuvent donner droit à un congé de longue maladie dans les conditions prévues aux articles 29 et 30 des décrets susvisés : (...) - maladies mentales ; (...). ". Aux termes de l'article 28 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agrées : " Pour l'application des dispositions de l'article 34 (3°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, le ministre chargé de la santé détermine par arrêté, après avis du comité médical supérieur, une liste indicative de maladies qui, si elles répondent en outre aux caractères définis à l'article 34 (3°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, peuvent ouvrir droit à congé de longue maladie. Sur cette liste doivent figurer les affections qui peuvent ouvrir droit au congé de longue durée prévu ci-après. ".

4. En vertu de l'article 1er de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congés de longue maladie, un fonctionnaire, atteint d'une maladie mentale, est mis en congé de longue maladie, lorsqu'il est dûment constaté qu'il est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions.

5. Il apparaît que l'état de santé de l'intéressé, en arrêt de travail depuis 2016, a été décrit, à plusieurs reprises, comme justifiant l'obtention d'un congé de longue maladie, étant caractérisé par un contexte d'épuisement professionnel qui a exigé un suivi psychothérapique en thérapie cognitivo-comportementale, la nécessité d'une reconversion professionnelle ayant été envisagée. Selon son médecin psychiatre, l'intéressé souffre en effet d'un état anxio-dépressif sévère, sous forme de burn out, avec des manifestations d'angoisse importantes, restant actuellement fragilisé même si les symptômes anxio-dépressifs sont minorés par un traitement psychotrope et le suivi psychiatrique dont il bénéficie. Dans son rapport du 21 août 2019, le docteur A..., psychiatre désigné comme expert judiciaire par le tribunal administratif de Grenoble, a indiqué que M. B... avait fait part d'idées suicidaires et que le tableau clinique correspondait à une décompensation dépressive sévère d'une personnalité narcissique résultant de facteurs multiples. Dans un rapport d'expertise postérieur, le docteur E... C..., psychiatre agréé, avait relevé en 2017 que M. B..., bien que peu susceptible, pour l'instant, de mettre à exécution ses idées suicidaires, présentait une dépression réactionnelle avec des éléments en faveur d'un épuisement psychique en lien avec le travail et une personnalité pré-morbide. Il en résulte que la pathologie mentale de M. B..., qui est avérée, a un retentissement significatif sur sa vie tant personnelle que professionnelle, le mettant dans l'impossibilité de continuer à exercer ses fonctions antérieures et entraînant pour lui la nécessité d'un traitement adapté et de soins prolongés. Au vu de l'ensemble des éléments produits, en particulier d'ordre médical, elle présente ainsi un caractère invalidant et doit être regardée de gravité confirmée au sens de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, justifiant que M. B... soit placé en congé de longue maladie.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés contestés.

Sur l'injonction :

7. Le motif d'annulation des arrêtés en litige implique nécessairement, par application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la zone défense sud-est, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de placer M. B... en congé longue maladie pour la période du 11 mars 2018 au 30 avril 2020.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à M. B... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 août 2020 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la zone de défense et sécurité sud-est des 6 mars, 5 juin et 4 décembre 2018, des 5 mars et 13 septembre 2019 et du 14 janvier 2020.

Article 2 : Les arrêtés du préfet de la zone de défense et sécurité sud-est des 6 mars, 5 juin et 4 décembre 2018, des 5 mars et 13 septembre 2019 et du 14 janvier 2020 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est de placer M. B... en congé de longue maladie pour la période du 11 mars 2018 au 30 avril 2020 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera la somme de 2 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY03126, 20LY03127, 20LY03128, 20LY03129, 20LY03130, 20LY03138

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03126
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : MetC AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-02;20ly03126 ?
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