La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2023 | FRANCE | N°20LY02143

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 02 février 2023, 20LY02143


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'office public de l'habitat (OPH) Domanys a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la société SIZ'-IX Architectes à lui verser la somme de 80 482,06 euros HT sur le fondement de la responsabilité contractuelle résultant de son devoir de conseil.

Par jugement n° 1901195 du 2 juin 2020, le tribunal a fait droit à sa demande et rejeté l'appel en garantie de la société SIZ'-IX Architectes dirigé contre la société Gebat Constructions, entreprise de travaux.

Procédure devant

la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2020 et le 19 octobre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'office public de l'habitat (OPH) Domanys a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la société SIZ'-IX Architectes à lui verser la somme de 80 482,06 euros HT sur le fondement de la responsabilité contractuelle résultant de son devoir de conseil.

Par jugement n° 1901195 du 2 juin 2020, le tribunal a fait droit à sa demande et rejeté l'appel en garantie de la société SIZ'-IX Architectes dirigé contre la société Gebat Constructions, entreprise de travaux.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2020 et le 19 octobre 2022, ce dernier non communiqué, la société SIZ'-IX Architectes, représentée par Me Levy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) le cas échéant après avoir ordonner une expertise judiciaire, de rejeter la demande présentée au tribunal par Domanys ;

3°) de condamner la société Gebat Constructions à la relever et la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de l'OPH Domanys la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- aucun manquement à son devoir de conseil ne peut lui être imputé ;

- la nécessité des travaux de reprise dont fait état l'OPH Domanys n'est pas établie ;

- les désordres relevés relatifs à l'absence d'entrée d'air dans le logement n° 12 sont imputables à la société Gebat Constructions qui a réalisé les travaux ;

- la non-conformité des sorties d'air est limitée à quatre logements et sans conséquence, dès lors qu'il s'agit uniquement d'une adaptation mineure d'une préconisation du fabricant ; elle n'impliquait pas la reprise de l'intégralité des bouches d'extraction ; il n'y avait pas lieu de reprendre les coffrages et peintures ;

- l'arrêté du 24 mars 1982 relatif à l'aération des logements n'intègre pas la buanderie dans la liste des pièces de service obligatoirement équipées d'une bouche d'extraction ;

- le non-raccordement d'un tel équipement n'a été constaté que pour la buanderie d'un seul logement ;

- l'arrêté du 24 décembre 2015 impose une position de poignée entre 0,9 et 1,3 m de hauteur, sauf pour les fenêtres placées au-dessus de meubles isolés et dès lors que le système de ventilation respecte la réglementation en vigueur ;

- la non-conformité des poignées est ponctuelle et isolée ;

- la réalité des travaux de reprise n'est pas établie ;

- le jugement doit être annulé en ce qu'il a refusé d'ordonner une expertise avant

dire-droit ;

- elle doit être intégralement relevée et garantie par la société Gebat Constructions qui a failli tant à son obligation de conseil qu'à son obligation de résultat en application des articles 1240 et 1241 du code civil.

Par mémoire enregistré le 28 septembre 2022, l'office public de l'habitat Domanys, représenté par Me Salaün, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la société SIZ'-IX Architectes une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société SIZ'-IX Architectes a manqué à son devoir de conseil, dès lors que sa mission comprenait notamment l'assistance aux opérations de réception ; or, les réserves proposées par le maître d'œuvre ne concernaient pas le non-respect des normes de construction relatives à l'aération et à l'accessibilité des personnes handicapées ;

- les travaux de reprise effectués étaient nécessaires, dès lors que la direction départementale des territoires de l'Yonne a relevé que les non-conformités constatées sur un échantillon réduit mais représentatif étaient à étendre à toutes les dispositions similaires existant sur l'opération et que les réparations ne pouvaient concerner uniquement les logements contrôlés dans le cadre de la visite mais tous les logements ayant des non-conformités similaires ;

- il résulte des factures établies par la société Gebat Constructions que seuls les logements présentant des non-conformités similaires à celles relevées par la direction départementale des territoires de l'Yonne ont fait l'objet de travaux de remplacement ;

- la société requérante ne peut utilement invoquer le caractère non nécessaire des travaux afférents à l'absence d'entrée d'air dans le logement n°12 et l'absence de débit complémentaire dans les cuisines, dès lors que les travaux de reprise dont elle demande l'indemnisation ne concernent pas ces manquements ;

- dans la mesure où les buanderies disposent en l'espèce d'un point d'eau, elles devaient nécessairement être considérées comme salle d'eau devant disposer d'un système d'extraction d'air ;

- la requérante ne peut soutenir que les travaux relatifs aux poignées de fenêtres pouvaient ne pas être réalisés, dès lors que la dérogation dont elle fait état concerne les hypothèses, étrangères aux faits de l'espèce, où la fenêtre est située au-dessus d'un mobilier ou d'un équipement fixe ;

- la demande d'expertise formulée par la société SIZ'-IX Architectes

n'est pas justifiée, dès lors que la nécessité de réaliser les travaux n'est pas sérieusement contestée ;

- la responsabilité du maître d'œuvre peut être engagée nonobstant l'éventuelle impossibilité de mettre en œuvre la responsabilité contractuelle des autres intervenants.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'OPH Domanys a entrepris la construction d'un ensemble de quarante logements à Migennes (Yonne) dont elle a confié la maîtrise d'œuvre à un groupement dont la société SIZ'-IX Architectes était le mandataire. Les travaux de construction ont été confiés à la société Gebat Constructions, par marché du 26 septembre 2013. La réception des ouvrages avec réserves a été prononcée le 2 novembre 2015 et le 18 décembre 2015. L'ensemble des réserves a été levé le 2 novembre 2016. A l'issue d'un contrôle effectué le 12 juillet 2016, la direction départementale des territoires de l'Yonne a adressé à l'OPH Domanys, le 21 septembre 2016, un rapport répertoriant des non-conformités aux règles de construction relatives à l'aération des locaux et leur accessibilité aux personnes handicapées, et mettant en demeure ce bailleur social d'assurer une mise en conformité dans le délai de trois mois. Les travaux ont été effectués par la société Gebat Constructions entre le 4 avril 2017 et le 9 juin 2017. L'OPH Domanys a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la société SIZ'-IX Architectes, à raison des manquements à son devoir de conseil, à lui verser la somme de 80 482,06 euros HT correspondant au coût de ces travaux de reprise des menuiseries, des ventilations ainsi que des coffrages et peintures pour l'habillage des gaines VMC. La société SIZ'-IX Architectes relève appel du jugement du 2 juin 2020 par lequel le tribunal a fait intégralement droit à la demande de l'OPH Domanys et a rejeté son appel en garantie de la société Gebat Constructions.

Sur les conclusions de la requête :

2. Aux termes de l'article 11 du décret du 29 novembre 1993 susvisé, relatif aux missions de maitrise d'œuvre alors en vigueur : " L'assistance apportée au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement a pour objet : a) D'organiser les opérations préalables à la réception des travaux ; b) D'assurer le suivi des réserves formulées lors de la réception des travaux jusqu'à leur levée (...) ".

3. D'une part, par exception au principe selon lequel les locateurs sont déliés de leurs engagements après la réception des travaux qui met fin aux obligations contractées envers le maître de l'ouvrage, le maître d'œuvre est tenu de répondre des manquements à sa mission d'assistance aux opérations de réception dans la mesure où de la bonne exécution de celle-ci, dépend la mise en œuvre des garanties contractuelles dues par les entreprises chargées des travaux. D'autre part, cette mission consiste, en vertu des dispositions précitées, à attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité d'émettre des réserves à la réception. Toutefois, ces réserves ne peuvent être formulées qu'à raison de non-conformités de l'ouvrage exécutées aux spécifications des marchés de travaux. En conséquence, ce régime de responsabilité du maître d'œuvre ne saurait s'étendre à des manquements affectant d'autres éléments de mission du marché de maîtrise d'œuvre, tels que la conception de l'ouvrage.

4. Or, il résulte de l'instruction que les non-conformités relevées par les services de la direction départementale des territoires, afférentes aux règles de construction des bâtiments d'habitation neufs, ne constituaient pas des non-conformités aux spécifications des marchés de travaux. L'entreprise concernée n'en devait pas la reprise à Domanys et elles n'auraient donc pas pu figurer au nombre des réserves assortissant la réception. En admettant qu'elles relèvent d'erreurs de conception de l'ouvrage, leur signalement ne relevait pas de la mission d'assistance aux opérations de réception du maître d'œuvre. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal a estimé qu'en s'abstenant d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur les imperfections affectant la ventilation ou le positionnement de certains dispositifs d'ouverture, la société SIZ'-IX Architectes avait commis un manquement à son devoir de conseil de nature à engager sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage. Il s'ensuit que le jugement du tribunal administratif de Dijon du 2 juin 2020 doit être annulé et la demande de l'OPH Domanys, rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge à l'OPH Domanys une somme de 1 500 euros à verser à la société SIZ'-IX Architectes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société SIZ'-IX Architectes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'OPH Domanys sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901195 du tribunal administratif de Dijon du 2 juin 2020 est annulé.

Article 2 : Les conclusions à fins de condamnation présentée par l'OPH Domanys contre la société SIZ'-IX Architectes sont rejetées.

Article 3 : L'OPH Domanys versera à la société SIZ'-IX Architectes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat Domanys, à la société SIZ'-IX Architectes et à la société Gebat Constructions.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 2 février 2023.

La rapporteure, Le président,

A. Evrard Ph. Arbarétaz

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 20LY02143


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02143
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELAS LARRIEU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-02;20ly02143 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award