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26/01/2023 | FRANCE | N°22LY00622

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 26 janvier 2023, 22LY00622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui octroyer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois.

Par jugement n° 2108504 du 27 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a, dans un article 1er, annulé l'arrêté du 22 juin 2021 susmentionné et, dans un article 2, enjoint au préfet de la Dr

ôme de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et famil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui octroyer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois.

Par jugement n° 2108504 du 27 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a, dans un article 1er, annulé l'arrêté du 22 juin 2021 susmentionné et, dans un article 2, enjoint au préfet de la Drôme de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 février et 25 avril 2022, la préfète de la Drôme demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé qu'elle s'était considérée en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour sollicité dès lors que Mme C... n'apportait aucun élément de nature à contester l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- le certificat médical du 5 juillet 2021 joint au dossier fait état d'une maladie génétique et d'une opération de la cataracte mais aucun élément versé ne permet d'établir l'évolution de la pathologie de l'intéressée, ni ne démontre que les infrastructures médicales et hospitalières en matière de personnel et de matériel de son pays d'origine ne lui permettraient pas de suivre un traitement approprié pour l'affection en cause ni que ces soins ne seraient pas accessibles ou ne pourraient plus être dispensés.

Par un mémoire, enregistré le 22 avril 2022, Mme C..., représentée par Me Callen, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- en refusant de lui délivrer le titre sollicité, le préfet de la Drôme a méconnu l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du 23 mars 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de sa situation personnelle.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante arménienne née en 1949, est entrée en France le 1er février 2015. Elle a vu sa demande d'asile définitivement rejetée le 8 septembre 2016 par décision de la cour nationale du droit d'asile. Elle a sollicité, le 20 octobre 2016, un titre de séjour en qualité d'étranger malade auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Cette demande a été rejetée par un arrêté du 23 janvier 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône. Par un jugement du 12 juillet 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de Mme C... tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 22 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement ainsi que la décision du 23 janvier 2017 pour erreur manifeste d'appréciation. Mme C... a alors déposé en préfecture des Bouches-du-Rhône une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Cette nouvelle demande a fait l'objet d'un arrêté du 23 août 2019 par lequel le préfet a notamment refusé son admission au séjour. Par un jugement du 23 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé ce refus de séjour. L'intéressée a déposé une troisième demande de titre de séjour en préfecture de la Drôme sur le même fondement. Par un arrêté du 22 juin 2021, le préfet de la Drôme a rejeté cette demande. La préfète de la Drôme relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ce dernier arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...). / Si le collège des médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ".

3. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable ou conforme à ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

4. Pour annuler au visa de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le refus de séjour en litige, le premier juge s'est fondé sur les mentions d'un certificat médical daté du 17 octobre 2019 établi par un médecin psychiatre attestant des multiples pathologies, notamment psychiatrique, dont souffre Mme C... et concluant qu'un " retour dans le pays d'origine, à cet âge, avec cette pathologie psychique, l'exposerait à des risques avérés ". Toutefois, cet unique certificat est antérieur à l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII du 7 juin 2021 estimant que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ne permet pas, en outre, à lui seul, de remettre en cause les mentions de cet avis. Enfin, le certificat médical sur lequel s'est fondé le premier juge ne permet pas de considérer que le défaut de prise en charge de Mme C... entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni, au surplus, que le suivi médical et le traitement médicamenteux auxquels elle est astreinte en raison de ses multiples pathologies ne seraient pas disponibles en Arménie. Le certificat médical du 5 juillet 2021 également produit au dossier n'apporte pas davantage ces précisions. Dans ces conditions, c'est à tort que le premier juge a annulé le refus de séjour en litige au visa des dispositions de l'article L. 425-9 du code précité ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois.

5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif et la cour.

Sur les autres moyens :

6. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme C..., il ressort des pièces versées au dossier, et notamment des pièces produites devant le tribunal par la préfète de la Drôme, que Mme A... Argouarc'h, secrétaire générale de la préfecture de la Drôme, a reçu délégation pour signer l'arrêté du 22 juin 2021 en litige en vertu de l'arrêté préfectoral du 16 novembre 2020 portant délégation de signature du préfet de la Drôme et régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 26-2020-11-16-001 de la préfecture de la Drôme. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, l'intéressée ne peut se prévaloir de l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 mars 2020 annulant l'arrêté du 23 août 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour, dès lors que le présent litige porte sur un arrêté distinct portant notamment refus de titre de séjour édicté sur la base d'éléments nouveaux, en l'occurrence l'avis du collège de médecins de l'OFII du 7 juin 2021 relatif à l'état de santé de Mme C..., après que le préfet de la Drôme a procédé à un nouvel examen de la situation personnelle de l'intéressée.

8. En dernier lieu, Mme C... soutient que l'arrêté litigieux serait entaché d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est présente en France depuis 2015 et qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 66 ans en Arménie. Si elle se prévaut de la présence en France d'une de ses filles et de ses petits-enfants, le préfet de la Drôme a remis en cause dans son arrêté l'intensité de cette relation. L'intéressée n'apporte aucune précision à ce titre excepté une attestation d'hébergement de sa fille datée du 5 juin 2021 soit quelques jours avant l'édiction de l'arrêté en litige. Il est par ailleurs constant que Mme C... a vécu dans le département des Bouches-du-Rhône avant de s'établir dans la Drôme. Mme C... a également une autre fille demeurant en Russie et une autre demeurant aux Etats-Unis. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que les attaches familiales qu'elle possède en France seraient plus intenses que celles qu'elle conserve à l'étranger. Elle ne justifie enfin d'aucune intégration particulière au sein de la société française. Par suite, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Drôme est fondée à demander l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 27 janvier 2021 et que la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme C... la somme qu'elle réclame au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2108504 du 27 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions d'appel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2023.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY00622

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00622
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : GRIMALDI - MOLINA et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-01-26;22ly00622 ?
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