Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association Foyer du Léman a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler la décision de préemption de la directrice du Conservatoire du littoral en date du 28 septembre 2017 ;
2°) de mettre à la charge du Conservatoire du littoral une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1706647 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 28 septembre 2017 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 9 mars 2021 et des mémoires enregistrés le 28 février 2022 et le 9 juin 2022, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, représenté par Me Stahl, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 janvier 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association Foyer du Léman devant le tribunal administratif de Grenoble ;
3°) de mettre à la charge de l'association Foyer du Léman la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, en ayant retenu un moyen qui n'avait pas été soulevé ;
- les premiers juges ont, à tort, retenu que la décision litigieuse méconnaît l'article L. 215-1 du code de l'urbanisme, en l'absence de zone de préemption créée par le département de la Haute-Savoie dès lors que l'article 233 de la loi du 22 août 2021, qui n'est pas contraire à l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à la liberté contractuelle, a eu pour effet, par son I, de restaurer le droit de préemption prévu par l'article L. 215-1 et suivants du code de l'urbanisme dans les zones de préemption créées par le préfet au titre de la législation sur les périmètres sensibles avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 1985 et, par son II, applicable à la décision litigieuse, de purger les décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et son entrée en vigueur de l'irrégularité résultant de l'abrogation de ce droit de préemption dans ces zones par l'ordonnance du 23 septembre 2015 ;
- les autres moyens soulevés en première instance, tirés du caractère frauduleux de la décision litigieuse, du défaut de consultation de la SAFER avant notification de la déclaration d'intention d'aliéner, de l'absence d'intégration des parcelles dans une zone où le droit de préemption est applicable et du défaut de consultation préalable du service des domaines, ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2022, l'association Foyer du Léman, représentée par Me Jacques (SELAS Lega-Cite avocats), avocat, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen retenu par le tribunal administratif était soulevé ;
- le tribunal ne pouvait faire application de l'article 233 de la loi du 22 août 2021, lequel n'était pas encore entré en vigueur ;
- la décision de préemption litigieuse est dépourvue de base légale, l'article L. 142-12 du code de l'urbanisme sur lequel elle se fonde ayant été abrogé par l'ordonnance du 23 septembre 2015 et le II de l'article 233 de la loi du 22 août 2021 étant contraire à l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à la liberté contractuelle garantie par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme ;
- la décision de préemption litigieuse procède d'une fraude.
Par un mémoire en défense distinct enregistré le 2 mai 2022, l'association Foyer du Léman a demandé à la cour, sur le fondement de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l'article 233 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Par un mémoire enregistré le 13 mai 2022, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a conclu au rejet de cette demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat.
Par une ordonnance du 5 juillet 2022, le président de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a refusé de transmettre au Conseil d'Etat cette question prioritaire de constitutionnalité.
Par ordonnance du 7 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 21 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole n°1 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;
- l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et, les observations de Me Stahl, avocate, représentant le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et Me Perrier, avocat, représentant l'association Foyer du Léman ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 30 mars 2017, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, se substituant à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) d'Auvergne-Rhône-Alpes, a levé l'option d'achat prévue par la promesse unilatérale de vente consentie par l'association Foyer du Léman le 11 juillet 2016, se portant ainsi acquéreur de sept parcelles situées sur le territoire de la commune de ... et, en partie, dans une zone de préemption créée par le préfet de la Haute-Savoie par arrêté du 7 mars 1979. Relevant qu'aucun acte de vente n'avait été régularisé devant notaire dans le délai de quatre-vingt-dix jours stipulé par la promesse de vente, l'association Foyer du Léman a, par courrier du 1er juillet 2017, dénoncé la caducité de cette promesse. Toutefois, le notaire qui la représentait a, par formulaire daté du 29 août 2017, transmis une déclaration d'intention d'aliéner relative à cette vente au département de la Haute-Savoie. Celui-ci ayant renoncé à exercer son droit de préemption, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a, par la décision litigieuse du 28 septembre 2018, préempté ces parcelles sur le fondement de l'article L. 215-14 du code de l'urbanisme. Saisi par l'association Foyer du Léman, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision, par un jugement du 25 janvier 2021, dont le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres relève appel.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 215-1 du code de l'urbanisme, crée par l'ordonnance du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme : " Pour mettre en œuvre la politique prévue à l'article L. 113-8, le département peut créer des zones de préemption dans les conditions définies au présent article ". L'article L. 215-4 du même code dispose que : " A l'intérieur des zones délimitées en application de l'article L.215-1, le département dispose d'un droit de préemption ". Son article L. 215-5 prévoit en outre que : " Lorsque le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est territorialement compétent, il peut se substituer au département si celui-ci n'exerce pas le droit de préemption ".
3. En application des articles L. 142-1 et suivants du code de l'urbanisme, dans leur rédaction antérieure à la loi du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes d'aménagement, le préfet pouvait délimiter des " périmètres sensibles " dans certains départements, dans lesquels il pouvait arrêter les mesures nécessaires à la protection des sites et des paysages et créer des zones de préemption au profit du département. Avec la loi du 18 juillet 1985, les articles L. 142-1 et suivants du code de l'urbanisme ont été modifiés et la protection des espaces naturels sensibles est devenue une compétence départementale de droit commun. L'article L. 142-3 du code de l'urbanisme prévoyait dès lors que les départements eux-mêmes délimitent les zones à l'intérieur desquelles ils peuvent exercer leur droit de préemption. Par ailleurs, l'article L. 142-12 du même code prévoyait que le droit de préemption reconnu aux départements pouvait continuer à s'exercer à l'intérieur des zones de préemption délimitées par le préfet sous l'empire du droit antérieur.
4. L'ordonnance du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme, ratifiée par l'article 156 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, a procédé à une nouvelle codification des dispositions relatives aux espaces naturels sensibles, et notamment de celles relatives au droit de préemption dans ces espaces, aux articles L. 215-1 et suivants. Dans ce cadre, les dispositions transitoires de l'article L. 142-12 ont été abrogées à compter du 1er janvier 2016. A compter de cette date, le droit de préemption prévu aux articles L. 215-1 et suivants du code de l'urbanisme n'était dès lors plus applicable dans les zones de préemption définies par les préfets au titre de la législation sur les périmètres sensibles avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 1985, sauf à ce que le département les ait incluses dans les zones de préemption qu'il avait lui-même créées au titre des espaces naturels sensibles.
5. Toutefois, l'article 233 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a rétabli, à l'article L. 215-4-1 du code de l'urbanisme, ce droit de préemption dans les zones concernées et prévu en son II que : " Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et l'entrée en vigueur du présent article, en tant que leur légalité est ou serait contestée par un moyen tiré de l'abrogation de l'article L. 142-12 du code de l'urbanisme par l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme ".
6. Ces dispositions ont pour objet, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, de valider les décisions de préemption, ainsi privées de base légale par l'ordonnance du 23 septembre 2015, intervenues dans les zones de préemption créées par les préfets au titre de la législation sur les périmètres sensibles avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 1985, en ce qu'elles seraient contestées sur le fondement du moyen tiré de l'abrogation de l'article L. 142-12 du code de l'urbanisme, tel que celui retenu par le jugement attaqué.
7. L'association Foyer du Léman soutient, en défense, qu'en validant des décisions de préemption, ces dispositions sont contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".
9. Contrairement à ce que soutient l'association Foyer du Léman, ces stipulations n'interdisent pas toute ingérence, notamment par l'exercice d'un droit de préemption, d'un Etat dans le droit de toute personne au respect de ses biens. Pour respecter ces stipulations, une telle ingérence doit ménager un " juste équilibre " entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. En outre, la nécessité d'examiner la question du juste équilibre ne peut se faire sentir que lorsqu'il s'est avéré que l'ingérence litigieuse a respecté le principe de la légalité et n'était pas arbitraire.
10. En l'espèce, les décisions de préemption ainsi validées par le II de l'article 233 de la loi du 22 août 2021 ont été adoptées sur le fondement des articles L. 215-1 et suivants du code de l'urbanisme, précédemment codifiés aux articles L. 142-1 et suivants du même code. Il résulte de ces dispositions que le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles institué au profit des départements, et, par substitution, du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, poursuit l'objectif de protection et d'ouverture au public de ces espaces, lequel constitue un objectif d'intérêt général. Les espaces soumis à ce droit sont ceux dans lesquels la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels ou des champs naturels d'expansion des crues mérite d'être préservée et les habitats naturels sauvegardés. L'exercice de ce droit n'est possible que dans des zones préalablement délimitées à cette fin, dans le cadre d'une politique d'ensemble de protection, de gestion et d'ouverture au public de ces espaces, à laquelle ne pourrait se substituer de façon équivalente la juxtaposition d'initiatives privées de protection de ces espaces. Les décisions de préemption doivent elles-mêmes répondre aux objectifs de cette politique et être justifiées par la protection des parcelles en cause et leur ouverture ultérieure au public, sous réserve que la fragilité du milieu naturel ou des impératifs de sécurité n'y fassent pas obstacle. En vertu de l'article L. 215-21 du code de l'urbanisme, les terrains acquis en vertu de ce droit de préemption doivent faire l'objet d'un aménagement, compatible avec la sauvegarde des sites, des paysages et des milieux naturels, en vue de leur ouverture au public, sous la même réserve, et la personne publique qui en est propriétaire doit les préserver, les aménager et les entretenir dans l'intérêt du public. Enfin, en vertu de l'article L. 215-22 du même code, si un terrain acquis par l'exercice de ce droit n'a pas été utilisé comme espace naturel, dans les conditions ainsi définies, dans un certain délai, l'ancien propriétaire ou ses ayants cause universels ou à titre universel peuvent en obtenir la rétrocession.
11 Dès lors, la décision de préemption en litige a été adoptée en application de normes précises, prévisibles et accessibles, dans un but d'intérêt général, qu'elle mentionne, tenant à la mise en œuvre d'une gestion cohérente de l'ouverture au public et agricole de ces dernières parcelles non construites en littoral du lac Léman, et assure un juste équilibre entre les exigences de cet intérêt général et l'atteinte portée au droit de propriété, l'association Foyer du Léman ayant obtenu un prix d'achat conforme à celui qu'elle avait fixé, pour un bien qu'elle avait déclaré, par le biais de son mandataire, entendre aliéner, et ne démontrant nullement avoir dû supporter une charge excessive et déraisonnable.
12. En second lieu, si l'association Foyer du Léman soutient que ces dispositions et les décisions qu'elles valident méconnaissent la liberté contractuelle, garantie par la jurisprudence de Cour européenne des droits de l'homme, elle ne se prévaut ainsi d'aucune stipulation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui aurait été méconnue. Au surplus, elle ne peut soutenir que la décision en litige lui a imposé un cocontractant et un prix, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres étant le bénéficiaire de la vente initialement envisagée et ayant accepté le prix demandé.
13. Les exceptions d'inconventionnalité tirées de la méconnaissance de l'article 1er du protocole n°1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la liberté contractuelle ne peuvent donc qu'être écartées.
14. Il ressort des pièces du dossier qu'une partie des parcelles concernées par la décision litigieuse est incluse dans le périmètre sensible délimité par arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 7 mars 1979 instaurant un droit de préemption à la disposition du département et, par substitution, du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres. La décision en litige ayant été adoptée entre le 1er janvier 2016 et le 25 août 2021, date d'entrée en vigueur de l'article 233 de la loi du 22 août 2021, et le jugement attaqué n'étant pas passé en force de chose jugée, du fait du présent appel enregistré le 9 mars 2021 dans le respect du délai de recours, cette décision ne peut dès lors, en vertu du II de l'article 233 de la loi du 22 août 2021, être utilement contestée par le moyen tiré de l'abrogation de l'article L. 142-12 du code de l'urbanisme par l'ordonnance du 23 septembre 2015 et de la suppression, en conséquence, du droit de préemption prévu aux articles L. 215-1 et suivants du code de l'urbanisme dans la zone concernée.
15. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a, pour annuler la décision du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres du 28 septembre 2017, retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 215-1 du code de l'urbanisme, en l'absence de zone de préemption créée par le département de la Haute-Savoie.
16. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif de Grenoble que devant la cour.
Sur les autres moyens soulevés par l'association Foyer du Léman :
17. En premier lieu, aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques (...) ".
18. Il ressort des pièces du dossier que le service des domaines a, préalablement à la décision litigieuse, émis deux avis les 26 septembre 2016 et 24 janvier 2017, dont la régularité n'est pas contestée. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces avis, établis plus d'an avant la décision litigieuse, n'auraient pas été communiqués à son auteur avant qu'il ne la signe. Le moyen tiré du défaut de consultation préalable de ce service doit être écarté.
19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 215-14 du même code : " Toute aliénation mentionnée aux articles L. 215-9 à L. 215-13 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable adressée par le propriétaire au département dans lequel sont situés les biens qui en transmet copie au directeur départemental des finances publiques (...) ". La circonstance que la déclaration d'intention d'aliéner serait entachée de tels vices est, par elle-même, et hors le cas de fraude, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption prise à la suite de cette déclaration.
20. La réception d'une déclaration d'intention d'aliéner ouvre à l'autorité titulaire du droit de préemption la possibilité d'exercer légalement ce droit. Contrairement à ce que prétend l'association Foyer du Léman, la réalité de pressions exercées par le notaire mandaté par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres sur celui qui la représentait, afin que soit envoyée une déclaration d'intention d'aliéner postérieurement à l'expiration du délai d'efficacité stipulé dans la promesse unilatérale de vente, n'est nullement établie. Elle ne saurait par ailleurs utilement se prévaloir des irrégularités qui entacheraient cette déclaration, telles que son envoi au-delà dudit délai d'efficacité, sans son accord préalable et sans celui de la SAFER, dont elle est elle-même, directement ou par l'intermédiaire de son mandataire, à l'origine, pour imputer un comportement frauduleux au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres. Ainsi, et alors même que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres avait connaissance de l'expiration du délai d'efficacité stipulé dans la promesse unilatérale de vente, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse procèderait d'une fraude. Les moyens tirés de l'irrégularité de la déclaration d'intention d'aliéner s'avèrent dès lors inopérants et doivent être écartés.
21. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été indiqué aux points 4 à 13 que le moyen tiré du défaut de base légale de la préemption litigieuse en raison de l'abrogation de l'article L. 142-12 du code de l'urbanisme par l'ordonnance du 23 septembre 2015 doit être écarté.
22. En quatrième et dernier lieu, comme indiqué au point 14, une partie des parcelles concernées par la décision litigieuse est incluse dans le périmètre sensible délimité par arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 7 mars 1979, publié au journal officiel de la République française du 23 août 1979 et auquel était annexé un plan identifiant la zone concernée. Contrairement à ce que prétend l'association Foyer du Léman, une zone où s'appliquait le droit de préemption prévu par l'article L. 215-1 et suivants du code de l'urbanisme avait donc bien été instaurée.
23. Il résulte de ce qui précède que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 28 septembre 2017 préemptant sept parcelles sur le territoire de la commune de ....
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'association Foyer du Léman. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le paiement des frais exposés par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 janvier 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association Foyer du Léman devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, à l'association Foyer du Léman, à la commune de ... et à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) d'Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY00702