Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 par lequel la préfète de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2109113 et 2109145 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er avril 2022, Mme B..., représentée par Me Barioz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 mars 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Loire du 18 octobre 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler jusqu'au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de fait quant à ses conditions d'existence dès lors que les revenus tirés de l'activité de son époux permettent de subvenir aux besoins de la famille et qu'ils sont propriétaires de leur logement ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant des décisions fixant à trente jours le délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :
- elles sont illégales par exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2022, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête et déclare s'en rapporter à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 15 novembre 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,
- et les observations de Me Hmaida, substituant Me Barioz, représentant Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité arménienne, née à Erevan (URSS) le 18 septembre 1982, est entrée en France le 22 juillet 2012, munie d'un visa de type C valide du 21 juillet au 21 août 2012. En 2013, elle a fait l'objet d'une décision d'obligation de quitter le territoire français faisant suite au rejet de sa demande d'asile. Le 15 juillet 2014, elle a épousé M. B..., de même nationalité, avec lequel elle a eu deux enfants nés en 2018 et en 2020. En novembre 2014, sa première demande d'admission à titre exceptionnel au séjour a été rejetée, décision dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon en 2015. Par un arrêté notifié le 2 août 2016, elle a de nouveau fait l'objet d'une décision d'obligation de quitter le territoire français suite au rejet de sa demande d'asile, arrêté dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon en 2017. Le 1er août 2018, Mme C..., épouse B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en vue d'obtenir un premier titre de séjour portant soit la mention " salarié ", soit la mention " travailleur temporaire ", soit la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles L. 421-1, L. 421-3 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle a également, subsidiairement, demandé sa régularisation sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 octobre 2021, la préfète de la Loire a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
3. En premier lieu, pour apprécier, en application des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les liens dont Mme B... dispose en France au regard de ses conditions d'existence, la préfète de la Loire a retenu que celle-ci ne justifiait pas de la nature de ses revenus et que ses conditions d'existence étaient empreintes d'une grande précarité, motif dont la requérante conteste la matérialité. La circonstance que ni elle ni son époux ne seraient redevables sur leur patrimoine personnel des dettes fiscales de la SARL B..., dont M. B... est le gérant, est sans incidence dès lors qu'un tel motif ne figure pas au nombre de ceux retenus par la préfète dans la décision en cause. Par ailleurs, s'il ressort d'une attestation notariée produite en première instance que son époux et elle seraient propriétaires, depuis, le 4 janvier 2019, d'un bien immobilier acquis pour le prix de 68 000 euros, payé comptant, dont elle soutient qu'il s'agit de leur résidence principale, ce seul élément ne suffit pas à établir le montant et la stabilité des revenus du foyer qu'elle forme avec son mari, notamment au travers de l'activité de la SARL B..., Mme B... ne produisant pas plus en appel qu'en première instance de pièces sur ce point. Elle ne soutient, par ailleurs, pas disposer de revenus propres. Enfin, si elle produit en appel une nouvelle attestation de propriété, celle-ci se rapporte à un bâtiment à usage d'atelier et de bureau détenu par la SARL B..., et n'est ainsi pas davantage de nature à établir les revenus du couple. Il suit de là que la préfète de la Loire n'a pas commis d'erreur de fait en indiquant que Mme B... ne justifiait pas la nature de ses revenus et en a déduit que ses conditions d'existence étaient empreintes d'une grande précarité.
4. En deuxième lieu, s'il n'est pas contesté que la requérante était présente en France depuis huit années à la date de la décision, qu'elle dispose, avec son mari et ses deux enfants, nés en 2018 et 2020, d'un logement dont ils sont propriétaires, il est constant que le séjour de Mme B... a été en grande partie irrégulier et qu'elle s'est maintenue sur le territoire français malgré trois précédentes décisions d'éloignement. Son mari demeure par ailleurs de façon irrégulière sur le territoire français et, bien qu'y résidant depuis plus longtemps, ne peut justifier de liens plus intenses, étant notamment connu des services judiciaires et ayant été condamné à trois reprises, en dernier lieu en mars 2019 pour " vol avec violence ayant entrainé une incapacité totale de travail n'excédant pas 8 jours aggravé par une autre circonstance, en l'espèce, en réunion avec plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ", ainsi que cela ressort du bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Ainsi qu'il a été dit, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'activité entrepreneuriale de M. B... générerait des revenus leur permettant de disposer de conditions d'existence suffisantes et stables. Enfin, Mme B... n'est arrivée sur le territoire national qu'à l'âge de trente ans et a ainsi passé l'essentiel de son existence en Arménie et ses enfants âgés, à la date des décisions attaquées, de trois ans et un an, ont vocation à suivre leurs parents dans leur pays d'origine. Par suite, en refusant de l'admettre au séjour au titre des stipulations et dispositions précitées, la préfète de la Loire n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celle des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent ainsi être écartés.
5. En troisième lieu, à l'appui de ses conclusions, Mme B... soulève les mêmes moyens que ceux soulevés devant le tribunal administratif, tirés de ce que la décision de refus de séjour méconnaîtrait le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de ce qui a été dit ci-avant que le moyen tiré de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français du fait de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
7. En l'absence d'argumentation spécifique, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4 ci-dessus.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
8. Il résulte de ce qui a été dit ci-avant que le moyen tiré de ce que les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
9. En l'absence d'argumentation spécifique, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4 ci-dessus.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Camille Vinet, présidente de la formation de jugement,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2022.
La présidente-rapporteure,
C. Vinet
L'assesseur le plus ancien,
F. Bodin-HullinLa greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01065