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19/01/2023 | FRANCE | N°22LY00865

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 19 janvier 2023, 22LY00865


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision par laquelle la rectrice de l'académie de Dijon a décidé de proratiser, à compter du mois de septembre 2020, le montant de l'indemnité dite de " caisse et de responsabilité " qu'il perçoit en qualité d'agent comptable du lycée Gustave Eiffel de Dijon.

Par un jugement n° 2003293 du 24 février 2022, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés

les 24 mars et 24 juin 2022, M. B..., représenté par Me Werquin, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision par laquelle la rectrice de l'académie de Dijon a décidé de proratiser, à compter du mois de septembre 2020, le montant de l'indemnité dite de " caisse et de responsabilité " qu'il perçoit en qualité d'agent comptable du lycée Gustave Eiffel de Dijon.

Par un jugement n° 2003293 du 24 février 2022, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 mars et 24 juin 2022, M. B..., représenté par Me Werquin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision de la rectrice de l'académie de Dijon ;

3°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Dijon de lui verser, rétroactivement depuis le mois de septembre 2020, l'indemnité dite de " caisse et de responsabilité " sur la base d'un taux plein ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée a procédé au retrait d'une décision matérialisée par le versement mensuel de son traitement de maintenir à son profit le versement de l'indemnité dite de " caisse et de responsabilité " à taux plein ; elle n'est pas opposable, ne lui ayant pas été notifiée, au même titre que d'autres documents ;

- le tribunal a rendu une décision manquant de base légale ;

- la décision contestée n'a pas été précédée d'une information, dûment notifiée, sur les conditions de proratisation de l'indemnité dite de " caisse et de responsabilité " ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions des articles 6 à 9 du décret n° 72-887 du 28 septembre 1972, 18 à 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, de l'arrêté ministériel du 10 mars 2009, de l'arrêté rectoral du 22 septembre 2020, ainsi que de l'article 60 de la loi de finances du 23 février 1963, et du courrier de saisine 20-0951 de la direction générale des finances publiques.

Par un mémoire enregistré le 14 juin 2022, le recteur de l'académie de Dijon conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il était fondé, au regard des dispositions des articles 6 de l'ordonnance n° 82-296 du 31 mars 1982 et 9 du décret n° 72-887 du 28 septembre 1972, à proratiser l'indemnité dite de " caisse et de responsabilité " servie à M. B... ;

- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- l'ordonnance n° 82-296 du 31 mars 1982 ;

- le décret n° 72-887 du 28 septembre 1972 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui est titulaire du grade d'attaché d'administration de l'État hors classe, exerce des fonctions d'adjoint gestionnaire du lycée Gustave Eiffel de Dijon et, parallèlement, d'agent comptable de ce lycée et de six autres établissements. En cette qualité d'agent comptable, une indemnité dite " de caisse et de responsabilité " lui est servie. Sur sa demande, l'intéressé a été autorisé à travailler à temps partiel, à hauteur de 90 % depuis le 1er septembre 2020. Par un message du 6 octobre 2020, confirmé le 5 novembre suivant, il a été informé que la rectrice de l'académie de Dijon avait décidé de proratiser le montant de son indemnité dite " de caisse et de responsabilité " à compter du 1er septembre 2020, à hauteur de sa quotité de travail effective. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 31 mars 1982 relative à l'exercice de fonctions à temps partiel par les fonctionnaires et les agents des collectivités locales et de leurs établissements publics à caractère administratif, dans leur rédaction applicable : " (...). / Les fonctionnaires autorisés à travailler à temps partiel perçoivent une fraction du traitement, de l'indemnité de résidence et des primes et indemnités de toutes natures afférentes soit au grade de l'agent et à l'échelon auquel il est parvenu, soit à l'emploi auquel il a été nommé. Par dérogation aux dispositions de l'article 4 de la loi de finances du 29 juillet 1961 susvisée, cette fraction est égale au rapport entre la durée hebdomadaire du service effectué et la durée résultant des obligations hebdomadaires de service réglementairement fixées pour les agents de même grade exerçant à temps plein les mêmes fonctions dans l'administration ou le service concerné. / Toutefois, dans le cas de services représentant 80 ou 90 p. 100 du temps plein, cette fraction est égale respectivement aux 6/7 ou aux 32/35 du traitement, des primes et indemnités mentionnés à l'alinéa précédent. / Les fonctionnaires autorisés à travailler à temps partiel perçoivent au taux plein la prime de transport et les indemnités pour frais de déplacement. Le supplément familial de traitement ne peut être inférieur au montant minimum versé aux fonctionnaires travaillant à temps plein ayant le même nombre d'enfants à charge. " Aux termes de l'article 6 du décret du 28 septembre 1972 fixant le régime des indemnités allouées aux agents comptables et gestionnaires des établissements d'enseignement : " Indépendamment de l'indemnité de gestion prévue aux articles qui précèdent, il est alloué aux agents comptables qui exercent leurs fonctions dans les établissements d'enseignement une indemnité de caisse et de responsabilité, non soumise à retenue pour pensions civiles. " Aux termes de l'article 7 de ce décret : " Le ministre chargé de l'éducation nationale détermine, pour chaque agent comptable, le montant annuel de l'indemnité prévue à l'article 6 ci-dessus, dans la limite de taux annuels maximaux fixés par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'éducation nationale, de la fonction publique et du budget, compte tenu du nombre d'établissements d'enseignement regroupés au sein de l'agence comptable dans laquelle il exerce ses fonctions et du chiffre total des recettes budgétaires réellement effectuées par ces établissements pendant l'exercice précédent, déduction faite des subventions versées par l'État pour couvrir les dépenses de personnel. / (...). " Aux termes de l'article 9 du même décret : " Le montant annuel des indemnités prévues au présent texte varie uniquement en fonction des critères qu'il définit sans qu'il soit tenu compte, notamment, ni de l'ancienneté de service des bénéficiaires, ni, en cas de modification dans l'importance des tâches qui leur sont confiées, des taux des indemnités auxquelles ils pouvaient antérieurement prétendre. / L'attribution de ces indemnités est liée à l'exercice effectif des fonctions y ouvrant droit. "

3. D'autre part, aux termes l'article R. 421-13 du code de l'éducation, concernant les missions d'adjoint gestionnaire au chef d'un établissement public local d'enseignement : " (...) / II. - Dans ses fonctions de gestion matérielle, financière et administrative, le chef d'établissement est secondé par un adjoint gestionnaire, membre de l'équipe de direction, nommé par le ministre chargé de l'éducation ou l'autorité académique habilitée à cet effet, parmi les personnels de l'administration scolaire et universitaire. L'adjoint gestionnaire est chargé, sous l'autorité du chef d'établissement et dans son champ de compétence, des relations avec les collectivités territoriales et il organise le travail des personnels administratifs et techniques affectés ou mis à disposition de l'établissement. / (...). " Aux termes de l'article R. 421-57 du même code, relatif au régime financier des établissements public locaux d'enseignement : " Sous réserve des dispositions des articles R. 421-58 à R. 421-78, les collèges, les lycées (...) sont soumis au régime financier résultant des dispositions de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 et du titre Ier du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. " Aux termes de l'article R. 421-65 de ce code : " Les agents comptables sont nommés, après information préalable de la collectivité territoriale de rattachement, par le ministre chargé de l'éducation parmi les personnels de l'administration scolaire et universitaire, conformément aux dispositions de l'article 14 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. " Aux termes de l'article 14 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les comptables publics assument la direction des postes comptables. Un même poste comptable est confié à un seul comptable public. / Le comptable assignataire est le comptable public habilité à prendre en charge les ordres de payer, les dépenses sans ordonnancement, les ordres de recouvrer ainsi que les opérations de trésorerie émanant de l'ordonnateur accrédité (...). (...) A l'occasion de leur première installation, les comptables publics prêtent serment, selon les cas, devant la juridiction financière ou l'autorité compétente désignée par la loi ou le règlement. / La publication de l'acte de nomination d'un comptable public emporte accréditation de ce dernier auprès d'un ou de plusieurs ordonnateurs. " Aux termes de l'article R. 421-64 du code de l'éducation, relatif aux missions de l'agent comptable d'un établissement public local d'enseignement : " L'agent comptable tient la comptabilité générale dans les conditions définies par le plan comptable applicable à l'établissement, approuvé par les ministres chargés du budget et de l'éducation nationale après avis du conseil de normalisation des comptes publics. / Lorsque l'agent comptable ne peut tenir lui-même la comptabilité matière, il en exerce le contrôle. Les instructions données à ce sujet au préposé doivent avoir recueilli l'accord de l'agent comptable, qui demande qu'il soit procédé à l'inventaire annuel des stocks. / En cas de perte, de destruction ou vol des justifications remises à l'agent comptable, le chef d'établissement pourvoit à leur remplacement en établissant un certificat visé par le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques territorialement compétent. " Les dispositions des articles R. 421-67 et suivants précisent ces missions en matière de recouvrement des créances, de paiement des dépenses, et d'élaboration du compte financier de l'établissement à la fin de chaque exercice écoulé.

4. Il résulte des dispositions précitées du code de l'éducation que les fonctions et missions d'adjoint gestionnaire au chef d'un établissement public local d'enseignement sont distinctes de celles d'agent comptable d'un tel établissement, qui, en vertu notamment du décret du 7 novembre 2012, assume seul la direction du poste comptable lui étant exclusivement confié. Il résulte également des dispositions précitées du décret du 28 septembre 1972 que le montant annuel de l'indemnité dite de " caisse et de responsabilités " allouée aux agents comptables qui exercent leurs fonctions dans un établissement public local d'enseignement ou une agence comptable regroupant plusieurs de ces établissements, dont l'attribution est liée à l'exercice effectif des fonctions y ouvrant droit, est seulement déterminé pour chaque agent, dans la limite de taux annuels maximaux fixés par arrêté conjoint, compte tenu du nombre d'établissements d'enseignement regroupés au sein de l'agence comptable en cause et du chiffre total des recettes budgétaires réellement effectuées par ces établissements pendant l'exercice précédent, déduction faite des subventions versées par l'État pour couvrir les dépenses de personnel, à l'exclusion d'autre critères.

5. Si M. B... exerce à titre principal des fonctions d'adjoint gestionnaire du lycée Gustave Eiffel de Dijon, il assure également et de manière distincte, des fonctions d'agent comptable de ce lycée et de six autres établissements. L'indemnité dite de " caisse et de responsabilités " dont il bénéficie lui est servie exclusivement pour ses fonctions d'agent comptable. Si, par un arrêté du 9 juin 2020, l'intéressé a été autorisé à travailler à temps partiel, à hauteur de 90 % à compter du 1er septembre 2020, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette réduction de son temps de travail, qui concerne ses fonctions d'adjoint gestionnaire, a pu également l'affecter en sa qualité d'agent comptable. Sur ce dernier point, il est seul responsable de la direction du poste comptable dont il a exclusivement la charge, exerçant effectivement et à plein temps les missions lui incombant à ce titre. Rien ne justifiait donc que l'indemnité dite de " caisse et de responsabilités " que M. B... perçoit pour l'exercice de ses fonctions comptables soit aussi soumise à proratisation, au même titre que le traitement qui lui est versé comme adjoint gestionnaire. Par suite, il est fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'illégalité.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 octobre 2020, confirmée le 5 novembre 2020, par laquelle la rectrice de l'académie de Dijon a décidé de proratiser, à compter du mois de septembre 2020, le montant de l'indemnité dite de " caisse et de responsabilité " qu'il percevait en qualité d'agent comptable du lycée Gustave Eiffel de Dijon.

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "

8. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique nécessairement, en application des dispositions précitées, que le recteur de l'académie de Dijon verse à M. B..., rétroactivement depuis le mois de septembre 2020 et pour toute la période durant laquelle il a été autorisé à exercer ses fonctions d'adjoint gestionnaire à temps partiel, le montant de l''indemnité dite de " caisse et de responsabilité " devant lui être servie en qualité d'agent comptable, sans qu'elle soit proratisée, et donc correspondant au poste comptable dont il a la responsabilité. Il y a lieu pour la cour d'enjoindre à cette autorité de prendre cette mesure dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme que demande M. B... au titre des frais du litige. Ces conclusions doivent donc être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 février 2022 du tribunal administratif de Dijon et la décision du 6 octobre 2020 du recteur de l'académie de Dijon, confirmée le 5 novembre 2020, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Dijon de procéder à l'exécution du présent arrêt dans les conditions prévues au point 8 ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Dijon.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président-assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V.-M. Picard La greffière,

A. le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00865

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00865
Date de la décision : 19/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Comptabilité publique et budget - Régime juridique des ordonnateurs et des comptables.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : TUDELA ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-01-19;22ly00865 ?
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