Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon :
- d'une part, d'annuler l'arrêté du 7 juin 2021 par lequel le préfet de la Nièvre a refusé de lui accorder un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Nièvre de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 2101863 du 24 novembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2021, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2101863 du tribunal administratif de Dijon du 24 novembre 2021 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Nièvre de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 423-22 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de son identité ; il méconnaît également les articles L. 423-23 et L. 435-1 du même code et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire, enregistré le 15 février 2022, le préfet de la Nièvre conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une décision du 3 août 2022 le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel) a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité malienne, qui déclare être né le 8 août 2001 à Kayes (Mali) et être entré irrégulièrement en France en avril 2018, a été confié à compter du mois de mai 2018 au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Nièvre. Le préfet de la Nièvre a, par un arrêté du 7 juin 2021, refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
3. En l'espèce, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. B... présentée sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de la Nièvre a retenu un motif tiré du caractère frauduleux des documents d'état civil présentés, pour en tirer la conclusion que, l'intéressé n'établissant pas son identité et son état civil, il ne pouvait être tenu pour établi qu'il était dans l'année suivant son dix-huitième anniversaire.
4. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " la vérification des actes d'état civil étrangers est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". En vertu de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 susvisé relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet (...) ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.
6. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que, comme l'ont relevé les premiers juges, alors que M. B... avait produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, une carte consulaire et un extrait d'acte de naissance délivrés en 2019 puis un nouvel extrait d'acte de naissance datant de 2021, le préfet de la Nièvre, pour remettre en cause la force probante de ces documents, s'est fondé sur deux rapports d'analyse documentaire des services de la police aux frontières, en date des 19 août 2019 et 7 avril 2021, concluant à leur contrefaçon. Et il ressort de ces rapports, rédigés par un analyste dont la qualification pour opérer de tels constats résulte de son affectation dans un service spécialisé à raison d'une formation à cette fin et de son agrément par le bureau de la fraude documentaire, que les extraits d'acte de naissance, imprimés sur un support non sécurisé, comportent plusieurs irrégularités liées notamment à des fautes d'orthographe ou de présentation, que le numéro d'identification nationale est absent sur l'ensemble des documents et que les tampons comportent des erreurs grossières. Si M. B... a produit une carte consulaire établie le 19 avril 2019, laquelle au demeurant est dépourvue de toute force probante pour l'application de l'article 47 du code civil dès lors qu'elle ne constitue pas un acte d'état civil, elle a été délivrée, ainsi qu'elle le mentionne, au vu de l'extrait d'acte de naissance falsifié mentionné ci-dessus et ne peut donc être tenue pour probante. Dans ces conditions le préfet a pu en déduire que les documents d'état civil produits à l'appui de la demande de titre de séjour étaient entachés de fraude et ne pouvaient par suite être regardés comme faisant foi. Dès lors, le préfet de la Nièvre pouvait, nonobstant le sérieux de la formation suivie par le requérant, légalement se fonder sur ce seul motif pour rejeter la demande de l'intéressé.
7. En second lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de la méconnaissance des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y lieu, pour la cour, d'adopter. Il doit en être de même du moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, eu égard à ce qui précède, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour.
9. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les motifs exposés au point 7.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY04317
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