La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/01/2023 | FRANCE | N°21LY02562

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 11 janvier 2023, 21LY02562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2020 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2003224 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête

, enregistrée le 26 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Grenier, demande à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2020 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2003224 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Grenier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 8 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'elle indique à tort que son employeur s'est rétracté de sa promesse d'embauche ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

-les décisions lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire, qui n'a pas produit de mémoire.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante tunisienne née le 27 août 1981, relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2020 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Sur la légalité de l'arrêté du 23 octobre 2020 :

En ce qui concerne le refus d'admettre Mme B... au séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui n'avait pas à répondre exhaustivement à chacun des éléments de situation invoqués par Mme B... à l'appui de sa demande, ni à comprendre une motivation spécifique au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel n'est pas applicable au ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une activité salariée, indique les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, dès lors, régulièrement motivé.

3. En deuxième lieu, Mme B... soutient que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il indique, à tort selon la requérante, que son employeur se serait rétracté de sa promesse d'embauche, mais l'aurait seulement conditionnée à la régularisation de sa situation. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, son employeur potentiel a refusé de produire les documents sollicités par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) pour l'instruction de sa demande d'autorisation de travail, de sorte que Mme B... ne remplit pas les conditions de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en l'absence de contrat de travail visé par les autorités compétentes.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7°A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressée, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est née et a vécu jusqu'à l'âge de cinq ans en France, avant de repartir en Tunisie. Elle s'est mariée avec un ressortissant tunisien, avec lequel elle a eu trois enfants en 2009, 2013 et 2018, et dont elle indique être désormais séparée. Elle est entrée de nouveau en France en juillet 2019, et s'y est maintenue à l'expiration de la durée de validité de son visa. Elle fait valoir que son père, naturalisé français le 10 mai 2007, souffre d'une grave maladie cardiaque, et que sa mère, titulaire d'une carte de résident, ne peut s'en occuper compte tenu de son état de santé également fragile. Toutefois, la requérante ne démontre pas que l'état de santé de son père exige une assistance qu'elle serait seule à même de lui procurer. Elle peut poursuivre sa vie privée et familiale de manière autonome en Tunisie où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans et où ses enfants pourront poursuivre leur scolarité. La réalité des menaces qu'elle prétend encourir de la part de son mari, alors qu'elle entend engager une procédure de divorce, n'est pas démontrée. Dans ces circonstances, compte tenu de la durée et de ses conditions de séjour en France, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de Saône-et-Loire a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les dispositions et stipulations précitées.

6. En quatrième lieu, compte tenu de ce qui a été indiqué au point précédent, Mme B... ne se prévaut manifestement d'aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, la circonstance que l'intéressée bénéficie d'une promesse d'embauche sous réserve de la régularisation de sa situation administrative ne suffit pas pour établir que le préfet de Saône-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation exceptionnelle au vu de sa situation professionnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et à soutenir, en l'absence de circonstance particulière faisant obstacle à son éloignement du territoire français, que l'obligation de quitter le territoire français violerait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que ces décisions devraient être annulées en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

10. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2023.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02562
Date de la décision : 11/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-01-11;21ly02562 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award