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10/01/2023 | FRANCE | N°20LY03708

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 10 janvier 2023, 20LY03708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... E... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 2 juillet 2019 par lesquelles la préfète de la Nièvre a refusé de délivrer une carte nationale d'identité et un passeport à son fils mineur, B... D..., et l'a informée qu'elle allait procéder à un signalement au procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale et l'inscrire au fichier des personnes recherchées en application de l'article 2 du décret n° 2010-569 du 28 mai 20

10.

Par jugement n° 1902547 du 7 juillet 2020, le tribunal a rejeté sa demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... E... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 2 juillet 2019 par lesquelles la préfète de la Nièvre a refusé de délivrer une carte nationale d'identité et un passeport à son fils mineur, B... D..., et l'a informée qu'elle allait procéder à un signalement au procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale et l'inscrire au fichier des personnes recherchées en application de l'article 2 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010.

Par jugement n° 1902547 du 7 juillet 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 décembre 2020, Mme E... A..., représentée par Me Si Hassen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du 2 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de son conseil la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le motif de la décision de refus de délivrance de titres d'identité est entaché d'erreur matérielle en ce qu'il repose sur une date erronée de conception de l'enfant révélant la fraude ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit quant à la fraude et méconnaît les dispositions des décrets du 22 octobre 1955 et du 30 décembre 2005 définissant les conditions de délivrance des documents d'état civil ;

- le signalement au procureur de la République et l'inscription au fichier des personnes recherchées doivent être annulés par voie de conséquence, dès lors que sa déclaration ne pouvait pas être regardée comme frauduleuse.

Par mémoire enregistré le 19 juillet 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 25 novembre 2020, Mme E... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 ;

- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente,

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A..., ressortissante angolaise, a présenté, le 30 janvier 2019, une demande de délivrance d'une carte nationale d'identité et d'un passeport pour son fils mineur, B... D..., né en France en 2017, de nationalité française du fait de la reconnaissance de paternité effectuée par anticipation, le 7 juin 2017, par un ressortissant français. Par décisions du 2 juillet 2019, la préfète de la Nièvre a rejeté cette demande comme reposant sur une reconnaissance frauduleuse faisant obstacle à ce que l'enfant soit regardé comme français et a décidé d'en aviser le procureur de la République et d'inscrire l'intéressée au fichier des personnes recherchées. Par jugement du 7 juillet 2020, dont Mme E... A... relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur l'avis donné au procureur de la République :

2. Les conclusions de la demande de Mme E... A... dirigées contre l'avis donné par la préfète de la Nièvre au procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale ont été rejetées par les premiers juges comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, au motif que cet avis n'était pas dissociable de l'appréciation que peut porter l'autorité judiciaire sur l'éventuel acte de poursuite ultérieur. Dès lors que la requérante ne critique pas le motif d'incompétence que lui a opposé à bon droit le tribunal, ces conclusions, reprises en appel, ne peuvent qu'être rejetées pour le même motif.

Sur le refus de délivrance des titres d'identité française :

3. Aux termes de l'article 2 du décret du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité : " La carte nationale d'identité est délivrée sans condition d'âge à tout Français qui en fait la demande (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 30 décembre 2005 relatif aux passeports électroniques : " Le passeport électronique est délivré, sans condition d'âge, à tout Français qui en fait la demande (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives compétentes de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de carte nationale d'identité ou de passeport sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Seul un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance ou de renouvellement de passeport.

4. Pour justifier le refus de délivrance des titres d'identité sollicités par Mme E... A... pour son fils B..., la préfète de la Nièvre s'est fondée sur le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de l'enfant, en relevant, après avoir renoncé à se prévaloir de ce que l'enfant avait été conçu avant que sa mère n'entre en France, d'une part, que l'auteur de cette reconnaissance de paternité était marié et domicilié à Achères (Yvelines) et qu'il ne s'était pas présenté aux différentes convocations que lui a adressées le référent fraude départemental des Yvelines, d'autre part, qu'il n'a jamais contribué aux besoins matériels, affectifs et éducatifs de l'enfant, enfin, qu'interrogée par le référent fraude départemental de la Nièvre, Mme E... A... n'avait pas été en mesure d'apporter d'éléments précis sur sa rencontre avec le père déclaré de son enfant ni sur leur vie commune. Ces éléments ne sont toutefois pas à eux seuls de nature à faire naître un doute suffisant sur la nationalité française du fils de la requérante, justifiant le refus de délivrance des titres d'identité sollicités.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de Mme E... A... tendant à l'annulation de la décision du 2 juillet 2019 par laquelle la préfète de la Nièvre a refusé de délivrer des titres d'identité à son fils mineur, B... D....

Sur l'inscription au fichier des personnes recherchées :

6. Il y a lieu, par voie de conséquence de l'annulation du refus de délivrance des titres d'identité, d'annuler la décision par laquelle Mme E... A... a été inscrite au fichier des personnes recherchées.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Si Hassen avocat de Mme E... A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Si Hassen de la somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de Mme E... A... tendant à l'annulation de la décision du 2 juillet 2019 par laquelle la préfète de la Nièvre l'a informée de ce qu'elle allait procéder à un signalement au procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Le jugement n° 1902547 du tribunal administratif de Dijon du 7 juillet 2020 et les décisions du 2 juillet 2019 par lesquelles la préfète de la Nièvre a refusé de délivrer des titres d'identité à B... D... et a inscrit Mme E... A... au fichier des personnes recherchées sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à Me Si Hassen une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Si Hassen renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Nièvre.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.

La présidente-rapporteure,

A. EvrardL'assesseure la plus ancienne,

A. Duguit-Larcher

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 20LY03708


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03708
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-04 Droits civils et individuels. - État des personnes. - Questions diverses relatives à l`état des personnes.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SI HASSEN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-01-10;20ly03708 ?
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