Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA AXA France IARD a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de La Bénisson-Dieu (Loire) à lui verser la somme de 446 904,81 euros, en réparation du préjudice causé par l'effondrement d'un immeuble appartenant à l'un de ses assurés.
Par un jugement n° 2000641 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 mai 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 16 février 2022, la SA AXA France IARD, représentée par la SELARL Quadrance, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000641 du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à rendre du tribunal judiciaire de Roanne ;
3°) de condamner la commune de La Bénisson-Dieu à lui verser la somme de 446 904,81 euros ;
4°) de mettre à la charge de la commune de La Bénisson-Dieu une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
* sa demande était recevable contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dès lors qu'elle a fait l'objet de condamnations par le juge judiciaire et qu'elle a réglé les sommes et justifie ainsi d'un intérêt à agir ;
* c'est à tort que le tribunal n'a pas statué sur la charge définitive des frais de l'expertise ordonnée en référé et ne l'a pas mise à la charge de la commune ;
* la commune a commis une faute dans le classement retenu au plan local d'urbanisme (PLU) pour le terrain d'assiette en zone UCp3 ;
* la commune a également commis une faute en délivrant un permis de construire en dépit des risques au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
* les constructeurs n'ont commis aucune faute exonératoire ;
* elle a qualité pour agir au titre de la subrogation prévue par l'article L. 121-12 du code des assurances ;
* si son action subrogatoire était irrecevable, elle aurait qualité pour former une action récursoire ;
* le préjudice subi est égal au montant de la condamnation prononcée par le juge judiciaire, éventuellement à parfaire compte tenu de la procédure encore en cours ;
* la poursuite d'une procédure judiciaire devant le juge judiciaire justifie qu'il soit sursis à statuer.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 février 2022, la commune de La Bénisson-Dieu, représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe Petit et Associés, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
* la demande était irrecevable pour défaut d'intérêt à agir en l'absence de paiement susceptible de donner lieu à subrogation ;
* il n'y a pas davantage d'intérêt à agir à titre récursoire en l'absence de préjudice propre ;
* le paiement du montant demandé n'est toujours pas établi ;
* la somme à laquelle elle a été condamnée est fondée sur un motif sans lien avec la commune ;
* la commune n'a en tout état de cause pas commis les fautes alléguées, dès lors que le risque n'était pas connu dans toute son ampleur.
Par ordonnance du 24 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2022 à 16h30. Par ordonnance du 23 février 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 24 mars 2022 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
* le code des assurances ;
* le code général des collectivités territoriales ;
* le code de l'urbanisme ;
* le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
* le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,
* les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
* et les observations de Me Pinto, représentant la société AXA France IARD et celles de Me Roux, représentant la commune de la Bénisson-Dieu.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que la compagnie d'assurance AXA France IARD était l'assureur de la société Le Foyer roannais, qui exerce l'activité de constructeur de maisons individuelles. Une maison a été construite sur le territoire de la commune de La Bénisson-Dieu, par la société Le Foyer roannais, et achevée en 2004. Après sa cession en 2008, des désordres ont été constatés et se sont aggravés. Par assignation du 8 janvier 2019, les nouveaux propriétaires ont saisi le tribunal de grande instance de Roanne, devenu le tribunal judiciaire de Roanne, d'une action dirigée directement contre AXA France IARD, prise en tant qu'assureur du Foyer roannais. Cette action se fonde sur la faute du constructeur pour ne pas avoir réalisé d'étude de sol préalable. La somme totale demandée s'élève à 420 052,01 euros.
2. Par ailleurs, par ordonnance n° 1400028 du 1er septembre 2014, modifiée par ordonnance n° 1409456 du 13 janvier 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, saisi par la compagnie AXA assurance IARD puis par les propriétaires du terrain d'assiette, a ordonné une expertise sur le désordre précité. Par ordonnance n° 1400028-1409456 du 17 novembre 2016, le président du tribunal a taxé et liquidé les frais et débours de l'expert à hauteur de la somme de 26 852,80 euros, qu'il a mise à la charge provisoire de la compagnie AXA France IARD.
3. La compagnie AXA France IARD a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de La Bénisson-Dieu à lui verser la somme totale de 446 904,81 euros, correspondant à l'addition des deux montants précités. Par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté cette demande.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 124-3 du code des assurances : " Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 121-12 du même code : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ".
5. En premier lieu, le tribunal a rejeté l'action subrogatoire de la compagnie AXA France IARD, au motif que le paiement de la somme demandée n'était pas établi, ce qui fait obstacle à toute subrogation. Si la société requérante fait valoir qu'elle a réglé une somme de 26 000 euros par chèque daté du 13 avril 2021, puis une somme de 130 622,45 euros par chèque daté du 8 décembre 2021, ces chèques, qui ne correspondent au demeurant qu'à un paiement partiel de la somme invoquée, sont en tout état de cause postérieurs au jugement attaqué et à la clôture d'instruction qui a précédé ce jugement. C'est dans ces conditions à bon droit que le tribunal, qui n'était pas tenu de surseoir à statuer dans l'attente d'un éventuel paiement, a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées à titre subrogatoire, en l'absence de qualité de la société pour faire valoir devant lui une subrogation qui ne peut être antérieure au paiement.
6. En second lieu, si la société entend faire valoir, subsidiairement, qu'elle aurait eu qualité pour demander le même montant dans le cadre d'une action récursoire, en raison d'un préjudice qui lui serait propre, il résulte toutefois de ce qui a été dit qu'elle ne fait valoir que l'obligation éventuelle d'avoir à payer une somme dans le cadre d'une action directe au sens des dispositions précitées de l'article L. 124-3, cette action étant dirigée contre elle en sa qualité d'assureur d'un responsable. Son action présente, ainsi, un caractère nécessairement subrogatoire, alors même qu'elle est prématurée, et c'est dès lors à bon droit que le tribunal l'a écartée comme irrecevable en l'absence de paiement.
Sur les frais d'expertise ;
7. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". Les dispositions de l'article R. 621-13 du même code fixent les modalités selon lesquelles est préalablement fixée la charge provisoire des dépens résultant d'une expertise ordonnée en référé, avant que leur charge définitive ne soit le cas échéant réglée par une formation de jugement, lorsque les frais d'expertise sont compris dans les dépens d'une instance principale.
8. S'il est vrai qu'il appartient au juge, saisi du fond d'un litige, de fixer la charge définitive des dépens de ce litige, toutefois, en l'espèce, le tribunal a opposé une irrecevabilité préalable, tenant au fait que la demande au fond dont il était saisi est prématurée, dès lors que l'assureur requérant n'a pas procédé à un paiement avant la clôture de l'instruction de première instance. Cette irrecevabilité, qui écarte toute qualité de l'assureur à faire valoir les droits et actions de son assuré, de telle sorte qu'il était encore à ce stade tiers au litige, ne règle dès lors pas définitivement ce litige, dès lors que, si l'assureur procède ultérieurement au paiement, il pourra être recevable à saisir à nouveau le tribunal au titre de son action subrogatoire. Dans ces conditions, compte tenu de l'exception préalable d'irrecevabilité retenue par le tribunal, qui ne l'a pas conduit à trancher définitivement le litige principal, dès lors qu'il n'était pas saisi par un requérant ayant qualité pour le faire, la question de la charge définitive des dépens était également prématurée. Le présent arrêt ne se prononçant pas davantage sur le fond du litige, la question de la charge définitive des dépens demeure en conséquence réservée.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la compagnie Axa France IARD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
10. Les conclusions de la compagnie AXA France IARD fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, dès lors qu'elle est partie perdante dans la présente instance.
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société AXA France IARD la somme de 1 500 euros, à verser à la commune de La Bénisson-Dieu sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société AXA France IARD est rejetée.
Article 2 : La somme de 1 500 euros, à verser à la commune de La Bénisson-Dieu, est mise à la charge de la société AXA France IARD sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société AXA France IARD et à la commune de La Bénisson-Dieu.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Bentéjac, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2023.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne à la préfète de la Loire, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01553