Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société par actions simplifiée (SAS) Axe Froid a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la restitution partielle du montant de la taxe d'apprentissage dont elle s'est acquittée au titre de l'année 2019 à concurrence de 1 293,59 euros et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2001706 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 mai 2021, la SAS Axe Froid, représentée par Me Stierlen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la restitution partielle, à hauteur d'une somme de 1 293,59 euros, de la taxe d'apprentissage dont elle s'est acquittée au titre de l'année 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas contesté qu'elle s'est acquittée en 2019 d'une taxe d'apprentissage assise sur les salaires versés en 2018 excédant d'un montant de 1 293,59 euros la somme dont elle était réellement redevable, en raison d'une erreur commise dans sa déclaration ;
- la taxe d'apprentissage présente une nature fiscale, et bien qu'elle soit collectée par un organisme agréé, elle reste établie ou recouvrée par l'administration ; les réclamations la concernant étant présentées, instruites et jugées comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, et l'organisme collecteur agréé auquel elle a versé la taxe ayant cessé d'exister au 31 décembre 2019, elle pouvait valablement présenter sa réclamation au service des impôts des entreprises, qui conserve sa compétence, laquelle n'est pas limitée aux insuffisances de versement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Axe Froid ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ;
- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Axe Froid, qui exerce une activité de transport de marchandises, a effectué en 2019 auprès d'un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) un versement de 42 558 euros correspondant à la taxe d'apprentissage due pour l'année 2019, assise sur les salaires versés en 2018. Estimant ultérieurement avoir commis une erreur dans la déclaration du montant de sa masse salariale, et donc dans le calcul de la taxe d'apprentissage due au titre des salaires versés, elle a saisi en décembre 2019 le service des impôts des entreprises de Bourg-en-Bresse d'une réclamation tendant à la restitution d'une somme de 1 293,59 euros, qui a été rejetée par décision du 26 décembre 2019, au motif que ce service n'était pas compétent pour instruire une réclamation portant sur des sommes qu'il n'avait pas encaissées. La SAS Axe Froid relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la restitution de la somme en litige.
2. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article 1599 ter A du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " 1. Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage, dont le produit favorise l'égal accès à l'apprentissage sur le territoire national et contribue au financement d'actions visant au développement de l'apprentissage dans les conditions prévues à l'article L. 6241-2 du code du travail (...) ". Le A du III de l'article 37 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel dispose que : " La collecte des contributions dues au titre des rémunérations versées en 2018 est assurée : / 1° Par les organismes mentionnés aux articles L. 6242-1 et L. 6242-2 du code du travail dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2018, pour les contributions mentionnées à l'article L. 6241-1 du même code (...). / Ces contributions sont collectées, contrôlées, gérées et affectées selon les dispositions légales, réglementaires et conventionnelles applicables au titre de l'année 2018 ". Selon l'article L. 6241-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2018 : " I.- Une première fraction du produit de la taxe d'apprentissage mentionnée à l'article 1599 ter A du code général des impôts, dénommée : "fraction régionale pour l'apprentissage", est versée au Trésor public avant le 30 avril de l'année concernée, par l'intermédiaire des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage mentionnés au chapitre II du présent titre IV. Le montant de cette fraction est égal à 51 % du produit de la taxe due. / Cette fraction est reversée aux régions, à la collectivité territoriale de Corse et au Département de Mayotte pour le financement du développement de l'apprentissage, selon les modalités définies au présent I (...). / II.- Une deuxième fraction du produit de la taxe d'apprentissage, dénommée : "quota", dont le montant est égal à 26 % du produit de la taxe due, est attribuée aux personnes morales gestionnaires des centres de formation d'apprentis et des sections d'apprentissage au titre de ces centres et sections. / Après versement au Trésor public de la fraction régionale pour l'apprentissage prévue au I du présent article, l'employeur peut se libérer du versement de la fraction prévue au présent II en apportant des concours financiers dans les conditions prévues aux articles L. 6241-4 à L. 6241-6 du présent code (...). / III.- Le solde, soit 23 % du produit de la taxe d'apprentissage due, est destiné à des dépenses libératoires effectuées par l'employeur en application de l'article L. 6241-8. Ces dépenses sont réalisées par l'intermédiaire des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage mentionnés au chapitre II du présent titre IV, après versement des fractions prévues aux I et II du présent article ". Aux termes de l'article L. 6242-3-1 du même code : " L'entreprise verse à un organisme collecteur unique de son choix, parmi ceux mentionnés aux articles L. 6242-1 et L. 6242-2 du présent code, la totalité de la taxe d'apprentissage (...) dont elle est redevable (...) ". Selon le I de l'article L. 6242-1 du même code : " Les organismes mentionnés à l'article L. 6332-1 peuvent être habilités par l'Etat à collecter, sur le territoire national et dans leur champ de compétence professionnelle ou interprofessionnelle, les versements des entreprises donnant lieu à exonération de la taxe d'apprentissage et à les reverser aux établissements autorisés à les recevoir. / Ils répartissent les fonds collectés non affectés par les entreprises en application de l'article L. 6241-2 et selon des modalités fixées par décret ". Aux termes de l'article 1599 ter I du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2018 : " A défaut de versement ou en cas de versement insuffisant de la taxe d'apprentissage aux organismes collecteurs habilités en application des articles L. 6242-1 et L. 6242-2 du code du travail avant le 1er mars de l'année suivant celle du versement des salaires, le montant de la taxe, acquitté selon les modalités définies au III de l'article 1678 quinquies, est majoré de l'insuffisance constatée ". Selon le III de l'article 1678 quinquies du code général des impôts : " Le versement de la taxe d'apprentissage prévu à l'article 1599 ter I est effectué auprès du comptable public compétent, accompagné du bordereau établi selon un modèle fixé par l'administration, et déposé au plus tard le 30 avril de l'année qui suit celle du versement des rémunérations ". L'article 1599 ter M, dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2018, dispose que : " Les réclamations concernant la taxe d'apprentissage sont présentées, instruites et jugées comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ".
3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire ".
4. Il résulte de l'instruction que la SAS Axe Froid a procédé dans les délais requis à la déclaration du montant de la taxe d'apprentissage dont elle était redevable au titre de l'année 2019 ainsi qu'à son versement spontané auprès d'un organisme paritaire collecteur agréé. Ce versement n'a ainsi été ni établi, ni recouvré par les agents de l'administration, et ne constitue dès lors pas une créance fiscale, nonobstant la circonstance qu'il ait pour partie été reversé au Trésor public. Ce n'est qu'en cas d'insuffisance du versement spontané que la taxe, majorée de l'insuffisance constatée, est recouvrée par le comptable public compétent. Par suite, et en l'absence d'insuffisance constatée en l'espèce par l'administration au titre de l'année 2019, la réclamation de la SAS Axe Froid ne relevait pas de la juridiction contentieuse au sens des dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, et le juge de l'impôt n'est pas susceptible d'être saisi de conclusions aux fins de restitution des versements effectués.
5. En deuxième lieu, aux termes du VI de l'article 39 de la loi du 5 septembre 2018 : " Pour les organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage habilités en application de l'article L. 6242-1 du code du travail et du troisième alinéa du II de l'article 17 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale dont l'activité cesse au plus tard le 31 décembre 2019, les reliquats de collecte de taxe d'apprentissage et de contribution supplémentaire à l'apprentissage non utilisés par ces organismes ou non encaissés par les établissements bénéficiaires à la date du 31 décembre 2019 ainsi que les biens affectés à l'activité de collecte de cette taxe et financés par le produit de la taxe font l'objet d'une dévolution à un organisme agréé à compétence nationale de même nature, mentionné à l'article L. 6332-1 du code du travail, au plus tard le 15 juillet 2020. / Les transferts de biens, droits et obligations organisés dans le cadre de dévolutions jusqu'au 15 juillet 2020 sont réalisés à titre gratuit ou moyennant la seule prise en charge du passif ayant grevé l'acquisition des biens transférés au profit d'organismes agréés mentionnés au premier alinéa du présent VI et ne donnent lieu au paiement d'aucun droit, taxe ou impôt de quelque nature que ce soit. Ils ne donnent pas non plus lieu au paiement de la contribution prévue à l'article 879 du code général des impôts ".
6. Si la requérante fait valoir que la disparition, au 31 décembre 2019, au demeurant postérieurement à sa réclamation auprès du service des impôts de Bourg-en-Bresse, de l'organisme collecteur agréé auquel elle avait versé le montant de la taxe d'apprentissage dont elle demande la restitution partielle la priverait de la possibilité d'obtenir cette restitution, il n'est pas allégué que cet organisme n'aurait pas, en application des dispositions précitées, procédé à la dévolution de ses biens, droits et obligations à un organisme agréé de même nature.
7. En dernier lieu, la SAS Axe Froid ne peut se prévaloir des paragraphes 170 et suivants de la documentation administrative référencée BOI-CTX-DRO-10, qui ne propose pas, en tout état de cause, d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans la présente décision.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Axe Froid n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la restitution d'une somme de 1 293,59 euros.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS Axe Froid la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Axe Froid est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Axe Froid et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2022.
La rapporteure,
M. Le FrapperLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
A.-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01678
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