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15/12/2022 | FRANCE | N°22LY01655

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 décembre 2022, 22LY01655


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 juin 2021 par lesquelles la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français avec délai de départ volontaire de 30 jours et a déterminé le pays de destination en cas de reconduite.

Par jugement n° 2107692 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistré

e le 30 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Couderc, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 juin 2021 par lesquelles la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français avec délai de départ volontaire de 30 jours et a déterminé le pays de destination en cas de reconduite.

Par jugement n° 2107692 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 30 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Couderc, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2021 ainsi que les décisions susvisées ;

2°) d'enjoindre à la préfète de la Loire, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire, en cas d'annulation de la seule mesure d'éloignement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation quant à sa réponse au moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant refus de séjour ;

- la décision portant refus de séjour est entachée d'incompétence ; l'arrêté portant délégation de signature produit n'est pas signé et est insuffisamment précis ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code précité ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision accordant un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 7 novembre 2022, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- et les observations de Me Lulé, représentant Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante géorgienne née le 15 septembre 1950, est entrée pour la dernière fois en France le 20 décembre 2019. Elle n'a pu repartir le 16 mars 2020, comme elle le prévoyait, compte tenu de la situation sanitaire. Elle a déposé, le 12 janvier 2021, une demande de titre de séjour à raison de son état de santé. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 16 juin 2021 de la préfète de la Loire lui refusant la délivrance du titre sollicité, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination en cas de reconduite.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation quant à sa réponse au moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant refus de séjour. Toutefois, Mme B... n'a soulevé le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 16 juin 2021 en soutenant que l'arrêté portant délégation de signature n'est ni signé ni suffisamment précis s'agissant de la délégation consentie que dans un mémoire enregistré le 19 novembre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction fixée par le tribunal au 25 octobre 2021 et qui n'a pas été communiqué. La requérante ne soutient pas que ce mémoire aurait dû être communiqué. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas répondu à ces deux branches du moyen. Il ressort des termes du jugement attaqué qu'ils ont suffisamment motivé leur jugement quant à la réponse au moyen tel qu'il était soulevé dans la requête introductive d'instance au point 2 de leur jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. En premier lieu, l'arrêté du 16 juin 2021 en litige a été signé par M. Thomas Michaud, secrétaire général de la préfecture de la Loire, qui a reçu pour ce faire délégation de signature par un arrêté de la préfète de la Loire du 2 avril 2021, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du même jour. Si la requérante soutient que cet arrêté de délégation n'est pas signé, il comporte la mention " signé " à côté des prénom et nom de la préfète de la Loire et il est ainsi justifié de sa signature. Il ressort en outre de l'article 2 de cet arrêté que le délégataire a reçu délégation pour signer pour tous actes relevant de la police spéciale des étrangers, la liste de décisions figurant à cet article n'étant pas exhaustive. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'auteur de l'arrêté n'aurait pas été compétent en l'absence de signature de l'arrêté portant délégation de signature et de son imprécision manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an ".

5. Dans l'avis du 4 juin 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a indiqué que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie et, à la date de cet avis, elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre de plusieurs pathologies nécessitant des traitements médicamenteux. Si elle a été diagnostiquée en France, au cours de son dernier séjour, comme atteinte d'une myocardiopathie, il ressort des termes du certificat médical du 19 octobre 2020 produit que cette pathologie nécessite également le suivi d'un traitement médicamenteux. Toutefois, aucun élément produit au dossier ne démontre que le suivi médical auquel Mme B... est astreinte ne pourrait se poursuivre en Géorgie, son pays d'origine, où elle était d'ailleurs suivie jusqu'à son dernier séjour en France, ni que les traitements médicamenteux prescrits, y compris celui en lien avec la myocardiopathie, ne seraient pas disponibles dans ce pays, au moyen, le cas échéant, d'un rééquilibrage. A ce titre, les considérations générales sur la situation sanitaire en Géorgie émanant du rapport OSAR de l'organisation mondiale de la santé produit par l'intéressée ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII. Si la requérante soutient que le remboursement des médicaments est très faible en Géorgie, elle n'apporte aucun document justifiant du coût de ces traitements ni des ressources dont elle pourrait disposer. Dans ces conditions, Mme B... ne justifie pas être dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé et d'un suivi médical approprié dans son pays d'origine et les éléments produits ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII que la préfète de la Loire s'est approprié. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., âgée de 71 ans, a vécu l'essentiel de son existence en Géorgie. Si elle se prévaut de la présence en France de ses deux fils majeurs et leurs familles respectives, elle ne saurait être isolée dans son pays d'origine comme elle le soutient au seul motif qu'elle est divorcée. Elle y a nécessairement conservé d'autres attaches familiales et privées et il est constant qu'elle effectuait jusqu'à la décision en litige de courts séjours en France pour voir ses fils. A ce titre, aucun élément du dossier n'atteste du fait qu'elle ne pourrait plus effectuer ces trajets. En outre, elle n'allègue aucune intégration sociale en France. Par suite, le refus de séjour en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale protégé par les stipulations susmentionnées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Compte tenu de la légalité de la décision portant refus de séjour opposée à Mme B..., cette dernière n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la décision susvisée doit être écarté.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire :

11. En l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, Mme B... ne peut exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision lui accordant un délai de départ volontaire.

12. La requérante n'apporte aucune précision à l'appui de son moyen tiré de ce que la décision susvisée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, il ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. En raison de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale pour défaut de base légale.

14. Ainsi qu'il a été dit au point 5, Mme B..., qui peut effectivement disposer d'un traitement approprié à son état de santé en Géorgie, n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants et méconnaîtrait à ce titre l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01655

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01655
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-15;22ly01655 ?
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