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15/12/2022 | FRANCE | N°22LY01463

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 décembre 2022, 22LY01463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de procéder au réexamen de son dossier et de lui délivrer une carte de séjour temporaire ainsi que, dans l

'attente, un récépissé de demande de titre de séjour, et de mettre à la charge d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de procéder au réexamen de son dossier et de lui délivrer une carte de séjour temporaire ainsi que, dans l'attente, un récépissé de demande de titre de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2200446 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022, M. B... A..., représenté par Me Blanc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 14 décembre 2021 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de procéder au réexamen de son dossier et de lui délivrer une carte de séjour temporaire ainsi que, dans l'attente, un récépissé de demande de titre de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet de la Haute-Savoie a méconnu les dispositions des articles L. 432-13 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne saisissant pas la commission du titre de séjour alors qu'il justifiait de dix années de présence en France à la date de l'arrêté contesté ;

- il a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a également méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du même code ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant du Venezuela, a déclaré être entré pour la dernière fois en France le 15 novembre 2011. Il a demandé le 15 décembre 2020 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions désormais codifiées à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 décembre 2021, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. B... A... relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de la décision attaquée : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que des pièces nouvelles produites en appel, que M. A... a résidé régulièrement en France, sous couvert de titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", de septembre 2002 à septembre 2008. Il est ensuite retourné au Venezuela, où il a néanmoins continué à apprendre avec succès la langue française auprès de l'Alliance française. Le préfet ne conteste pas, dans la décision attaquée, qu'il est revenu en France en novembre 2011, et que l'ancienneté de son séjour en France est établie depuis cette date, soit depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Si M. B... A... ne conteste pas disposer encore d'attaches familiales au Venezuela, où résident ses parents, il justifie que sa sœur, titulaire d'une carte de résident, réside en Haute-Savoie avec son fils, de nationalité française. M. B... A... est par ailleurs titulaire, depuis le 15 mai 2016, d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'abord de commis de cuisine, conclu avec la société " Micro Brasserie de Chamonix ", puis de maître brasseur selon avenant du 31 janvier 2020. Si la demande d'autorisation de travail déposée par l'employeur concomitamment à la demande de titre de séjour a donné lieu à un avis défavorable, qui ne lie au demeurant pas l'autorité préfectorale, au seul motif que les bulletins de salaire de décembre 2020, janvier 2021 et février 2021 n'auraient pas été transmis au service instructeur par l'employeur, M. B... A... produit à l'instance un bulletin de décembre 2021 mentionnant toujours une date d'entrée en 2016, ainsi que l'ensemble de ses avis d'imposition confirmant qu'il est en mesure de subvenir à ses propres besoins. Il n'est par ailleurs pas contesté que le requérant, employé depuis plus de cinq ans dans le même établissement, a acquis les qualifications nécessaires aux fonctions occupées. Par suite, M. B... A... est fondé à soutenir que le refus de l'admettre au séjour à titre exceptionnel procède en l'espèce d'une erreur manifeste d'appréciation.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué du 14 décembre 2021.

5. Les motifs du présent arrêt impliquent nécessairement, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Savoie de délivrer à M. B... A... un récépissé de demande de titre de séjour dans un délai de huit jours puis une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " au titre de l'admission exceptionnelle au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

6. M. B... A... n'allègue pas avoir exposé dans la présente instance d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée le 14 septembre 2022, et son conseil n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme qu'il aurait réclamée à son client au titre des frais exposés si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2200446 du tribunal administratif de Grenoble du 14 avril 2022 et l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 14 décembre 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Savoie de délivrer à M. B... A..., dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, un récépissé de demande de titre de séjour puis, dans un délai de deux mois, une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ".

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A..., au préfet de la Haute-Savoie et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

M. Le FrapperLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01463

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01463
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-15;22ly01463 ?
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