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15/12/2022 | FRANCE | N°22LY01007

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 décembre 2022, 22LY01007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 1er novembre 2021 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 2108719 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire (non communiqué) enregistrés le 31 mars 2022 e

t le 21 novembre 2022, A... B..., représentée par Me Coutaz, demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 1er novembre 2021 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 2108719 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire (non communiqué) enregistrés le 31 mars 2022 et le 21 novembre 2022, A... B..., représentée par Me Coutaz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er mars 2022 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer, à titre principal, une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé assortis de l'autorisation de travailler dans les deux jours de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle remplit toutes les conditions exigées par l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " au moins à la date de la décision contestée ;

- elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et le préfet a méconnu le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a également commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- ces décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de A... Dèche, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. A... B..., de nationalité malgache, née le 26 novembre 1982, est entrée régulièrement en France, le 4 janvier 2019. Le 30 octobre 2019, elle a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de parent d'enfant français. Par décisions du 1er novembre 2021 le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. A... B... relève appel du jugement du 1er mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions du 1er novembre 2021.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

3. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que le législateur, pour le cas où la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " est demandée par un étranger au motif qu'il est parent d'un enfant français, a subordonné la délivrance de plein droit de ce titre à la condition, notamment, que l'enfant réside en France. Ce faisant, le législateur n'a pas requis la simple présence de l'enfant sur le territoire français, mais a exigé que l'enfant réside en France, c'est-à-dire qu'il y demeure effectivement de façon stable et durable. Il appartient dès lors, pour l'application de ces dispositions, à l'autorité administrative d'apprécier dans chaque cas, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des justifications produites, où se situe la résidence de l'enfant, entendue comme le lieu où il demeure effectivement de façon stable et durable à la date à laquelle le titre est demandé.

4. Il est constant que le fils de A... B..., né le 25 avril 2007, alors âgé de 11 ans, est entré avec elle sur le territoire français le 4 janvier 2019. Ainsi, alors même qu'il a été rapidement scolarisé après son arrivée en France, il ne pouvait être regardé, à la date à laquelle le titre de séjour a été demandé, le 30 octobre 2019, comme demeurant de façon stable et durable en France. Dans ces conditions, c'est par une exacte application des dispositions énoncées au point 2 que le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à A... B... le titre de séjour qu'elle avait sollicité.

5. En deuxième lieu, A... B... réitère en appel ses moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour en soutenant que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés et non critiqués en appel retenus à bon droit par les premiers juges.

6. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Si A... B... fait valoir que ses enfants et notamment son fils qui est ressortissant français doit pouvoir poursuivre ses études en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas poursuivre sa scolarité dans son pays de résidence, où il a vécu jusque l'âge de 11 ans et demi, ni le cas échéant revenir en France ultérieurement afin d'y entamer des études supérieures. La circonstance que les conditions de vie à Madagascar se sont dégradées depuis la crise sanitaire n'est pas de nature à modifier cette appréciation. Par suite, A... B... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

8. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".

9. A la date de la mesure d'éloignement, à laquelle doit nécessairement s'apprécier la condition de résidence de l'enfant pour l'application des dispositions citées au point précédent, le fils français D... A... B... était âgé de 14 ans et résidait habituellement en France avec elle depuis deux ans et quatre mois. A... B... établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, qui est scolarisé. Ainsi, en obligeant la requérante à quitter le territoire français, le préfet a méconnu les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, par voie de conséquence, celle fixant le pays de renvoi, doivent être annulées.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi que A... B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

11. L'annulation des décisions du 1er novembre 2021 du préfet de l'Isère obligeant A... B... à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi n'implique pas, comme la requérante le demande la délivrance d'un titre de séjour mais uniquement qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation, en tenant compte du motif exposé au point 9, dans un délai de deux mois. Dans cette attente, le préfet délivrera, dans un délai de quinze jours, à A... B... une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces deux délais courent à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à A... B... de la somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les décisions du 1er novembre 2021 du préfet de l'Isère obligeant A... B... à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la situation de A... B..., en tenant compte du motif exposé au point 9, dans un délai de deux mois et de lui délivrer dans un délai de quinze jours une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces deux délais courant à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement n° 2108719 du 1er mars 2022 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à A... B..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de A... B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à A... C... B..., au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

A... Dèche, présidente-assesseure,

A... Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01007

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01007
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-15;22ly01007 ?
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