La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2022 | FRANCE | N°21LY02466

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 décembre 2022, 21LY02466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 22 juin 2021 par lesquelles la préfète de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office, d'enjoindre sous astreinte à la préfète de la Loire de lui délivrer une autorisation

provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 22 juin 2021 par lesquelles la préfète de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois et a désigné le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office, d'enjoindre sous astreinte à la préfète de la Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 2104872 du 28 juin 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2021, M. B..., représenté par la Selarl BS2A Bescou et Sabatier Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que les décisions du 22 juin 2021 ;

2°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français procède d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation, et en particulier de l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs, moyen auquel le tribunal n'a pas suffisamment répondu ;

- la mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision le privant de délai de départ volontaire repose sur une décision elle-même illégale ;

- elle est entachée d'un vice de procédure et d'une méconnaissance du principe général de sécurité juridique, en l'absence d'information donnée quant aux conséquences de l'inexécution d'une obligation de quitter le territoire français sur la possibilité de le priver ultérieurement d'un délai de départ volontaire ; les dispositions du 5° de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne répondent pas au principe de clarté et de prévisibilité découlant du principe général de sécurité juridique ;

- elle procède d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet s'est borné à viser l'une des hypothèses de privation de délai de départ volontaire, ce qui est insuffisant à justifier la décision ;

- elle est entachée d'erreur de fait dans l'appréciation de l'existence de circonstances particulières et d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle, alors qu'il dispose de garanties de représentation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français repose sur des décisions elles-mêmes illégales ;

- elle procède d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation et d'une " erreur de fait " dans la prise en compte d'une circonstance humanitaire ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- sa durée est entachée d'une erreur d'appréciation dans l'application des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination repose sur une décision elle-même illégale ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2022, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête.

Elle indique s'en remettre au jugement de première instance.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du défaut de base légale de la mesure d'éloignement fondée sur le 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de menace alléguée à l'ordre public.

Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 26 octobre 2022, M. B... soutient que la décision préfectorale est effectivement dépourvue de base légale.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- et les observations de Me Guillaume, représentant M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant d'Albanie né le 2 mars 1986, a déclaré être entré en France le 15 avril 2017, en compagnie de son épouse. Sa demande de protection internationale a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 mars 2018. Par un arrêté du 26 novembre 2018, le préfet de la Loire lui a alors fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. A l'issue d'une retenue pour vérification de son droit au séjour, la préfète de la Loire, par l'arrêté attaqué du 22 juin 2021, a prononcé à l'encontre de M. B... une nouvelle obligation de quitter le territoire français, sur le fondement du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. M. B... relève appel du jugement du 28 juin 2021 par lequel une magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que l'arrêté attaqué de la préfète de la Loire vise les dispositions précitées comme seul fondement de la mesure d'éloignement. Il ne ressort toutefois d'aucune des autres énonciations de l'arrêté, ni d'ailleurs d'aucune pièce du dossier, que le comportement de M. B... constituerait une menace pour l'ordre public. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens de la requête, la mesure d'éloignement est entachée d'un défaut de base légale et doit, pour ce motif, alors que l'autorité préfectorale ne dispose pas du même pouvoir d'appréciation pour prendre une telle mesure sur un autre fondement, être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions qui l'accompagnent.

4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

5. Il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Loire, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 juin 2021 et l'arrêté du 22 juin 2021 de la préfète de la Loire sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Loire de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B... dans un délai de huit jours et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la Selarl BS2A Bescou et Sabatier Associés, conseil de M. B..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la Selarl BS2A Bescou et Sabatier Associés, à la préfète de la Loire et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Etienne.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

M. Le FrapperLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02466

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02466
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-15;21ly02466 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award