La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2022 | FRANCE | N°21LY01297

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 décembre 2022, 21LY01297


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière de construction-vente (SCCV) Le Cordou a demandé par deux requêtes distinctes au tribunal administratif de Lyon, d'une part, de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 22 592 euros au titre du mois de juin 2018, et, d'autre part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du mois de juin 2018, et de mettre à la charge de l'Etat, dans chaque instance, une somm

e de 5 000 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 1906...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière de construction-vente (SCCV) Le Cordou a demandé par deux requêtes distinctes au tribunal administratif de Lyon, d'une part, de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 22 592 euros au titre du mois de juin 2018, et, d'autre part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du mois de juin 2018, et de mettre à la charge de l'Etat, dans chaque instance, une somme de 5 000 euros au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 1906253-1907478 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 avril 2021, la SCCV Le Cordou, représentée par Me Vercruysse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 22 592 euros au titre du mois de juin 2018, et de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du mois de juin 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le droit à déduction de la taxe grevant des dépenses engagées dans le but de réaliser une opération immobilière taxable qui n'a toutefois pu aboutir faute de financement extérieur, dont elle bénéficiait en qualité d'assujettie, ne peut être refusé a posteriori et n'est soumis à aucune autre condition que l'affectation des dépenses aux besoins des opérations taxables, et il importe peu à cet égard que ces opérations ne soient pas menées à leur terme du fait de la dissolution amiable de la société ;

- elle justifie que l'absence de réalisation du programme immobilier est imputable à un défaut de financement bancaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCCV Le Cordou ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCCV Le Cordou a été constituée en septembre 2013 avec le projet de réaliser un programme immobilier de 42 logements destinés à la vente sur un terrain appartenant à un tiers situé sur le territoire de la commune de Divonne-les-Bains. Elle a obtenu un permis de construire le 31 octobre 2013 et a engagé des dépenses pour les études préparatoires à la réalisation de son projet, à raison desquelles elle a obtenu en juillet 2015, novembre 2015 et décembre 2016 des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant cumulé de 85 692 euros correspondant à la taxe ayant grevé ces études préparatoires. Elle a simultanément abandonné son projet avant tout commencement des travaux et obtenu, par arrêté du 14 janvier 2016, le transfert du permis de construire, consenti à titre gratuit, au propriétaire du terrain, dont elle n'avait pas encore fait l'acquisition. Au cours d'une assemblée générale du 29 juin 2018, les associés de la SCCV Le Cordou ont alors décidé sa dissolution anticipée et sa liquidation amiable, et la société a déposé en juillet 2018 une nouvelle demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 22 592 euros. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la société portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, avec extension au 30 juin 2018 en matière de taxe sur le chiffre d'affaires, l'administration fiscale, par proposition de rectification contradictoire du 11 janvier 2019, a assujetti la SCCV Le Cordou à des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite sur les premières factures, d'un montant total de 85 692 euros, assortis d'intérêts de retard de 1 028 euros, pour la période du mois de juin 2018. Par cette même proposition puis par une décision du 14 juin 2019, l'administration fiscale a en outre opposé un refus à la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 22 592 euros pour la même période. La SCCV Le Cordou relève appel du jugement du 2 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la décharge, en droits et pénalités, des rappels en litige et, d'autre part, au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée que la société estime avoir constaté au mois de juin 2018.

2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / (...) 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services (...). / III. A cet effet, les assujettis, qui sont autorisés à opérer globalement l'imputation de la taxe sur la valeur ajoutée, sont tenus de procéder à une régularisation : / (...) b) Lorsque l'opération n'est pas effectivement soumise à l'impôt (...) ". Aux termes de l'article 207 de l'annexe 2 au code général des impôts : " I. - Sous réserve des dispositions qui suivent, la déduction opérée dans les conditions mentionnées aux articles 205 et 206 est définitivement acquise à l'entreprise. / (...) VI. - Le montant de la taxe dont la déduction a déjà été opérée doit être reversé dans les cas suivants : / (...) 2° Lorsque les biens ou services ayant fait l'objet d'une déduction de la taxe qui les avait grevés ont été utilisés pour une opération qui n'est pas effectivement soumise à l'impôt (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le droit à déduction reste, en principe, acquis même si, ultérieurement, en raison de circonstances étrangères à sa volonté, l'assujetti ne fait pas usage des biens et services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d'opérations taxées. Ce principe ne fait toutefois pas obstacle à la mise en œuvre des mécanismes de régularisation prévus aux articles 184 et 185 de la directive du 28 novembre 2006, transposés notamment par les dispositions précitées de l'article 207 de l'annexe 2 du code général des impôts.

4. En l'espèce, il résulte notamment des termes de la proposition de rectification que, pour procéder aux rectifications en litige et refuser le remboursement d'un reliquat de crédit de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale n'a remis en cause ni la qualité initiale d'assujettie de la SCCV Le Cordou, ni son droit initial à déduction dans le cadre de la réalisation d'opérations économiques taxables. Le vérificateur a seulement fait usage du mécanisme de régularisation en estimant que les prestations de services ayant fait l'objet d'une déduction antérieure avaient été utilisés pour une opération qui n'avait pas été et ne serait pas effectivement soumise à l'impôt, en raison de la cessation d'activité, laquelle constituait le fait générateur du reversement réclamé. En se bornant ainsi à soutenir tout d'abord qu'elle avait la qualité d'assujettie et avait engagé des dépenses pour les besoins d'opérations taxables, faisant naître un droit à déduction devant en principe lui rester acquis, la SCCV Le Cordou ne conteste pas utilement le motif retenu par l'administration tiré de ce que la cessation de toute activité la faisait entrer dans le champ d'application du mécanisme de régularisation. Si la requérante ajoute que ce mécanisme ne lui serait pas applicable, elle n'assortit cette allégation d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé, en l'absence notamment de toute discussion relative aux conditions de sa mise en œuvre. En outre, en se bornant à produire un unique courrier de refus de financement par un organisme bancaire, daté du 25 avril 2014, la requérante ne saurait être regardée comme justifiant sérieusement, en tout état de cause, que l'abandon du projet résulterait de circonstances extérieures à sa seule volonté.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SCCV Le Cordou n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SCCV Le Cordou la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCCV Le Cordou est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCCV Le Cordou et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

M. Le FrapperLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01297

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01297
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-03-06 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Déductions. - Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : VERCRUYSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-15;21ly01297 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award