Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler la décision de la directrice du ... refusant de renouveler son engagement à son échéance le 31 décembre 2018, ainsi que la décision du 21 mai 2019 rejetant sa demande indemnitaire préalable ;
2°) de condamner le ... à lui verser la somme de 13 262,92 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du non-renouvellement de son contrat.
Par un jugement n° 1906330 du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 30 mai 2022, M. B... A..., représenté par la SEARL Environnement droit public, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision de la directrice du ... refusant de renouveler son engagement à son échéance le 31 décembre 2018, ainsi que la décision du 21 mai 2019 rejetant sa demande indemnitaire préalable ;
3°) de condamner le ... à lui verser la somme de 11 262,92 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du non-renouvellement de son contrat ;
4°) de mettre à la charge du ... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son employeur a commis une faute en ne respectant pas le délai de prévenance prévu par l'article 38-1 du décret du 15 février 1988 ;
- son employeur a commis une faute en décidant de ne pas renouveler son contrat pour des raisons étrangères à l'intérêt du service et à sa manière de servir ;
- ces fautes lui ont causé un préjudice financier, qui s'élève à 6 262,92 euros, et un préjudice moral, qui doit être évalué à 5 000 euros, tenant à une perte de chance de signer un nouveau contrat ou de percevoir un revenu de substitution, dans les plus brefs délais.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 29 avril 2022 et le 9 juin 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ..., représenté par Me Bonnet (SELARL BLT Droit public), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B... A... la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 20 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
- les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique ;
- et les observations de M. B... A... et de Me Bitar, avocat, représentant le ... ;
Une note en délibéré présentée pour M. B... A... a été enregistrée le 8 décembre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. A compter du 14 octobre 2013, M. B... A... a été recruté par le ... comme psychologue à temps partiel, par contrats de travail à durée déterminée successifs. Par une décision du 20 novembre 2018, la directrice de l'établissement a décidé de ne pas renouveler son contrat à son échéance, le 31 décembre 2018. Cette décision n'ayant pu lui être notifiée en raison de son changement d'adresse et compte tenu du rejet de sa demande indemnitaire préalable par une décision du 21 mai 2019, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler une décision, formulée oralement, de ne pas renouveler son contrat, ainsi que celle du 21 mai 2019, et de condamner l'établissement à lui verser une indemnité en réparation des préjudices subis. Le tribunal administratif de Lyon a rejeté l'ensemble de ses demandes par un jugement du 18 novembre 2020 dont il relève appel. Il doit ainsi être regardé comme demandant, outre l'annulation de ce jugement, celle de la décision de la directrice du ... du 20 novembre 2018 et la condamnation de cet établissement à lui verser 11 262,92 euros en réparation des préjudices moral et financier que lui aurait causés le non-renouvellement de son contrat.
Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) ".
3. Alors même qu'elle était intitulée " requête sommaire ", la requête de M. B... A..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lyon le 9 août 2019, comprenait des conclusions et exposait des moyens suffisamment précis pour permettre aux premiers juges de statuer. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ... en première instance ne peut qu'être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la méconnaissance du délai de prévenance :
4. Aux termes de l'article 9-1 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " I. - Les établissements peuvent recruter des agents contractuels pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires (...) autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles (...). Le contrat est conclu pour une durée déterminée. Il est renouvelable, par décision expresse, dans la limite de la durée de l'absence de l'agent à remplacer (...) ". L'article 41 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière dispose par ailleurs que : " Lorsque l'agent contractuel a été recruté par un contrat à durée déterminée susceptible d'être renouvelé en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l'autorité signataire du contrat notifie à l'intéressé son intention de renouveler ou non le contrat, au plus tard : (...) 3° Deux mois avant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée supérieure à deux ans (...) ".
5. Si la méconnaissance de ce délai est sans incidence sur la légalité de la décision de ne pas renouveler le contrat de l'agent, cette illégalité constitue en revanche une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.
6. D'une part, il résulte du dernier contrat signé par M. B... A... que celui-ci a été conclu sur le fondement de l'article 9-1 de la loi du 9 janvier 1986, " pour assurer le remplacement d'un agent absent ". Le ..., qui ne peut dès lors utilement se prévaloir de la durée maximale de six ans fixée par l'article 9 de la même loi, ne précise pas le motif de l'indisponibilité de l'agent remplacé, ni ne démontre que cette indisponibilité avait pris fin au 1er janvier 2019. Par suite, le ... ne peut prétendre que le contrat de M. B... A... n'aurait pas été renouvelable au-delà du 31 décembre 2018. Par suite, et contrairement à ce que prétend le ..., M. B... A... devait, eu égard à la durée de son recrutement, bénéficier d'un délai de prévenance de deux mois, en application des dispositions précitées.
7. D'autre part, la seule allégation de l'établissement, reprise notamment dans le courrier de sa directrice daté du 10 décembre 2018, selon laquelle M. B... A... aurait été informé de " nombreux questionnements présidant à [sa] posture professionnelle " et d' " interrogations présidant à la poursuite " de sa relation contractuelle, lors de différents entretiens intervenus entre les mois de mai et d'octobre 2018, ne permet pas d'établir, à défaut notamment de comptes-rendus précis et probants de ces réunions ou de toute autre pièce en ce sens, que l'intéressé aurait été informé de la décision de l'établissement de ne pas renouveler son contrat au cours de ces différentes réunions, ni même, au demeurant, qu'une telle décision avait été effectivement adoptée à ces dates. Par suite, M. B... A..., qui reconnaît en avoir été informé lors d'un entretien le 20 novembre 2018, est fondé à soutenir que le ... ne l'a pas averti du non-renouvellement de son contrat dans le délai fixé par les dispositions précitées et qu'il a ainsi commis une faute.
8. Toutefois, en l'absence de toute pièce relative à des recherches d'emploi qu'il aurait engagées depuis la fin de son contrat, à un retard injustifié de versement d'un revenu de remplacement et aux difficultés d'organisation qu'il invoque, M. B... A... ne démontre pas que le retard de vingt jours ainsi imputable au ... pour l'informer du non-renouvellement de son contrat lui aurait causé un préjudice financier ou moral.
En ce qui concerne le non-renouvellement du contrat :
9. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie pas d'un droit au renouvellement de son contrat. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler que pour un motif tiré de l'intérêt du service.
10. Lorsqu'un agent public sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision de ne pas renouveler son contrat, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité de l'illégalité, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure, et des troubles dans ses conditions d'existence.
11. Pour justifier l'absence de renouvellement du contrat de M. B... A..., la directrice du ... a évoqué, dans son courrier du 10 décembre 2018, ses " écarts de perception dans les attendus de [sa] fonction de psychologue au sein de l'établissement " et son " manque de distanciation dans [sa] pratique professionnelle tout comme de [ses] obligations de réserve et de neutralité face à [sa] hiérarchie ". Toutefois, et en dépit de la mesure d'instruction diligentée par la cour, ces reproches, à caractère général, ne sont étayés d'aucune pièce, ni ne visent aucun fait précis. Il n'est pas davantage établi qu'ainsi que l'affirme le ..., la réduction, à compter du 1er janvier 2018, de la durée des contrats de M. B... A..., d'un an à six mois, aurait été justifiée par une remise en cause de sa manière de servir. S'il ressort des pièces produites par M. B... A..., notamment de son courrier électronique du 13 juin 2018 et de son courrier daté du 20 décembre 2018, que celui-ci a pu manifester des désaccords avec son supérieur, l'établissement n'apporte aucune précision permettant de démontrer le caractère inapproprié de son comportement, au demeurant antérieur au renouvellement de son contrat intervenu le 1er juillet 2018. Dans ces conditions, la décision de ne pas renouveler le contrat de M. B... A... ne peut, manifestement, être considérée comme justifiée par l'intérêt du service.
12. Ainsi, M. B... A... est fondé à demander l'annulation de la décision du 20 novembre 2018 par laquelle la directrice du ... a décidé de ne pas renouveler son contrat.
13. Par ailleurs, il résulte en l'espèce de l'instruction que M. B... A... exerçait au ... comme psychologue, à hauteur de 30 % d'un temps plein, depuis le 14 octobre 2013. Compte tenu du caractère limité des fonctions ainsi exercées, des termes du certificat médical qu'il produit, qui fait seulement état de difficultés professionnelles de mai à octobre 2018, et en l'absence de toute pièce relative à des recherches d'emploi infructueuses qu'il aurait engagées après la fin de son contrat et aux difficultés d'organisation qu'il invoque, M. B... A... ne démontre pas la réalité de troubles dans ses conditions d'existence directement en lien avec le non-renouvellement illégal de son contrat. En revanche, eu égard à l'ancienneté de plus de cinq ans de l'intéressé dans ses fonctions, au montant mensuel moyen de la rémunération qu'il percevait et à la nature de l'illégalité commise par le ..., il sera fait une juste appréciation des préjudices, notamment moraux, subis en lui accordant une indemnité pour solde de tout compte de 2 000 euros.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B... A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le .... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme de 2 000 euros à M. B... A..., en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2020 et la décision de la directrice du ... du 20 novembre 2018 sont annulés.
Article 2 : Le ... versera une somme de 2 000 euros à M. B... A....
Article 3 : Le ... versera une somme de 2 000 euros à M. B... A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... A... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par le ... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A... et au ....
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves TallecLa greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne à la préfète de la Loire en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY00185