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14/12/2022 | FRANCE | N°20LY01059

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 14 décembre 2022, 20LY01059


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le Comité Départemental de Protection de la Nature de Saône-et-Loire (CDPN71) a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision de rejet de sa demande de retrait de l'arrêté n° 71-2017-08-25-003 du 25 août 2017 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a défini les points d'eau à prendre en compte pour l'application de l'arrêté interministériel du 4 mai 2017 ;

2°) d'annuler cet arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de rempl

acer l'arrêté annulé dans le délai de trois mois conformément à ses demandes de modifications.

Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le Comité Départemental de Protection de la Nature de Saône-et-Loire (CDPN71) a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision de rejet de sa demande de retrait de l'arrêté n° 71-2017-08-25-003 du 25 août 2017 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a défini les points d'eau à prendre en compte pour l'application de l'arrêté interministériel du 4 mai 2017 ;

2°) d'annuler cet arrêté préfectoral ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de remplacer l'arrêté annulé dans le délai de trois mois conformément à ses demandes de modifications.

Par un jugement n°1800538 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté préfectoral du 25 août 2017 et le rejet du recours gracieux du comité en tant que, d'une part, l'arrêté préfectoral a prévu une zone orange ne permettant pas de recenser l'ensemble des " points d'eau " au sens des dispositions de l'arrêté ministériel du 4 mai 2017, d'autre part, par exception d'illégalité de l'arrêté interministériel du 4 mai 2017, n'ont pas été prévues des mesures de protection particulières pour les sites " Natura 2000 " ou ceux inscrits au registre des zones protégées par les SDAGE.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 mars 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 31 décembre 2019.

Elle soutient que :

- sur la régularité, le jugement attaqué est insuffisamment motivé, faute d'avoir précisé en quoi l'existence de secteurs en cartographie " progressive " et, plus particulièrement les écoulements figurant en traits orange, constituerait une restriction, modification ou modulation dans le temps de la définition à édicter ;

- sur le bien-fondé, en annulant l'arrêté préfectoral du 25 août 2017 en tant qu'il " a prévu une zone orange ne permettant pas de recenser l'ensemble des "points d'eau" au sens des dispositions de l'arrêté interministériel du 4 mai 2017 ", le tribunal administratif de Dijon a commis une erreur de droit ;

- le tribunal ne pouvait sans commettre une autre erreur de droit, imposer indistinctement à " l'administration " de procéder à l'édiction de mesures réglementaires au niveau national et au niveau local, dès lors qu'il n'est pas compétent pour se prononcer sur les conséquences à tirer de l'illégalité d'un acte réglementaire de portée nationale, dans la mesure où cette faculté découle de la compétence en premier ressort du Conseil d'Etat en application des dispositions de l'article R. 311-1-2° du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2021, le Comité Départemental de Protection de la Nature de Saône-et-Loire (CDPN71) représenté par Me Untermaier :

1°) conclut au rejet de la requête ;

2°) demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il n'a pas annulé l'arrêté préfectoral qui a exclu certains éléments hydrographiques de la définition des points d'eau, en violation de l'arrêté interministériel du 4 mai 2017 ;

3°) demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens présentés par la ministre de la transition écologique et solidaire ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mai 2022.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions d'appel incident, présentées par le Comité Départemental de Protection de la Nature de Saône-et-Loire tendant à l'annulation du jugement qui n'a pas annulé l'arrêté préfectoral en tant qu'il a exclu certains éléments hydrographiques de la définition des points d'eau, en violation de l'arrêté interministériel du 4 mai 2017, soulèvent un litige distinct.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteur public,

- et, les observations de Me Corbalan, représentant le Comité Départemental de Protection de la Nature de Saône-et-Loire

Considérant ce qui suit :

1. Le Comité Départemental de Protection de la Nature de Saône-et-Loire (CDPN71) a demandé l'annulation de l'arrêté du 25 août 2017 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a défini les points d'eau sur lesquels doivent être appliqués les mesures visant à éviter une pollution par la dérive de pulvérisation ou le ruissellement des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants, en application de l'arrêté interministériel du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime. Par jugement, rendu le 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté préfectoral du 25 août 2017 et le rejet du recours gracieux du comité en tant, d'une part, que l'arrêté préfectoral a prévu une zone orange ne permettant pas de recenser l'ensemble des " points d'eau " au sens des dispositions de l'arrêté ministériel du 4 mai 2017, d'autre part, que par exception d'illégalité de l'arrêté interministériel du 4 mai 2017, n'ont pas été prévues des mesures de protection particulières pour les sites " Natura 2000 " ou ceux inscrits au registre des zones protégées par les SDAGE. La ministre de la transition écologique et solidaire relève appel de ce jugement, en tant seulement que le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté préfectoral du 25 août 2017 et le rejet du recours gracieux du comité en tant que l'arrêté préfectoral a prévu une zone orange ne permettant pas de recenser l'ensemble des " points d'eau " au sens des dispositions de l'arrêté ministériel du 4 mai 2017. Par des conclusions d'appel incident, le Comité Départemental de Protection de la Nature de Saône-et-Loire (CDPN71) demande l'annulation du même jugement qui n'a pas annulé l'arrêté préfectoral en tant qu'il a exclu certains éléments hydrographiques de la définition des points d'eau, en violation de l'arrêté interministériel du 4 mai 2017.

Sur l'appel incident :

2. Par la voie de l'appel incident, le Comité Départemental de Protection de la Nature de Saône-et-Loire (CDPN71) demande, après l'expiration du délai d'appel, l'annulation du jugement qui n'a pas annulé l'arrêté préfectoral en tant qu'il a exclu certains éléments hydrographiques de la définition des points d'eau, en violation de l'arrêté interministériel du 4 mai 2017. Toutefois, ces conclusions, qui contestent la deuxième partie de l'article 1er de l'arrêté litigieux, constituent un litige distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal, et ne sont, par suite, pas recevables.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime : " Aux fins du présent arrêté, on entend par : (...) " Points d'eau " : cours d'eau définis à l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement et éléments du réseau hydrographique figurant sur les cartes 1/25 000 de l'Institut géographique national. Les points d'eau à prendre en compte pour l'application du présent arrêté sont définis par arrêté préfectoral dûment motivé dans un délai de deux mois après la publication du présent arrêté. ". Cet article 1er a aussi prévu que " sur les secteurs en cartographie " progressive ", sur lesquels l'identification des cours d'eau est encore incomplète, seront considérés, outre les cours d'eau déjà identifiés tracés en trait bleu, les écoulements figurant en traits orange (statut indéterminé) sur la carte départementale consultable sur le site internet de l'Etat et répondant aux critères définis dans le code de l'environnement à l'article L. 215-7-1 précité ".

4. Il incombe aux préfets de préciser par arrêté les points d'eau à prendre en compte conformément aux critères fixés à l'article 1er de l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, sans possibilité d'y apporter des restrictions au vu des caractéristiques locales. L'article 1er de l'arrêté litigieux se décompose en deux parties distinctes : d'une part, les cours d'eau définis à l'article L. 215-7 du code de l'environnement, d'autre part, les autres éléments du réseau hydrographique. S'agissant de la première partie, l'arrêté en litige indique que " la cartographie des cours d'eau du département de Saône-et-Loire, établie en application de l'instruction ministérielle du 3 juin 2015, publiée et actualisée sur le site internet des services de l'Etat dans le département, précise les écoulements identifiés comme cours d'eau ". Cet article 1er a aussi prévu d'une part, " sur la partie du département en cartographie dite " complète ", que la carte représente la totalité des cours d'eau concernés ", d'autre part, " sur les secteurs en cartographie " progressive ", sur lesquels l'identification des cours d'eau est encore incomplète, seront considérés, outre les cours d'eau déjà identifiés tracés en trait bleu, les écoulements figurant en traits orange (statut indéterminé) sur la carte départementale consultable sur le site internet de l'Etat et répondant aux critères définis dans le code de l'environnement à l'article L. 215-7-1 précité ". Par suite, en opérant une distinction entre plusieurs secteurs du département, selon l'état d'avancement de la cartographie, laquelle est destinée à servir de point de référence dans l'application des réglementations environnementales, le préfet de Saône-et-Loire n'a pas entendu apporter des restrictions aux cours d'eau à prendre en compte. Dans ces conditions, c'est, sans erreur de droit et sans méconnaître l'article 1er de l'arrêté interministériel du 4 mai 2017, que l'arrêté litigieux a pu faire figurer, distinctement, en " traits orange ", des écoulements dont le statut est encore indéterminé. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il annule l'arrêté préfectoral du 25 août 2017 sur ce point.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que la ministre de la transition écologique est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté préfectoral du 25 août 2017 en tant que l'arrêté préfectoral a prévu une zone orange ne permettant pas de recenser l'ensemble des " points d'eau " au sens des dispositions de l'arrêté ministériel du 4 mai 2017.

Sur l'injonction prononcée en première instance :

6. Les articles L. 253-7 et R. 253-45 du code rural et de la pêche maritime, transposant les dispositions de l'article 12 de la directive du 21 octobre 2009, disposent que les mesures prises en application de cette directive et visant à interdire ou encadrer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans certaines zones particulièrement vulnérables, relèvent de la compétence du ministre chargé de l'agriculture ou, lorsqu'elles concernent l'utilisation et la détention de produits visés à l'article L. 253-1 dudit code, par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la santé, de l'environnement et de la consommation. En conséquence, dès lors que l'appelante ne demande pas l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté litigieux, par exception d'illégalité de l'arrêté interministériel du 4 mai 2017, en ce que n'ont pas été prévues des mesures de protection particulières pour les sites " Natura 2000 " ou ceux inscrits au registre des zones protégées par les SDAGE, les premiers juges, en application des dispositions de l'article des L. 911-1 et suivant du code de justice administrative, ont pu prescrire à l'administration de mettre en œuvre l'injonction définie au point 41 du jugement, laquelle précisait que les annulations prononcées impliquaient nécessairement l'édiction de mesures réglementaires au niveau national et au niveau local dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'annulation de l'arrêté préfectoral du 25 août 2017 n'impliquait pas nécessairement que le tribunal prescrive, tant au préfet de Saône-et-Loire qu'aux ministres compétents, l'édiction de mesures de protection particulières pour certaines zones particulièrement vulnérables, en application de l'article 12 de la directive 21 octobre 2009, transposé par l'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la transition écologique et solidaire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a enjoint de prescrire à l'administration de procéder à l'édiction de mesures réglementaires au niveau national et au niveau local.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le Comité Départemental de Protection de la Nature de Saône-et-Loire (CDPN71).

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800538 du tribunal administratif de Dijon du 31 décembre 2019 est annulé, en tant seulement qu'il annule l'arrêté préfectoral 25 août 2017 qui a prévu une zone orange ne permettant pas de recenser l'ensemble des " points d'eau " au sens des dispositions de l'arrêté ministériel du 4 mai 2017.

Article 2 : La demande de première instance présentée par le Comité Départemental de Protection de la Nature de Saône-et-Loire (CDPN71) ainsi que ses conclusions incidentes et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au Comité Départemental de Protection de la Nature de Saône-et-Loire (CDPN71).

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2022.

Le rapporteur,

Gilles FédiLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY01059


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01059
Date de la décision : 14/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-02 Nature et environnement. - Divers régimes protecteurs de l`environnement. - Lutte contre la pollution des eaux (voir : Eaux).


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : UNTERMAIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-14;20ly01059 ?
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