Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2110167 du 31 mars 2022, le tribunal a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 avril et 12 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Ngeleka, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susmentionné ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois, à compter de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans qu'il soit nécessaire qu'il réponde à tous les arguments tirés de ce qu'il remplit les conditions pour bénéficier d'un visa long séjour, de ce qu'il suit un enseignement en France et justifie disposer de moyens d'existence suffisants et de ce que le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions des articles L. 422-1 et L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 2 du protocole n° 1 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Par un mémoire du 19 août 2022, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé et propose une substitution de base légale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993 ;
- le code de l'éducation ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- et les observations de Me Ngeleka, pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant congolais (République du Congo) né le 28 septembre 2003 et entré sur le territoire français le 14 août 2019, relève appel du jugement du 31 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation présentée à l'encontre de l'arrêté du 23 novembre 2021 de la préfète de l'Ain lui refusant un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal, qui a relevé que l'une des conditions exigées pour bénéficier d'un titre de séjour étudiant, tenant à la possession d'un visa de long séjour, n'était pas satisfaite, a répondu au moyen invoqué, tiré de la méconnaissance de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et même s'il ne s'est pas prononcé sur les autres conditions posées par cet article, aucune omission à statuer ne saurait être retenue à cet égard.
Sur le fond du litige :
3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. M. A... se prévaut de son séjour en France depuis le 18 août 2019, aux côtés de membres de sa famille, dont notamment sa sœur jumelle et son oncle français qui, en sa qualité de délégataire de l'autorité parentale, l'héberge et subvient à ses besoins. Il fait également état de son parcours scolaire, qu'il a suivi avec sérieux jusqu'en classe de terminale dans la filière mathématiques et physique du lycée Cariat de Bourg-en-Bresse. Toutefois, l'intéressé, qui séjourne en France depuis récemment, est célibataire et sans charge de famille, n'établissant pas être dépourvu d'attaches familiales ou privées dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans et où y résident ses parents. Par suite, aucune violation des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est caractérisée.
5. L'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que ce code s'applique " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 4 de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993 : " Pour un séjour de plus de trois mois, les ressortissants français à l'entrée sur le territoire congolais et les ressortissants congolais à l'entrée sur le territoire français doivent être munis d'un visa de long séjour et des justificatifs prévus aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation ". Aux termes de l'article 9 de cette même convention : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. / Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants (...) ". Aux termes de l'article 13 de la même convention : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. " Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. "
6. Il résulte des stipulations précitées de l'article 13 de la convention franco-congolaise que l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants de la République du Congo désireux de poursuivre leurs études en France, dont la situation est régie par l'article 9 de cette convention. Par suite, la décision portant refus de titre de séjour sollicité par M. A... en qualité d'étudiant ne pouvait pas être prise sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Toutefois, ainsi que la préfète le soutient en défense, la décision en litige trouve son fondement légal dans les stipulations de l'article 4 de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993. Ces stipulations peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors, en premier lieu, que M. A... se trouvait dans la situation où en application de l'article 4 de la convention précitée la préfète pouvait décider de lui refuser le titre de séjour sollicité faute de la justification d'un visa de long séjour et que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver M. A... d'aucune garantie, et enfin, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions.
8. Comme il a été vu, l'article 9 de la convention franco-congolaise subordonne la délivrance du titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant " à l'octroi d'un visa de long séjour, prévu à l'article 4 de la même convention.
9. Il ressort des pièces du dossier que la préfète de l'Ain, pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour en qualité d'étudiant, s'est fondé sur l'absence de production par l'intéressé d'un visa de long séjour, alors que la possession d'un document de circulation pour étranger mineur n'équivaut pas à un tel visa. Faute de détenir un tel visa, il ne satisfaisait pas aux exigences des articles 9 et 4 de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993. S'il soutient être pris en charge par son oncle et disposer de moyens de subsistance suffisants, une telle circonstance est ici sans aucun effet utile. Par suite, et quand bien même remplirait-il les conditions pour bénéficier d'un visa long séjour, aucune erreur de droit ne saurait être retenue ici.
10. Par ailleurs, la préfète qui a examiné la possibilité de déroger à l'absence de visa de long séjour, alors qu'elle n'y était pas tenue, n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en relevant qu'à la date de la demande il ne suivait pas d'études supérieures en France et qu'il pouvait solliciter un visa long séjour dans son pays d'origine, voire y poursuivre ses études.
11. Aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. "
12. Le principe de non-discrimination garanti par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par cette convention et ses protocoles additionnels. L'article 2 du premier protocole additionnel à cette convention stipule que " nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction ". En se bornant à refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui ne justifiait pas des conditions requises pour son obtention, la préfète de l'Ain n'a pas méconnu ces stipulations.
13. M. A... soutient également que la décision attaquée méconnaîtrait son droit à la scolarisation, garanti par les articles L. 111-1 du code de l'éducation, et l'article 14 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne. Toutefois, cette décision n'a pas pour objet de restreindre le droit de M. A... à l'instruction, rien ne faisant notamment obstacle à ce qu'il poursuivre sa scolarité en république du Congo. La Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 ne faisant pas partie des textes diplomatiques ratifiés par la France dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution, le requérant ne saurait davantage utilement invoquer que l'arrêté qu'il conteste méconnaîtrait les stipulations de son article 26.
14. Il résulte de ce qui précède que, par les moyens invoqués, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY01307
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