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08/12/2022 | FRANCE | N°21LY02330

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 08 décembre 2022, 21LY02330


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2020 par lequel le préfet de Saône et Loire a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant vingt-quatre mois et de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2003266 du 1er juillet 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une

requête enregistrée le 6 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Rothdiener, demande à la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2020 par lequel le préfet de Saône et Loire a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant vingt-quatre mois et de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2003266 du 1er juillet 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Rothdiener, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les arrêtés contestés ;

2°) d'ordonner avant dire droit afin d'authentifier auprès des services consulaires guinéens ou tout autre service compétent l'acte de naissance, les jugements supplétifs et, la carte consulaire et l'attestation consulaire ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ; il a omis de statuer sur différentes conditions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il faisait état, ne retenant que la fraude documentaire ; il est insuffisamment motivé ;

- il y a violation de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en raison d'une erreur de droit, une erreur de fait sur la fraude documentaire et d'une erreur manifestation d'appréciation, sur ces liens familiaux au pays, sur le caractère réel et sérieux de sa formation ;

- le refus de délai de départ volontaire est entaché d'un défaut de motivation et d'erreur relative à une prétendue fraude documentaire ;

- l'interdiction de retour doit être annulée par voie de conséquence ; elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la procédure contradictoire n'a pas été respectée.

La requête a été communiquée au préfet de Saône et Loire qui a produit le rapport de la police de l'air aux frontières.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen indiquant être né le 5 octobre 2001 et entré en France en octobre 2017, a fait l'objet des arrêtés du préfet de Saône et Loire du 9 novembre 2020, visés plus haut. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal a retenu que, faute de justifier de son âge, M. A... ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ne se prononçant pas sur les autres conditions posées par cet article, dont l'intéressé se prévalait, il n'a donc commis aucune irrégularité.

Sur le refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

4. D'une part, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". D'autre part, l'article L. 111-6 du même code alors en vigueur dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger et rédigé dans les formes usitées dans le pays concerné peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

5. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle.

6. Pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Saône et Loire s'est fondé sur le caractère frauduleux des actes d'état civil qu'il a produits, ainsi que sur le fait qu'il n'établissait pas le caractère réel et sérieux de sa formation, et qu'il ne démontrait pas ne plus avoir de lien avec sa famille restée en Guinée.

7. Pour justifier de son identité, M. A... a produit sa carte consulaire guinéenne délivrée le 10 septembre 2018, un premier jugement supplétif, tenant lieu d'acte de naissance, en date du 15 juin 2018 et un extrait du registre d'acte d'état civil n° 3041 du 26 juin 2018. L'authenticité de ces actes a été remise en cause par l'analyste en fraude documentaire dans un rapport du 30 janvier 2020. Une carte consulaire est un document d'identité ne disposant d'aucune force probante particulière. Il apparaît que l'extrait du registre de l'état civil et le jugement du 15 juin 2018 sont imprimés au toner sur du papier ordinaire, dépourvu de sécurité, et présentent des traces d'éclaboussures. Les cachets apposés sur ces documents sont de fabrication artisanale. Les documents présentent des fautes d'orthographe et des incohérences. Ils ne peuvent être pris en compte comme éléments déterminant l'identité de M. A.... S'agissant du jugement supplétif du 30 décembre 2020 et de l'acte de naissance du 14 janvier 2021, produits en première instance, l'extrait du registre de l'état civil (naissance) n'indique pas les lieux et dates de naissance des père et mère de M. A..., alors que ces mentions doivent figurer dans un tel document en application du droit civil guinéen. Dans ces conditions, et eu égard à ces anomalies, aucune de ces nouvelles pièces ne permet de déterminer l'identité du demandeur. Dans ces conditions, faute d'être en mesure de connaître l'identité exacte et l'âge de M. A..., le préfet de Saône et Loire pouvait refuser de délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition doit être écarté.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

8. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document ; (...) ".

9. La décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire vise les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle également les éléments de fait relatifs à la situation de M. A.... Elle est ainsi suffisamment motivée.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait en l'absence de fraude documentaire doit être écarté.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. / (...) ".

12. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de cette annulation.

13. Il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, reprenant les anciennes dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 de ce code, ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre d'une interdiction de retour sur le territoire français.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Saône et Loire.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY02330

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02330
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : ROTHDIENER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-08;21ly02330 ?
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