La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2022 | FRANCE | N°20LY02623

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 08 décembre 2022, 20LY02623


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Société rozieroise de construction a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les titres exécutoires d'un montant de 25 150,95 euros et 8 524, 80 euros émis à son encontre par la commune de Saint-Etienne, respectivement, les 25 juin 2015 et 26 mai 2016, ainsi que l'opposition à tiers détenteur émise le 18 décembre 2018 par la trésorerie municipale de Saint-Etienne pour le recouvrement de la somme de 33 675,75 euros, et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par jugemen

t n° 1900470 du 6 juillet 2020, le tribunal a annulé les titres exécutoires et r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Société rozieroise de construction a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les titres exécutoires d'un montant de 25 150,95 euros et 8 524, 80 euros émis à son encontre par la commune de Saint-Etienne, respectivement, les 25 juin 2015 et 26 mai 2016, ainsi que l'opposition à tiers détenteur émise le 18 décembre 2018 par la trésorerie municipale de Saint-Etienne pour le recouvrement de la somme de 33 675,75 euros, et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par jugement n° 1900470 du 6 juillet 2020, le tribunal a annulé les titres exécutoires et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2020, la commune de Saint-Etienne, représentée par Me Saban, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a annulé les titres exécutoires émis les 25 juin 2015 et 26 mai 2016 ;

2°) de rejeter la demande ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la Société rozieroise de construction à lui verser les sommes de 25 150,95 euros et 8 524, 80 euros majorées des intérêts au taux légal ;

4°) de mettre à la charge de la Société rozieroise de construction la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande était irrecevable dès lors qu'elle a été présentée plus d'un an après le 11 mars 2015, date à laquelle la société a manifesté sa connaissance de sa dette ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les titres exécutoires n'étaient pas réguliers pour ne pas comporter le nom, le prénom et la qualité du signataire, alors que ces mentions figurent sur les titres ;

- subsidiairement, la Société rozieroise de construction demeure redevable des sommes de 25 150,95 euros et 8 524, 80 euros majorées des intérêts au taux légal à raison de l'utilisation faite par la société de la voierie.

Par mémoire enregistré le 29 octobre 2020, la Société rozieroise de construction, représentée par Me Bertrand-Hebrard demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharger des sommes mises en recouvrement par les titres annulés ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande était recevable dès lors que la commune de Saint-Etienne n'établit pas la date à laquelle les titres exécutoires lui ont été notifiés, ni qu'elle en aurait eu connaissance avant la date d'introduction de la demande ;

- les bulletins de liquidation produits par la commune ne sont pas signés par l'ordonnateur et sont dépourvus de formule exécutoire ;

- ils ne se réfèrent à aucun fondement juridique ;

- la facturation n'a pas été faite séparément pour chacun des droits concernés ;

- elle n'a pas été informée des bases de la liquidation de la créance de la commune.

Par une lettre du 21 octobre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office, dans l'hypothèse d'un rejet de l'appel principal, l'irrecevabilité des conclusions reconventionnelles de la commune de Saint-Etienne devant le tribunal administratif tendant à ce que la Société rozieroise de construction soit condamnée à lui verser les sommes de 25 150,95 euros et 8 524, 80 euros, dès lors que la commune dispose de la faculté de rendre exécutoire un titre de recettes régulier en la forme.

La Société rozieroise de construction a présenté des observations en réponse à ce moyen d'ordre public le 2 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Barbier pour la commune de Saint-Etienne, et celles de Me Bertrand Hebrard pour la Société rozieroise de construction.

Considérant ce qui suit :

1. La Société rozieroise de construction, qui exerce une activité de maçonnerie générale et de génie civil, a sollicité, dans le cadre de travaux de démolition et de reconstruction d'un immeuble situé 16 boulevard Jules Janin à Saint-Etienne (Loire), l'autorisation d'occuper le domaine public du 22 avril 2014 au 4 mai 2014, du 5 mai 2014 au 31 juillet 2014, du 1er août 2014 au 30 novembre 2014 et du 1er décembre 2014 au 6 février 2015. Par des arrêtés des 18 avril 2014, 16 avril 2014, 30 septembre 2014 et 28 janvier 2015, le maire de Saint-Etienne lui a accordé l'autorisation sollicitée en l'informant que des droits de 1 479,60 euros, 10 344,15 euros, 14 806,80 euros et 8 524,80 euros seraient ultérieurement mis à sa charge en contrepartie de cette occupation. La Société rozieroise de construction n'a réglé que la première de ces sommes. Elle a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les titres exécutoires d'un montant de 25 150,95 euros et 8 524, 80 euros émis à son encontre par la commune de Saint-Etienne, respectivement, les 25 juin 2015 et 26 mai 2016, pour le paiement des droits correspondant aux périodes du 5 mai 2014 au 6 février 2015, ainsi que l'opposition à tiers détenteur émise à son encontre le 18 décembre 2018 par la trésorerie municipale de Saint-Etienne pour le recouvrement de la somme de 33 675,75 euros. Par jugement du 6 juillet 2020, le tribunal a annulé les titres exécutoires et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La commune de Saint-Etienne relève appel de jugement en tant qu'il a fait droit à la demande.

Sur les titres de recettes :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " 2° L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale (...) pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ", tandis qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". La méconnaissance de l'obligation ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion, prévu par le 2° de l'article L. 1617-5 précité du code général des collectivités territoriales, soit opposable au débiteur.

3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

4. Il ne résulte pas de l'instruction que les titres exécutoires émis, respectivement, les 25 juin 2015 et 26 mai 2016, auraient été notifiés à la Société rozieroise de construction. Ni la circonstance que la société, qui, ainsi qu'il a été mentionné au point 1, avait été informée par les arrêtés des 18 avril 2014 et 16 avril 2014 que des titres de recettes seraient ultérieurement émis pour mettre à sa charge des droits d'occupation du domaine public, a sollicité, le 3 décembre 2014, le dégrèvement de ces droits, ni le fait qu'elle ait fait référence, dans un courrier électronique adressé à la commune le 11 mars 2015, à " différents courriers relatant des frais de voierie très importants ", ne sauraient être regardés comme manifestant que cette société avait connaissance des titres exécutoires qui n'ont été émis que postérieurement à ces correspondances.

5. Il résulte, en outre, de l'instruction que le premier acte de poursuite porté à la connaissance de la Société rozieroise de construction est constitué par l'opposition à tiers détenteur notifiée le 18 décembre 2018 par la trésorerie municipale de Saint-Etienne à l'établissement bancaire titulaire des comptes de la société, ce dont cette dernière a été informée le 2 janvier 2019. Par suite, la demande introduite par la société devant le tribunal administratif de Lyon, le 18 janvier 2019 n'était pas tardive. Il s'ensuit que la commune de Saint-Etienne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a regardé la demande de la Société rozieroise de construction comme recevable.

6. En deuxième lieu, d'une part, de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " 4° En application de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions combinées que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif doivent mentionner les nom, prénoms et qualité de l'auteur de cette décision, de même, par voie de conséquence, que l'ampliation adressée au redevable. A cet égard, tout titre de recette exécutoire comprend quatre volets dont le premier, formant bulletin de perception permettant de suivre le recouvrement de la créance, est adressé au comptable public, le deuxième est annexé au compte de gestion de la collectivité locale, le troisième, formant avis des sommes à payer, est adressé au débiteur, et le quatrième, formant bulletin de liquidation, est conservé par l'ordonnateur. Pour l'application de l'article L. 111-2 précité du code des relations entre le public et l'administration, il appartient à la personne publique qui a émis un titre exécutoire, dans le cas où l'avis des sommes à payer reçu par son destinataire n'est pas signé et n'indique pas le nom, le prénom et la qualité de son auteur, d'établir que l'un des trois autres volets du titre en cause comporte ces mentions ainsi que la signature de l'ordonnateur ou de son délégué.

8. Or, il résulte de l'instruction que les bordereaux restés en possession de la commune de Saint-Etienne, et produits pour la première fois en appel, comportent de manière lisible la mention des prénom et nom de l'ordonnateur, M. A... C..., ainsi que celle de sa qualité de maire. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé les titres exécutoires au motif que les copies informatiques du bordereau de ces deux titres étaient dépourvues de la mention du nom, du prénom et de la qualité du signataire.

9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société devant le tribunal administratif de Lyon et devant la cour.

10. Il résulte des dispositions citées au point 7 qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de son auteur.

11. En l'espèce, la commune de Saint-Etienne, qui se borne à produire les bulletins de liquidation recette qui ne sont pas signés par leur auteur, ne justifie pas que les bordereaux des titres de recettes correspondant comportaient la signature de cet auteur. Dans ces conditions, la Société rozieroise de construction est fondée à soutenir que les titres exécutoires sont irréguliers et à en demander l'annulation pour ce motif.

12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Etienne n'est

pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal

administratif de Lyon a annulé les titres exécutoires d'un montant de 25 150,95 euros et 8 524, 80 euros qu'elle a émis, respectivement, les 25 juin 2015 et 26 mai 2016.

Sur le surplus des conclusions de la commune de Saint-Etienne et l'appel incident de la Société rozieroise de construction :

13. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. En l'espèce, si l'irrégularité formelle censurée au point 11 fait obstacle à ce que la commune de Saint-Etienne poursuive le recouvrement des sommes de 25 150,95 euros et 8 524,80 euros sur le fondement des titres litigieux, cette irrégularité n'implique pas que la Société rozieroise de construction soit déchargée de l'obligation de payer ces sommes. Dans ces conditions, la commune, qui conserve la possibilité d'émettre un titre exécutoire pour recouvrer sa créance à l'encontre de la Société rozieroise de construction, n'était pas recevable à en saisir directement le juge administratif. Par suite, ses conclusions tendant à ce que la Société rozieroise de construction soit condamnée à lui verser les sommes de 25 150,95 euros et 8 524, 80 euros correspondant aux droits d'occupation du domaine public ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

14. Par les motifs qui viennent d'être exposés, la censure de l'irrégularité des titres émis à son encontre ne libère pas la Société rozieroise de construction de l'obligation de payer la redevance d'occupation du domaine public. Il suit de là qu'elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande de décharge.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de sommes la Société rozieroise de construction, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Saint-Etienne au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Société rozieroise de construction et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Etienne est rejetée.

Article 2 : La commune de Saint-Etienne versera à la Société rozieroise de construction une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Etienne et à la Société rozieroise de construction.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 8 décembre 2022.

La rapporteure,

A. B...Le président,

Ph.Arbarétaz

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 20LY02623


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02623
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-03-02-01-01 Comptabilité publique et budget. - Créances des collectivités publiques. - Recouvrement. - Procédure. - État exécutoire.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : BERTRAND HEBRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-08;20ly02623 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award