Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 novembre 2021 et 27 septembre 2022 (non communiqué), la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :
1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 20 septembre 2021 par lequel le maire de Gaillard a délivré à la SCI La Châtelaine un permis de construire en vue de l'extension d'un magasin alimentaire à l'enseigne " Intermarché " d'une surface de vente totale de 3 830 m² sur le territoire de la commune ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Gaillard et de l'Etat des sommes de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle dispose d'un intérêt à agir et que sa requête est recevable ;
- le pétitionnaire n'a pas pris en compte les motifs figurant dans le premier avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) ; l'article L. 752-21 du code de commerce a été méconnu ;
- l'avis de la CNAC est insuffisamment motivé ;
- le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale est incomplet et méconnaît l'article R. 752-6 du code de commerce ; ainsi, le demandeur a transmis aux commissions compétentes des informations insuffisantes concernant les flux de circulation ;
- le projet est incompatible avec les objectifs du Scot de la région d'Annemasse ;
- le projet méconnaît les articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce dès lors qu'il aura un impact négatif sur l'animation de la vie urbaine, qu'il aura un impact significatif sur les flux de circulation et qu'il présente des efforts insuffisants en terme de développement durable et de protection des consommateurs.
Par un mémoire, enregistré le 20 mai 2022, la SCI La Châtelaine, représentée par Me Debaussart, conclut à l'irrecevabilité et au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la requête est irrecevable et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté sous format papier a été enregistré le 25 mai 2022 pour la commune de Gaillard qui n'a pas été régularisé sur le fondement de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, malgré la mise en demeure de la cour.
Une ordonnance du 29 août 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 30 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me Ducros pour la SAS Casino Distribution France et de Me Untermaier pour la SCI La Châtelaine ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 21 janvier 2021, la SCI La Châtelaine a déposé auprès de la mairie de Gaillard une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale portant sur l'extension d'un magasin alimentaire à l'enseigne " Intermarché " d'une surface de vente totale de 3 830 m² situé 5 rue René Cassin - ZAC de la Châtelaine. Saisie en vertu des dispositions de l'article L. 751-21 du code de commerce, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a émis, le 15 avril 2021, un avis favorable au projet. Par un arrêté du 20 septembre 2021, le maire de Gaillard a délivré à la SCI La Châtelaine un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour le projet susvisé. La SAS Distribution Casino France, qui exploite un supermarché à l'enseigne " Géant Casino " à Annemasse et un supermarché à l'enseigne " Casino " à Gaillard situés au sein de la zone de chalandise du projet, demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.
Sur la recevabilité du mémoire présenté par la commune de Gaillard le 25 mai 2022 :
2. Aux termes de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative : " (...) Les parties et mandataires inscrits dans l'application doivent adresser tous leurs mémoires et pièces au moyen de celle-ci, sous peine de voir leurs écritures écartées des débats à défaut de régularisation dans un délai imparti par la juridiction. (...)".
3. La commune de Gaillard a adressé à la cour un mémoire en défense sous format papier le 25 mai 2022. Une invitation à régulariser ce mémoire par le biais de l'application " Télérecours " a été adressée à la commune le 8 juin 2022, courrier dont elle a accusé réception le jour même à 13 heures 55. En l'absence de régularisation dans le délai d'un mois imparti et avant la clôture de l'instruction intervenue le 30 septembre 2022, ce mémoire et les pièces y afférents doivent être écartés des débats en application des dispositions précitées.
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Gaillard du 20 septembre 2021 :
En ce qui concerne la motivation de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial :
4. Aux termes de l'article R. 752-38 du code du commerce : " (...) L'avis ou la décision est motivé, signé par le président et indique le nombre de votes favorables et défavorables ainsi que le nombre d'abstentions. "
5. L'obligation de motivation prévue par ces dispositions n'implique pas que la Commission nationale soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. La Commission nationale, dans son avis du 15 avril 2021, a mentionné les textes applicables, en particulier l'article L. 752-6 du code de commerce, et a énoncé les considérations de fait qui, au regard des critères d'appréciation définis par cet article, l'ont conduite à se prononcer en faveur du projet. Elle a ainsi suffisamment motivé son avis. Celui-ci ne saurait être insuffisamment motivé pour la seule circonstance qu'il ne fait pas état de la compatibilité du projet avec le Scot d'Annemasse et des garanties apportées par le pétitionnaire portant sur la réalisation des aménagements routiers nécessaires à la desserte sécurisée du site dès lors que la CNAC n'était pas tenue de répondre à l'ensemble des griefs formulés par la requérante. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'avis de la CNAC doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce :
6. Aux termes de l'article L. 752-21 du code de commerce : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale. / Lorsque la nouvelle demande ne constitue pas une modification substantielle au sens de l'article L. 752-15 du présent code, elle peut être déposée directement auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial. "
7. Il ressort des pièces du dossier que la première demande soumise par la SCI La Châtelaine portant sur l'extension de l'hypermarché " Intermarché " en litige avait donné lieu à un avis défavorable de la CNAC le 9 juillet 2020 en raison de l'absence d'amélioration de l'isolation du bâtiment proposé par le pétitionnaire, l'absence d'extension des espaces verts et l'absence de système de récupération des eaux pluviales. Il ressort des propres écritures de la requérante que ce dernier grief a été pris en compte dans le projet en litige dès lors qu'une cuve de récupération des eaux pluviales de toiture d'une capacité de 20 m³ sera installée et utilisée pour l'arrosage des espaces verts. Il ressort en outre des pièces du dossier et notamment de l'étude Acrobat portant " notice énergétique et environnementale " que le projet en cause prévoit également le renforcement de l'isolation en toiture du bâtiment constituée d'une laine de roche de 800 mm par la mise en place d'une isolation complémentaire de 80 mm en polystyrène expansé, ainsi que d'autres travaux tels que le passage en éclairage de type Led et le changement des meubles froids par des meubles fermés par des portes qui permettront une réduction de l'ordre de 30 % de la dépense de chauffage, la consommation énergétique du bâtiment étant quant à elle réduite de l'ordre de 20%. Il ressort de ces éléments que la société pétitionnaire a suffisamment pris en compte les motifs de l'avis défavorable rendu sur sa première demande. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce doit, en conséquence, être écarté.
En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation :
8. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / 1° Informations relatives au projet : / a) Pour les projets de création d'un magasin de commerce de détail : la surface de vente et le secteur d'activité ; / b) Pour les projets de création d'un ensemble commercial : / - la surface de vente globale ; / - la surface de vente et le secteur d'activité de chacun des magasins de plus de 300 mètres carrés de surface de vente ; / - l'estimation du nombre de magasins de moins de 300 mètres carrés de surface de vente et de la surface de vente totale de ces magasins ; / (...) 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; / (...) c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes (...) g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ; / (...) 6° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs, incluant les éléments suivants : / (...) / d) Evaluation des risques naturels, technologiques ou miniers et, le cas échéant, description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs ; / (...) ".
9. La circonstance que le dossier de demande d'autorisation ne comporterait pas l'ensemble des éléments exigés par les dispositions précitées, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
10. En premier lieu, si la requérante soutient que le pétitionnaire a transmis à la CNAC des informations insuffisantes concernant les flux de circulation en l'absence notamment d'étude de trafic, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale comprend une étude de trafic réalisée par le cabinet CeRyX Trafic System qui a évalué les réserves de capacité des aménagements routiers desservant le projet aux heures de pointe, notamment à l'heure de pointe la plus chargée du vendredi, et a fait état de la répartition modale des usagers à savoir que la part de voiture a été évaluée à 80%, celle des deux-roues à 15% et celle des piétons à 5%. L'évaluation moyenne journalière des flux générés par le projet a conclu que l'augmentation des flux de véhicules générée par le projet sera limitée à 1,5% du flux actuel. S'agissant de deux points de compression du trafic, l'étude de trafic souligne que le giratoire, permettant l'accès au site, ne présente pas de difficultés de circulation, hormis sur la branche de la RD46, où la réserve de capacité est évaluée à 27% et que le carrefour à feux présente une réserve de capacité de 19% correspondant à un état qui permet de fonctionner sans saturation avec des files d'attente qui s'annulent à chaque cycle. Si la requérante estime que des aménagements routiers sont nécessaires pour assurer une desserte sécurisée du site, à savoir une optimisation du carrefour par un nouveau phasage des feux, qui permettrait de gagner 8% de capacité sur l'ensemble du carrefour, ainsi qu'une sortie à deux voies du giratoire sur la RD19 Nord, ces aménagements sont uniquement préconisés par l'étude qui ne conclut pas à leur nécessité pour assurer une meilleure fluidité du trafic. La requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que cette étude serait insuffisante et partielle et qu'elle n'aurait pas permis à la CNAC de se prononcer en toute connaissance de cause sur ce point.
11. En deuxième lieu, la SAS Distribution Casino France soutient que le dossier de demande n'apporte pas suffisamment d'informations sur les véhicules de livraison. Toutefois, ce dossier fait état de ces livraisons en précisant qu'elles auront lieu de nuit, grâce à des sas de livraison fermés, les produits frais étant livrés entre 5h et 7h pour une mise en rayon immédiate. Si les accès seront les mêmes que les véhicules particuliers jusqu'à l'entrée de la zone de la Châtelaine, il est prévu que les camions empruntent ensuite une autre voie pour faire le tour de la zone et stationner le long des réserves sans avoir à couper la voie, avant de manœuvrer pour rentrer dans le bâtiment. Il est également prévu qu'en cas d'attente ou pour un déchargement sans quai, ils bénéficieront d'une aire réservée, hors des voies de circulation, qui sera prise sur 9 places de stationnement réservées actuellement au personnel. Il ne ressort pas de ces éléments que les informations ainsi communiquées étaient insuffisantes pour permettre à la CNAC de se prononcer sur ce point.
12. En troisième lieu, les aménagements concernant le giratoire et le carrefour à feux étant uniquement préconisés par l'étude de trafic mais non obligatoires pour assurer la sécurité de la desserte du projet, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les garanties de financement et de réalisation effective des aménagements nécessaires à la desserte du projet ne sont pas suffisamment présentées.
En ce qui concerne l'incompatibilité du projet en litige avec le Schéma de cohérence territoriale d'Annemasse-les-Voirons :
13. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale (SCoT), mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent pris dans leur ensemble.
14. Il est constant que le projet en cause est situé en périphérie, à environ 1,1 kilomètre du centre-ville de la commune de Gaillard, à environ 4 kilomètres au sud de la commune d'Annemasse et à 5 kilomètres de la ville de Genève et qu'il entraînera une augmentation de 27 % de la surface de vente de l'hypermarché. Le projet est situé dans la ZAC de la Châtelaine correspondant à un pôle spécifique d'activités de périphérie existants au sens du Scot d'Annemasse-les-Voirons, pour lesquels ce document préconise " d'une manière générale, le développement commercial futur dans les pôles spécifiques d'activités " périphérie " existants ne devra pas compromettre le maintien d'une fonction commerciale attractive dans les centralités urbaines du territoire. D'une manière générale, il s'agira de profiter des opportunités de développement des activités dans ces différents pôles économiques pour améliorer qualitativement leur aménagement et leur image, mais aussi les conditions d'accès et de circulation au sein de ces pôles si nécessaire, dans le cadre d'une approche stratégique globale sur l'évolution à long terme de l'ensemble du pôle. En particulier, les projets de nouvelles constructions ou de requalification de bâti existant devront apporter une véritable plus-value sur le plan architectural et paysager, par rapport au préexistant. Une consommation plus économe du foncier par les bâtiments d'activités et par leurs surfaces de stationnement sera recherchée. " Le projet, dont il n'est pas établi qu'il compromettra l'attractivité du centre-ville de Gaillard, situé à proximité, dont le taux de vacance commerciale est inférieur à 8%, vise à moderniser et étendre un bâtiment existant, datant de 1985, en apportant une offre de produits diversifiée à la clientèle par des gammes alimentaires élargies notamment en produits biologiques et locaux et en améliorant le confort apporté à celle-ci répondant ainsi aux objectifs susmentionnés. Il répond en outre à l'objectif également visé par le Scot en cause de favoriser le maintien et / ou le développement d'une fonction commerciale attractive sur ces pôles. Le projet litigieux n'est ainsi incompatible avec aucun de ces objectifs. Le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le document d'orientation et d'objectif du SCoT d'Annemasse-les-Voirons doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce :
15. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.(...) ".
16. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
S'agissant de l'aménagement du territoire :
17. Il ressort des pièces du dossier que la population de la zone de chalandise (incluant plusieurs communes suisses) est en progression de +14,9 % entre 2008 et 2018 et il n'est pas contesté que 60% de la clientèle du magasin " Intermarché " en litige vient de Suisse. Il ressort de l'analyse d'impact produite au dossier que la zone de commerce de proximité la plus proche du projet est situé dans le centre historique de Gaillard dans lequel le taux de vacance commerciale est modéré. L'impact sur le commerce existant sera en outre atténué par le fait que le projet en cause ne concerne qu'une extension d'un magasin existant depuis 1985. Le pétitionnaire fait également valoir, sans être contredit, qu'au vu de la particularité des commerces alimentaires de la commune de Gaillard, le projet n'apportera pas de concurrence à ce type de commerces. En outre, les conditions de circulation qui ne seront pas dégradées dans le secteur du projet n'impliquant aucun aménagement routier, la requérante n'est pas fondée à s'en prévaloir. Dans ces conditions, il n'est pas établi que ce projet aura un effet négatif sur l'animation de la vie urbaine.
S'agissant du développement durable :
18. Si la requérante fait valoir que le projet présente des efforts insuffisants en terme de développement durable et que la qualité environnementale du projet reste insuffisante, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit 349 places de stationnement dont 38 places en extérieur qui seront traitées en pavés type Ecovégétal permettant une infiltration des eaux pluviales, une rénovation des façades du bâtiment et l'installation de 1 655 m² de panneaux photovoltaïques sur la toiture du nouveau parc de stationnement permettant la couverture de 18% des besoins énergétiques du magasin. En outre, il n'engendrera aucune imperméabilisation supplémentaire des sols et il a été rappelé que le renforcement de l'isolation permettra une réduction de l'ordre de 30% de la dépense en chauffage. Enfin, la surface affectée aux espaces verts s'étendra sur 10,3% de l'emprise foncière du projet. Par suite, le projet litigieux ne peut être regardé comme méconnaissant les objectifs fixés par le législateur en matière de développement durable.
S'agissant de la protection des consommateurs :
19. Contrairement à ce que soutient la requérante, le projet vise à améliorer le confort de la clientèle et à proposer une gamme de produits diversifiés incluant le recours à des producteurs locaux. Un stand de vente en direct au consommateur sera en outre mis à la disposition des producteurs locaux. Le pétitionnaire fait valoir, sans être contesté, avoir conclu des partenariats avec des producteurs ainsi qu'en atteste la liste de ces fournisseurs incluse dans le dossier de demande. Par suite, il n'est pas établi que le projet méconnaîtrait les objectifs en matière de protection des consommateurs.
20. Par les griefs qu'elle invoque, la société requérante ne démontre pas que la CNAC aurait porté une appréciation erronée sur la conformité du projet aux différents critères visés par les dispositions précitées du code de commerce.
21. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la SCI La Châtelaine, que la SAS Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2021 par lequel le maire de Gaillard a délivré à la SCI La Châtelaine un permis de construire en vue de l'extension d'un magasin alimentaire à l'enseigne " Intermarché " d'une surface de vente totale de 3 830 m² sur le territoire de la commune.
Sur les frais liés à l'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par la SAS Distribution Casino France au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance.
23. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement de la somme de 5 000 euros à la SCI La Châtelaine, au titre des frais exposés par elle sur ce fondement dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Distribution Casino France est rejetée.
Article 2 : La SAS Distribution Casino France versera à la SCI La Châtelaine une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Distribution Casino France, à la commune de Gaillard, à la SCI La Châtelaine, à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er décembre 2022.
La rapporteure,
V. Rémy-NérisLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY03708
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