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30/11/2022 | FRANCE | N°21LY03304

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 30 novembre 2022, 21LY03304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 3 septembre 2020 par lesquelles le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2100155 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistré

e le 13 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Brey, avocate, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 3 septembre 2020 par lesquelles le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2100155 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Brey, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2021 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Yonne du 3 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocate de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- elle est procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2022, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Cano (SELARL Centaure avocats), avocat, conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 septembre 2021.

Par une ordonnance du 23 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

- et les observations de Me Ioannidou, avocate, pour le préfet de l'Yonne ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... relève appel du jugement du 3 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Yonne du 3 septembre 2020 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain, dispose, dans sa rédaction alors applicable, que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". La première délivrance d'un tel titre est subordonnée à la production par le demandeur d'un visa de long séjour, en application de l'article L. 313-2 du même code. Toutefois, selon l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ".

3. Le préfet de l'Yonne a, dans son arrêté, relevé que M. A... n'a pas produit de visa de long séjour et qu'il n'est pas en mesure de justifier d'une entrée régulière sur le territoire français. Il résulte des dispositions rappelées ci-dessus qu'il pouvait, pour ces seuls motifs, rejeté la demande dont il était saisi par M. A... en qualité de conjoint d'une ressortissante française, sans qu'il lui appartienne d'examiner l'existence de circonstances particulières. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 4° doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, si le préfet dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation, en délivrant un titre de séjour à un ressortissant étranger qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit, il ne ressort pas des pièces du dossier, nonobstant les difficultés de circulation inhérentes à la situation sanitaire, que le préfet de l'Yonne aurait, en l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de ce pouvoir, compte tenu de ce qui est indiqué au point 6 du présent arrêt.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose par ailleurs que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

6. M. A..., ressortissant marocain né le 1er février 1986, est entré, d'après ses déclarations, au mois de février 2018 en France, après avoir vécu, à compter de 2016, en Espagne. Toutefois, à supposer même la réalité de ce séjour établie, il ne résidait, à la date de la décision litigieuse, que depuis deux ans sur le territoire français, après avoir vécu, à tout le moins, jusqu'à l'âge de trente ans dans son pays d'origine, où demeurent, sans qu'il ne le conteste, ses parents et une partie de sa fratrie. S'il était alors marié avec une ressortissante française, leur mariage, célébré le 2 novembre 2019, était ainsi particulièrement récent, sans qu'il ne démontre l'antériorité de leur relation et sans qu'aucun enfant n'en soit issu. Enfin, il ne peut se prévaloir ni d'une promesse d'embauche, postérieure à la décision en litige, ni, par les quelques témoignages qu'il produit, d'aucune insertion particulière. Dans ces conditions, nonobstant la présence en France de certains membres de sa fratrie et d'autres membres de sa famille, tels que des cousins, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Yonne a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations et dispositions précitées.

7. En quatrième lieu, si M. A... cite l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'y statuer.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, comme indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre doit être écarté.

9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus mentionnés, M. A..., qui n'a pas développé d'autres arguments, n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle procède d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

10. Enfin, il ne saurait utilement se prévaloir de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales à l'encontre de cette décision, qui n'a pas pour objet de fixer la destination de son éloignement.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

11. Comme il a été indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... et celle lui faisant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces décisions doit, en tout état de cause, être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

13. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2022.

La rapporteure,

Sophie CorvellecLe président,

Gilles Fédi

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03304
Date de la décision : 30/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-30;21ly03304 ?
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