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24/11/2022 | FRANCE | N°22LY02198

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 24 novembre 2022, 22LY02198


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois ;

- d'autre part, d'enjoindre à cette autorité

de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2202368 du 8 juillet 2022, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois ;

- d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2202368 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I) Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2022 sous le n° 22LY02198, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2202368 du tribunal administratif de Lyon du 8 juillet 2022 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de huit jours à compter de la date de notification de l'arrêt, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, subsidiairement, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît les articles L. 423-22, L. 423-23 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit à une vie privée et familiale ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la fixation du pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée ; elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

Par une ordonnance du 6 octobre 2022, le président de la cour a rejeté le recours formé par M. A... contre la décision du 24 août 2022 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel) a rejeté la demande de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

II) Par requête enregistrée le 20 juillet 2022 sous le n° 22LY02204, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement n° 2202368 du tribunal administratif de Lyon du 8 juillet 2022 ;

2°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'il a fait valoir au soutien de sa requête tendant à l'annulation du jugement des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de la décision en litige, que l'exécution de ce jugement l'exposerait à des conséquences difficilement réparables et qu'il existe une urgence la mesure d'éloignement pouvant être exécutée à tout moment.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

Par une ordonnance du 6 octobre 2022, le président de la cour a rejeté le recours formé par M. A... contre la décision du 24 août 2022 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel) a rejeté la demande de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- et les observations de Me Firmin, pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 23 août 2001 à Conakry (République de Guinée), entré en France le 17 février 2017, selon ses déclarations, a été confié à l'aide sociale à l'enfance le 31 mars 2017. Il a sollicité, le 30 janvier 2019, la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 14 octobre 2021, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois. En premier lieu, M. A..., par sa requête enregistrée sous le n° 22LY02198, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. En second lieu, par sa requête enregistrée sous le n° 22LY02204, il conclut également à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 22LY02198 aux fins d'annulation du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. " Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident longue durée - UE " ".

4. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.

5. Comme l'ont relevé les premiers juges, le préfet du Rhône, appréciant de façon globale la situation de M. A..., a constaté, en premier lieu, que M. A... ne démontrait pas le caractère réel et sérieux du suivi de sa formation dès lors qu'au terme de la formation professionnelle qualifiante suivie de 2018 à 2021, il avait échoué à deux reprises à obtenir son CAP de boulanger, alors que ses résultats scolaires au titre des années 2018-2019 et 2019-2020 étant inférieurs à la moyenne du fait notamment d'un manque de travail et que les enseignants avaient relevé ses absences au premier semestre 2020-2021 faisant obstacle à son évaluation. Le préfet du Rhône a, en deuxième lieu, fait état de l'avis de la structure d'accueil établi le 14 septembre 2021 évoquant le caractère parfois impulsif de l'intéressé. Enfin, le préfet s'est fondé sur le constat de la présence de son père et d'une demi-sœur résidant dans son pays d'origine, avec lesquels M. A... n'avait jamais affirmé avoir rompu tout lien, notamment lors de son audition par les services de police lors d'une garde à vue. Dès lors, et nonobstant les circonstances dont le requérant fait état, tirés d'une perturbation de sa scolarité par la crise sanitaire, de la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel pour un emploi de livreur de pizzas et de ce qu'il n'aurait plus de lien avec sa famille dans son pays d'origine à la suite du décès de sa mère et du remariage de son père, sans toutefois affirmer ne pouvoir renouer des liens avec sa famille, le préfet du Rhône n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant d'admettre l'intéressé au séjour sur ce fondement. Il résulte de l'instruction que le préfet du Rhône aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif, à supposer même établie la circonstance que la présence de M. A... ne constituait pas une menace à l'ordre public malgré, d'une part, sa condamnation à une peine de quatre mois d'emprisonnement assortie d'un sursis simple pour des faits de violences aggravées, menace de crime ou de délit sur personne dépositaire de l'autorité publique et personne chargée d'une mission de service public et, d'autre part, une procédure en cours d'instruction pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis, circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à la sommation de s'arrêter.

6. En second lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de la méconnaissance des articles L. 423-23 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

7. Eu égard à ce qui précède l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours ne sont pas illégales par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour.

En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :

8. En premier lieu, eu égard à ce qui précède la fixation du pays de renvoi n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

9. En second lieu, sous réserve des risques encourus visés par les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions de cet article font obligation au préfet d'éloigner l'intéressé vers le pays dont il est ressortissant ou un État tiers où il serait admissible, ce qui exclut toute appréciation de sa part notamment de l'incidence de la mesure sur la vie privée et familiale. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, dirigée contre la désignation de la République de Guinée comme pays à destination duquel M. A... sera renvoyé d'office s'il ne quitte pas le territoire français est dépourvu de portée utile et doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

10. Les moyens déjà soulevés en première instance, tirés d'une insuffisante motivation de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire et de la violation des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande, au demeurant irrecevable en raison de sa tardiveté. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.

Sur la requête n° 22LY02204 aux fins de sursis à exécution :

12. Le présent arrêt statuant sur la requête de M. A... dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 22LY02198 de M. A... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. A... enregistrée sous le n° 22LY02204.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

2

Nos 22LY02198, 22LY02204

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02198
Date de la décision : 24/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : FIRMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-24;22ly02198 ?
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