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24/11/2022 | FRANCE | N°21LY03567

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 24 novembre 2022, 21LY03567


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 mars 2021 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours.

Par un jugement n° 2101095 du 7 octobre 2021, le tr

ibunal administratif de Dijon a fait droit aux conclusions de sa demande d'annulation de l'arrêté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 mars 2021 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours.

Par un jugement n° 2101095 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Dijon a fait droit aux conclusions de sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 mars 2021 et a enjoint au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer sa situation.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2021 et un mémoire enregistré le 21 septembre 2022, présentés pour le préfet de la Côte-d'Or, il est demandé à la cour d'annuler ce jugement

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il s'était fondé, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A..., sur des motifs qui n'apparaissaient pas de nature à la justifier légalement, dès lors qu'il ressort des investigations du service de la fraude documentaire que le passeport ainsi que les actes d'état civil remis par l'intéressé dans le cadre de sa demande de titre de séjour n'étaient pas authentiques et qu'il était donc fondé à considérer que l'identité du demandeur n'était pas établie.

Par un mémoire, enregistré le 24 octobre 2022, présenté pour M. A..., il conclut au rejet de la requête, et demande à la cour de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen soulevé par le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui se présente comme ressortissant soudanais né le 4 octobre 1984 à Krnoy (Soudan), est entré en France en août 2008 et y a sollicité l'asile. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 10 février 2009 puis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 1er septembre 2010 et sa demande de réexamen a été rejetée par une décision du 26 novembre 2010 de l'OFPRA puis par une décision de la CNDA du 4 avril 2012. Il a déposé, le 12 août 2015, une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 16 mars 2021, au vu d'un avis défavorable de la Direccte de Bourgogne-Franche-Comté du 29 novembre 2018 et d'un avis également défavorable de la commission du titre de séjour du 11 janvier 2021. Le préfet de la Côte-d'Or relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté.

2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ", lequel dispose que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. "

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

4. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a produit une attestation d'enregistrement délivrée par l'état-civil soudanais, présentée d'ailleurs comme une carte d'identité. Toutefois, ainsi qu'avaient pu le constater, le 19 septembre 2016, les services de la direction de coopération internationale de la police nationale au Soudan, ladite attestation, portant la mention de sa délivrance par l'ambassade de la République du Soudan à Rome, comportait pourtant le cachet de l'ambassade de la République du Soudan à Paris, ce qui était de nature à remettre en cause son authenticité alors, en outre, que l'ambassade du Soudan à Paris avait confirmé, sur demande de la préfecture du 10 juillet 2017, n'avoir pas délivré ce document. Les attestations établies par l'ambassade de la République du Soudan à Paris les 31 mars et 3 avril 2017, produites par M. A..., et attestant de la présentation de ce dernier dans les locaux de cette ambassade en août 2015 et de ce que le lieu d'établissement des passeports en Europe se trouve à Rome ne sont pas de nature à remettre en cause le constat de l'irrégularité de l'attestation d'enregistrement présentée à l'appui de la demande de titre de séjour. M. A... a également produit un passeport, délivré le 13 août 2015 à Rome, mentionnant comme lieu de naissance la ville de Krnoy, ainsi qu'un acte de naissance, établi le 7 décembre 1984, dans un format n'ayant plus cours à la date d'émission de son passeport comme l'ont constaté également, le 7 août 2016, les services de la direction de coopération internationale de la police nationale au Soudan, et mentionnant son lieu de naissance à Keli Keli et le lieu de déclaration de naissance à l'hôpital de Grida dans l'État du Darfour du sud, alors que l'autre acte de naissance qu'il a également produit, délivré le 29 mai 2017 dans le format alors en vigueur, postérieurement à la délivrance de ce même passeport, mentionne un autre lieu de naissance, identique à la mention de ce passeport, à Krnoy, dans la province du Darfour du nord, à plusieurs centaines de kilomètres de la localité mentionnée sur le premier acte de naissance et alors également qu'il avait fait état, lors de précédentes demandes de titres de séjour, d'une naissance à Amar Jadid, également dans l'État du Darfour du nord, ainsi qu'en attestent les récépissés produits, et qu'il avait indiqué, auprès de la CNDA, être originaire d'Amara Gedida dans la région du Darfour Méridional. Dès lors, le préfet de la Côte-d'Or, qui a ainsi constaté le défaut de production par M. A... d'un justificatif probant de son identité, a pu légalement estimé que sa demande de titre de séjour était irrecevable en vertu de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et refuser, pour ce seul motif, de délivrer le titre de séjour sollicité. C'est par suite, à tort que les premiers juges, pour annuler le refus de séjour ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de renvoi, ont retenu que le préfet s'était fondé sur des motifs qui n'apparaissaient pas de nature à justifier légalement le refus de séjour.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant devant le tribunal administratif qu'en appel.

6. En premier lieu, par arrêté du 25 septembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 28 septembre suivant, aisément consultable sur le site Internet de la préfecture, le préfet de la Côte-d'Or a donné délégation à M. Christophe Marot, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'État dans le département de la Côte-d'Or, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives au séjour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Côte-d'Or qui, ainsi qu'il a été dit, s'est fondé sur d'autres motifs pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A..., se serait cru lié par l'avis défavorable émis par la Direccte de Bourgogne-Franche-Comté mentionné dans la décision en litige.

8. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

9. En se bornant à se prévaloir de son intégration professionnelle et de la durée de sa présence sur le territoire français M. A..., dépourvu de lien familial en France, ne démontre pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifiait au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est donc pas fondé à invoquer une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

10. En quatrième lieu, eu égard à ce qui précède, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour.

11. En cinquième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier qu'entre le 12 juillet 2015, date de fin du dernier récépissé délivré à M. A... à la suite de sa demande de titre de séjour déposée le 6 juin 2014, qui n'a pas été renouvelé, ainsi qu'il en a été informé par le préfet de la Côte-d'Or, le 8 juillet 2015, à défaut d'avoir produit un dossier complet comportant un rapport médical établi par un médecin agréé, et le 12 août 2015, date d'enregistrement d'une nouvelle demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire, M. A... n'était pas autorisé à séjourner régulièrement en France. Il ne peut, dès lors, se prévaloir, à la date de la mesure d'éloignement en litige, d'une résidence régulière en France depuis plus de dix ans, ni, par suite, d'une méconnaissance des dispositions précitées du 4° de l'article L. 511-4 de ce code.

13. En dernier lieu, eu égard à ce qui précède, la fixation du pays de renvoi n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour et de celle de l'obligation de quitter le territoire français.

14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 16 mars 2021 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A.... Les conclusions de l'intimé tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige doivent par voie de conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101095 du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY03567 2

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03567
Date de la décision : 24/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : BREY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-24;21ly03567 ?
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