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24/11/2022 | FRANCE | N°20LY00499

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 24 novembre 2022, 20LY00499


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat intercommunal pour le développement économique des bassins d'emploi de Brioude et de Sainte-Florine (SYDEC) Allier Allagnon a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner in solidum les sociétés Archi 3A, Colas RAA et Bureau Veritas à lui verser la somme de 127 200 euros TTC au titre des travaux de reprise de l'usine relais de Lempdes-sur-Allagnon (Haute-Loire).

Par jugement n° 1702341 du 5 décembre 2019, le tribunal a fait droit à sa demande en tant qu'elle était d

irigée contre deux des trois sociétés visées.

Procédure devant la cour

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat intercommunal pour le développement économique des bassins d'emploi de Brioude et de Sainte-Florine (SYDEC) Allier Allagnon a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner in solidum les sociétés Archi 3A, Colas RAA et Bureau Veritas à lui verser la somme de 127 200 euros TTC au titre des travaux de reprise de l'usine relais de Lempdes-sur-Allagnon (Haute-Loire).

Par jugement n° 1702341 du 5 décembre 2019, le tribunal a fait droit à sa demande en tant qu'elle était dirigée contre deux des trois sociétés visées.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 février 2020 et les 17 et 31 août 2022, ces deux derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, la société Silicium, venant aux droits de la société Archi 3A, représentée par Me Tournaire, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande du SYDEC Allier Allagnon ;

3°) de rejeter les conclusions de la société Colas RAA et de la société Bureau Veritas ;

4°) de condamner in solidum la société Colas RAA et la société Bureau Veritas à la garantir de l'intégralité des sommes susceptibles d'être mises à sa charge ;

5°) de mettre à la charge du SYDEC Allier Allagnon la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- sa responsabilité ne peut être engagée au titre de la garantie décennale, dès lors que les désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination de façon permanente ;

- les désordres trouvent leur origine dans une cause extérieure, à savoir le sous-dimensionnement du réseau public d'évacuation des eaux pluviales ;

- dès lors que les deux expertises diligentées comportent des constats contradictoires, aucun élément n'est de nature à démontrer la faute du maître d'œuvre ;

- le second rapport d'expertise estime que la réalisation d'un bassin d'orage, pour un montant de 18 000 euros, est de nature à lui seul à éviter le dommage ;

- dès lors que les pompes de relevage ne connaissent aucun dysfonctionnement, et qu'en tout état de cause, ces appareils ne bénéficient que de la garantie biennale, il ne peut être mis à sa charge la somme de 23 000 euros ;

- les travaux de modification de l'évacuation des eaux pluviales sur la parcelle du SYDEC Allier Allagnon, d'un montant de 65 000 euros, ne sont pas de nature à remédier au désordre ;

- il convient d'appliquer un abattement pour vétusté de 50%, dans la mesure où l'ouvrage a été réceptionné le 12 mars 2002 ;

- dès lors que le SYDEC Allier Allagnon exerce une activité économique, la condamnation doit être exprimée hors taxe ;

- elle est fondée à rechercher la garantie intégrale de la société Colas qui a réalisé les travaux du lot n°1 " Terrassement VRD ", dès lors que cette société était chargée des plans de détail et ainsi du dimensionnement des installations d'évacuation des eaux pluviales et qu'elle n'a pas rempli son devoir de conseil en attirant son attention sur la différence de diamètre des conduites d'évacuation des eaux pluviales ; sa part de responsabilité doit être portée au minimum à 30 % ;

- elle est également fondée à appeler en garantie la société Bureau Veritas qui n'a émis aucune remarque sur le dimensionnement du réseau d'évacuation des eaux pluviales et a ainsi commis une faute au regard de sa mission L " solidité des existants " ;

- cet appel en garantie n'est pas prescrit dès lors qu'il a été formulé dans le délais de cinq ans à compter de la demande indemnitaire.

Par mémoire enregistré le 1er avril 2020, le SYDEC Allier Allagnon, représenté par Me Maisonneuve, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel provoqué, d'annuler le jugement n° 1702341 du 5 décembre 2019 en ce qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la société Bureau Véritas et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 127 200 euros TTC, solidairement avec la société Silicium et la société Colas ;

3°) de mettre à la charge de la société Silicium, de la société Colas RAA et de la société Bureau Veritas une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ouvrage est affecté de désordres le rendant impropre à sa destination, qui relèvent de la garantie décennale dès lors que la société SIEL, exploitante de l'ouvrage, a constaté à plusieurs reprises des inondations importantes qui perturbent le bon fonctionnement de l'outil de production ;

- ces désordres sont imputables à la société Bureau Veritas qui n'a pas constaté le sous-dimensionnement du réseau alors que sa mission s'étend à la voierie et aux réseaux divers, à la société Colas qui a effectué un raccordement des réseaux inadapté et à la société Silicium qui n'a prévu aucun dispositif permettant de pallier à la situation de l'ouvrage dans une zone soumise au risque de ruissellement ;

- aucune faute ne peut lui être imputée, dès lors qu'il n'est pas responsable du réseau d'évacuation des eaux pluviales ;

- les désordres rendent nécessaires des travaux consistant, d'une part, dans la modification des descentes d'eau, le redimensionnement des postes de relevage et le démontage de la zone d'évolution des véhicules devant l'usine pour modifier les pentes ;

- il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement pour vétusté au regard de la longue durée d'utilisation de l'ouvrage.

Par mémoire enregistré le 23 avril 2020, la société Bureau Veritas Construction, venant aux droits de la société Bureau Veritas, représentée par Me Drachi-Alonso, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Silicium, la société Colas RAA et le SYDEC Allier Allagnon à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de la société Silicium une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande du SYDEC Allier Allagnon, intervenue après l'expiration du délai de dix ans courant à compter de la réception des travaux, est tardive ;

- sa responsabilité ne peut être engagée au titre de la garantie décennale, dès lors qu'elle n'avait aucune mission relative au fonctionnement de la voierie et des réseaux divers ;

- la société Silicium ne démontre pas qu'elle a commis une faute ;

- elle ne s'était vu confier que les missions " L " relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements indissociables et " STI-i " relative à la sécurité des personnes dans les bâtiments industriels ; or, les désordres constatés n'ont pas d'incidence sur la solidité de l'ouvrage ;

- elle doit être garantie de toute condamnation par la société Silicium, la société Colas RAA et le SYDEC Allier Allagnon, dès lors que les désordres sont imputables à la maîtrise d'œuvre et à l'entreprise exécutante ;

- la solidarité ne peut être appliquée au contrôleur technique qui n'est pas au nombre des constructeurs ; elle ne peut être condamnée qu'à raison de la part de responsabilité lui incombant.

Par mémoire enregistré le 30 août 2022, la société Colas France RAA, venant aux droits de la société SCREG Sud Est, représentée par Me Ducrot, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la société Silicium une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les désordres sont essentiellement liés à un défaut de conception générale de l'ouvrage imputable à la société Silicium ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors que le nombre et le diamètre des descentes d'eau est suffisant ;

- il convient de limiter sa responsabilité à la part de 15% retenue par le tribunal.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts ;

- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- les observations de Me Meunier pour la société Silicium, celles de Me Goutille pour le SYDEC Allier Allagnon, et celles de Mme B... pour la société Colas France RAA.

Considérant ce qui suit :

1. Le SYDEC Allier Allagnon a confié, par acte d'engagement du 22 décembre 2000, à la société Archi 3A la maîtrise d'œuvre de l'opération de construction d'une usine-relais à Lempdes-sur-Allagnon (Haute-Loire). Le lot n° 1 " terrassement VRD " a été confié par acte d'engagement du 19 juin 2001 à la société SCREG Sud-Est. La mission de contrôle technique relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipements indissociables et à la sécurité des personnes dans les bâtiments industriels a été attribuée à la société Bureau Veritas. La réception des travaux a été prononcée sans réserve, le 12 mars 2002. Le SYDEC Allier Allagnon a donné l'ouvrage en location par un crédit-bail immobilier du 29 mars 2005 à la société industrielle d'équipement de la Limagne (SIEL) qui y exerce une activité de production d'enseignes et de signalétique. A la suite de l'inondation du bâtiment, le SYDEC Allier Allagnon a obtenu du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'organisation de deux expertises, en 2011 puis en 2014. Il a ensuite demandé au tribunal administratif de prononcer la condamnation in solidum de la société Silicium, venue aux droits de la société Archi 3A, de la société Colas France RAA, venue aux droits de la société SCREG Sud Est, et de la société Bureau Veritas Construction, venue aux droits de la société Bureau Veritas, à lui verser, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la somme de 127 200 euros TTC en réparation des préjudices résultant de ces désordres. Par jugement du 5 décembre 2019, le tribunal a fait droit à sa demande en tant qu'elle était dirigée contre la société Archi 3 A et la société Colas RAA. La société Silicium relève appel de ce jugement.

Sur l'appel de la société Silicium :

En ce qui concerne l'engagement de la garantie décennale :

2. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. L'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs n'est pas subordonné au caractère général et permanent des désordres.

3. Il résulte de l'instruction que des inondations répétées du bâtiment provoquées par le refoulement des eaux pluviales et des eaux de ruissellement ont été constatées dès l'année 2006, dans le délai d'épreuve de dix ans. Par leur ampleur, ces inondations mettent en péril l'outil de production et la sécurité des employés. Dans ces conditions, et alors même que leur manifestation est intermittente, ces désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. Par suite, la responsabilité des constructeurs peut être engagée au titre de la garantie décennale s'agissant de ces désordres.

4. Aux termes de l'article 4 du décret du 29 novembre 1993 susvisé relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " Les études d'avant-projet comprennent des études d'avant-projet sommaire et des études d'avant-projet définitif. I. Les études d'avant-projet sommaire ont pour objet : (...) c) De proposer les dispositions techniques pouvant être envisagées ; (...) I. Les études d'avant-projet définitif ont pour objet : (...) c) De définir les principes constructifs, les matériaux et les installations techniques (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Les études de projet ont pour objet : (...) c) De préciser les tracés des alimentations et évacuations de tous les fluides (...) ".

5. Selon l'acte d'engagement de son marché, la société Archi 3A avait la charge de l'avant-projet sommaire, de l'avant-projet définitif, de l'étude de projet, de l'assistance pour la passation des contrats de travaux, du visa des études d'exécution, de la direction de l'exécution et des travaux et de l'assistance aux opérations de réception. A ce titre, elle devait concevoir les équipements de collecte et d'évacuation des eaux pluviales et des eaux de ruissellement, ce qui impliquait qu'elle les dimensionne en fonction de la pente du terrain, des superficies devant être imperméabilisées, de la capacité de collecte du réseau public desservant l'ouvrage projeté et, le cas échéant, qu'elle prévoie l'aménagement d'un bassin de rétention afin d'écrêter le débit rejeté dans ledit réseau public. Enfin ces missions normalisées de direction des travaux l'obligeaient à s'assurer du respect par les entreprises de travaux de la conformité de la réalisation à ces prescriptions.

6. Or, il résulte de l'instruction, notamment des deux rapports d'expertise, lesquels, contrairement à ce que soutient la société Silicium, ne sont pas contradictoires, que les désordres ont pour origine, s'agissant des eaux de toiture, l'insuffisance du nombre de descentes d'eau, un mauvais raccordement de ces descentes d'eau au réseau d'évacuation et le sous-dimensionnement des pompes de relevage, s'agissant des eaux de ruissellement, la mise en place de conduites de transport sans respect des règles de pente qui auraient permis une évacuation normale en cas d'évènement pluvieux intense. Il résulte également de l'instruction que le bâtiment est situé en contrebas d'une pente imperméabilisée qui provoque un ruissellement gravitaire important accentué par une topographie en goulot formé vers l'entrée du bâtiment, les avaloirs implantés à cet endroit présentant de surcroît une capacité insuffisante pour absorber les pluies importantes. Dans de telles conditions, les désordres relevés, qui trouvent pour partie leur origine dans des vices de conception de l'ouvrage, sont imputables à la société Silicium venue aux droits de la société Archi 3A.

7. Il incombait au maître d'œuvre, ainsi qu'il est dit au point 5, de s'assurer de la capacité d'absorption du réseau public, et, en cas d'insuffisance de cet équipement, de concevoir un bassin de rétention permettant de stocker le trop-plein d'eau, de telle sorte que le débit rejeté après collecte sur le fonds corresponde aux capacités du réseau public. Par suite, la société Silicium n'est pas fondée à soutenir que le maître de l'ouvrage devrait répondre de l'insuffisance alléguée de la canalisation publique et qu'une part de responsabilité devrait lui revenir de ce chef.

8. Enfin, les désordres lui étant au moins pour partie imputables, la société Silicium doit répondre de la totalité de leurs conséquences, sans qu'elle puisse utilement invoquer la contribution aux désordres des autres intervenants.

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices subis :

9. En premier lieu, la société Silicium conteste la nécessité d'effectuer des travaux de déconnexion du réseau d'évacuation des eaux pluviales en toiture, au motif que la réalisation d'un bassin d'orage serait à elle seule de nature à remédier aux désordres. Il résulte toutefois de l'instruction, et, notamment, des préconisations non sérieusement contestées des rapports d'expertise, que les désordres rendent nécessaires, non seulement la création d'un fossé drainant périphérique, qui a pour vocation de participer à l'infiltration partielle des eaux pluviales, mais également la modification des descentes d'eau, aux fins de permettre l'évacuation des eaux en façade ouest et que le montant de tels travaux a été évalué à 18 000 euros. La société Silicium, qui n'apporte au demeurant aucune étude technique ni aucune proposition alternative chiffrée, ne démontre pas que ces travaux ne sont pas de nature à remédier aux désordres. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée in solidum à verser cette somme en vue de la réparation des désordres.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que deux pompes de relevage ont été installées afin d'assurer l'évacuation des eaux pluviales dans le réseau interne, que ces pompes sont sous-dimensionnées par rapport aux flux qu'elles doivent prendre en charge, qu'elles ne bénéficient d'aucune protection et ont été placées, sans respect des règles de l'art, au-dessus d'une grille d'évacuation, obstruant le fonctionnement de cette dernière. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la société Silicium, ces pompes doivent être remplacées. Par suite, et dès lors que leur dysfonctionnement concourt au désordre de nature décennale en litige, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que, dans la mesure où les pompes de relevage ne connaissent aucun dysfonctionnement et que ces appareils ne bénéficient que de la garantie biennale, il ne peut être mis à sa charge la somme de 23 000 euros pour leur remplacement.

11. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'usine a été implantée en contrebas d'une zone goudronnée dévolue au stationnement et au déplacement des véhicules, et que le système d'évacuation des eaux de ruissellement en provenance de cette zone goudronnée n'était pas suffisant, générant des entrées d'eau par la porte d'accès à l'ouvrage. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des rapports d'expertise, que cette surface doit être démontée et reprise, en modifiant notamment les pentes, afin de diviser les débits de ruissellement et que soient mis en place un nombre plus important de grilles et de caniveaux permettant l'évacuation des eaux de ruissellement vers l'extérieur du bâtiment. Contrairement à ce que soutient la requérante, la création d'un bassin d'orage ne saurait à elle seule suffire, eu égard à la nature et à l'ampleur des désordres constatés, à remédier à l'ensemble de ces désordres. Si la société Silicium soutient que les travaux de reprise proposés, d'un montant de 65 000 euros, ne sont pas de nature à remédier aux désordres, elle n'apporte à l'appui de cette affirmation aucun argumentation précise ni aucune proposition alternative de nature à mettre fin à ces derniers. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée in solidum à verser cette somme en vue de la réparation des désordres.

12. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction, et, notamment, des rapports d'expertise, que si les désordres ayant affecté l'ouvrage en cause n'ont été signalés qu'en 2006, soit quatre ans après l'achèvement des travaux, ces désordres, qui résultent de la conception même de l'ouvrage, étaient susceptibles d'apparaître dès la réception de ce dernier. Dans de telles conditions, il n'y a pas lieu d'appliquer au montant de l'indemnité un coefficient de réduction pour tenir compte de la vétusté de l'ouvrage.

13. En revanche, le SYDEC Allier Allagnon, qui donne en location les locaux de l'usine qu'il a fait construire à la société SIEL doit être regardé, ainsi que le soutient la société requérante sans d'ailleurs être contredite, comme étant assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la réalisation de ces opérations, et a ainsi la possibilité de déduire la taxe grevant les travaux de reprise. Dans ces conditions, la société Silicium est fondée à soutenir que la somme qu'elle a été condamnée par le tribunal à verser au SYDEC Allier Allagnon en réparation des désordres décennaux doit être exprimée hors taxe, soit 106 000 euros HT.

14. Il résulte de ce qui précède que la société Silicium est seulement fondée à soutenir que la somme que le tribunal l'a condamnée à verser au SYDEC Allier Allagnon doit être limitée à 106 000 euros HT et à demander à même hauteur la réformation du jugement attaqué.

En ce qui concerne les appels en garantie :

15. Il résulte de l'instruction et, notamment, des rapports d'expertise que les désordres litigieux proviennent pour une part prépondérante des insuffisances de conception de l'ouvrage, notamment, de l'inadaptation du dispositif de recueil et d'évacuation des eaux pluviales à la topographie du terrain d'assiette et au réseau public. En se bornant à rappeler que la société Colas RAA avait pour mission de réaliser les plans de détail, lesquels ne pouvaient pallier les vices dont était entaché le projet du maître d'œuvre, et qu'elle a manqué à son devoir de conseil lors du raccordement en n'attirant pas l'attention de la maîtrise d'œuvre sur les différences de diamètre entre branchement privé et réseau public d'évacuation des eaux pluviales, la requérante n'établit pas que la société Colas RAA aurait dû la garantir d'une part de condamnation supérieure à celle de 15% retenue par le tribunal.

16. La société Silicium demande également à être garantie des condamnations prononcées à son encontre par la société Bureau Veritas construction. Toutefois, cette dernière société était uniquement en charge des missions relatives à la solidité des ouvrages et à la sécurité. Or, il résulte de l'instruction, et, notamment, des rapports d'expertise, que les désordres ne sont pas de nature à affecter la solidité de l'ouvrage, si bien qu'aucun manquement ne peut être reproché à la société Bureau Veritas construction à l'égard de sa première mission. D'autre part, la société Silicium ne soutient pas que le contrôleur technique aurait commis un manquement au regard de sa seconde mission relative à la sécurité. Dans de telles conditions, cet appel en garantie ne peut qu'être rejeté.

Sur l'appel provoqué du SYDEC Allier Allagnon :

17. Aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ". Il en résulte qu'une citation en justice, au fond ou en référé, n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a la qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait.

18. Or, il résulte de l'instruction que la réception de l'ouvrage a été prononcée sans réserve, le 12 mars 2002. Le délai d'action décennale du SYDEC Allier Allagnon expirait ainsi le 12 mars 2012. Dans la demande qu'il a présentée, le 25 mai 2011, afin d'obtenir la désignation en référé d'un expert, le SYDEC Allier Allagnon n'a pas mis en cause la société Bureau Veritas qui n'a été appelée à l'instance qu'à la demande de la société 3A Réalisation, le 17 décembre 2011. Dans ces conditions, le SYDEC Allier Allagnon n'a pas bénéficié de l'effet interruptif de cette citation en justice à l'encontre de la société Bureau Veritas. Aucun autre acte n'a interrompu le délai d'épreuve de dix ans. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a ainsi retenu à juste titre que la créance du SYDEC Allier Allagnon à l'égard de la société Bureau Veritas était prescrite lorsqu'elle a introduit devant lui, le 26 décembre 2017, sa demande à fin de condamnation de ce constructeur. Les conclusions de son appel provoqué doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par le SYDEC Allier Allagnon, par la société Silicium, par la société Bureau Veritas Construction et par la société Colas RAA.

DÉCIDE :

Article 1er : La condamnation mise à la charge de la société Archi 3A au bénéfice du SYDEC Allier Allagnon est ramenée de 127 200 euros TTC à 106 000 euros HT.

Article 2 : Le jugement n° 1702341 du 5 décembre 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Silicium, au syndicat intercommunal pour le développement économique des bassins d'emploi de Brioude et de Sainte-Florine (SYDEC Allier Allagnon), à la société Bureau Veritas Construction et à la société Colas RAA.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 24 novembre 2022.

La rapporteure,

A. A...Le président,

Ph. Arbarétaz

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N°20LY00499


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00499
Date de la décision : 24/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : TEILLOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-24;20ly00499 ?
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