La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2022 | FRANCE | N°21LY04124

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 10 novembre 2022, 21LY04124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler l'arrêté du 16 avril 2021 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an ;

- d'enjoindre à la préfète de l'Ain de procéder à l'effacement de son signalement à fins de non-admi

ssion dans le système d'information Schengen.

Par jugement n° 2102953-2102954 du 30 août 2021, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler l'arrêté du 16 avril 2021 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an ;

- d'enjoindre à la préfète de l'Ain de procéder à l'effacement de son signalement à fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par jugement n° 2102953-2102954 du 30 août 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 16 décembre 2021, présentée pour Mme A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2102953-2102954 du 30 août 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de procéder à l'effacement de son signalement à fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; dès lors que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rejetant sa demande d'asile n'était pas définitive, la préfète de l'Ain ne pouvait légalement fonder l'obligation de quitter le territoire français contestée sur les dispositions de l'article L. 511-1-I, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle encourt des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ;

- la fixation du pays de renvoi est insuffisamment motivée ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen est insuffisamment motivé et il est illégal en conséquence de l'illégalité de l'interdiction de retour.

Par un mémoire enregistré le 25 avril 2022, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président-assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante arménienne née le 12 octobre 1981, est entrée irrégulièrement en France avec son époux, de nationalité indienne, le 14 février 2020, pour y solliciter l'asile. Par une décision du 10 février 2021, sa demande, comme celle de son époux, a été rejetée par l'OFPRA statuant en procédure accélérée sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 723-2 (I 1°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 avril 2021, la préfète de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de renvoi et l'a interdite de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.

2. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français, de la fixation du pays de renvoi et de l'interdiction de retour, déjà soulevé en première instance, doit être écarté par les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé (...) contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) ".

4. Toutefois, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés (...) et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...), le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 723-2 du même code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 511-1 de ce code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 (...) ".

5. Mme A... a vu sa demande d'asile rejetée par une décision de l'OFPRA, statuant en procédure accélérée sur le fondement du 1° du I de l'article L. 723-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du 10 février 2021, notifiée le 23 février 2021. Alors même qu'elle avait déposé, dans le délai de recours, une demande d'aide juridictionnelle afin de saisir la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) d'une contestation de cette décision, qui n'était pas devenue définitive à la date de la décision qu'elle conteste, et qu'elle a saisi la CNDA d'un tel recours le 16 avril 2021, Mme A... relevait, ainsi que l'a rappelé la préfète dans la décision en litige, des dispositions précitées du 7° de l'article L. 743-2 qui mettent fin au droit de l'étranger de se maintenir sur le territoire français. Dès lors, elle pouvait, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 dudit code, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

6. En second lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir, au soutien des conclusions de sa requête dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas pour objet de la renvoyer dans un pays déterminé, de la circonstance, à la supposer établie, qu'elle serait exposée, en cas de retour dans son pays d'origine, à des traitements inhumains et dégradants ni, par suite, soutenir que cette mesure serait, pour ce motif, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la fixation du pays de renvoi :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

8. Mme A... fait état des violences exercées à son encontre par sa famille en Arménie et du rejet dont elle et son époux ont fait l'objet en raison de leur appartenance à la communauté des témoins de Jéhovah. Toutefois, par ses seules affirmations et la production de pièces déjà présentées dans le cadre de sa demande d'asile, alors au demeurant que ses allégations ont été considérées par l'OFPRA comme ne permettant pas d'établir la réalité des faits allégués, elle n'établit pas la réalité et l'actualité des risques qu'elle encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine où il n'est pas davantage établi qu'elle ne pourrait s'y installer avec son époux dans une région éloignée de celle où résident les membres de sa famille. Si Mme A... soutient que la cellule familiale ne pourra être reconstruite ni en Inde, qu'elle a récemment quittée, ni en Arménie, pays dont elle a été chassée, la décision fixant le pays de destination mentionne expressément qu'elle pourra être reconduite dans tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En second lieu, sous réserve des risques encourus visés par les dispositions alors codifiées à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le II de l'article L. 511-1 du même code fait obligation au préfet d'éloigner l'intéressée vers le pays dont elle est ressortissante ou un État tiers où elle serait admissible. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le choix du pays de renvoi serait susceptible d'entraîner pour elle une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.

Sur l'interdiction de retour :

10. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...). Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) ".

11. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de Mme A... avant de prendre la décision d'interdiction de retour en litige.

12. En second lieu, en se bornant à faire état de ce que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstruire dans un autre pays qu'en France et à évoquer des craintes en cas de retour dans son pays d'origine alors au demeurant que ces circonstances résultent de la nécessité dans laquelle elle se trouve de se soumettre à l'obligation de quitter le territoire français et non pas de l'interdiction de retour qui ne peut prendre effet qu'à compter de l'exécution de l'éloignement, Mme A... ne démontre pas que la préfète de l'Ain, en assortissant la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet d'une interdiction de retour, a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le signalement aux fins de non-admission :

13. Ainsi que l'a rappelé le premier juge, lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et, par suite, une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. C'est dès lors à bon droit que les conclusions de la demande de Mme A... dirigées contre cette mesure ont été rejetées comme irrecevables par le jugement attaqué.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 avril 2021 de la préfète de l'Ain. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à ce que soit mise à la charge de l'État une somme au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

S. Lassalle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

2

N° 21LY04124

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY04124
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : STOYANOVA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-10;21ly04124 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award