Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Le préfet de la Haute-Savoie a demandé au tribunal administratif de Grenoble de liquider l'astreinte qu'il avait préalablement prononcée par un jugement n° 1605679 du 12 février 2019 à l'encontre de M. A..., représentant de la société HT Immo.
Par un jugement n° 1904332 du 7 juillet 2020, la magistrate désignée du tribunal a fait droit à la demande du préfet en condamnant M. A..., en qualité de représentant de la société HT Immo, à payer à l'Etat la somme de 35 700 euros au titre de la liquidation provisoire de cette astreinte.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 octobre 2020 et le 15 septembre 2022, non communiqué, la société HT Immo, représentée par Me Raynaud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de liquidation de l'astreinte, à titre subsidiaire, de limiter la période d'inexécution du jugement du 19 décembre 2019 au 11 mars 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- si l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 permettait au président de la formation de jugement d'autoriser le rapporteur public à ne pas prononcer ses conclusions à l'audience, ce dernier ne pouvait être dispensé de conclusions ;
- en ne répondant pas précisément au moyen en défense tiré des imprécisions sur la portée exacte de l'injonction prononcée par le jugement du 12 février 2019, le magistrat désigné du tribunal a commis une omission à statuer et insuffisamment motivé le jugement attaqué ;
- dans le cas où le Conseil d'Etat ferait droit à son pourvoi en cassation présenté dans l'instance au fond, le jugement du 7 juillet 2020 devrait être annulé par voie de conséquence de cette annulation ;
- aucune astreinte ne pouvait être liquidée dans la mesure où le jugement n'était pas clair sur l'étendue de l'injonction, qu'elle a exécuté le jugement en libérant le garage à bateaux et qu'une partie de la construction ne se trouve pas sur le domaine public ;
- au mieux l'astreinte aurait dû être liquidée à compter de l'arrêt de la cour administrative d'appel qui a éclairé le sens de l'injonction prononcée par le premier juge.
Par un mémoire enregistré le 3 février 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société HT Immo ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, première conseillère,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Raynaud pour la société HT Immo ;
Considérant ce qui suit :
1. La société HT Immo, dont M. A... est le gérant, a fait l'acquisition le 13 décembre 2012 d'une parcelle cadastrée ..., sur le territoire de la commune de Menthon-Saint-Bernard (Haute-Savoie), au droit de laquelle est implanté un bâtiment composé d'un outil de mouillage et d'un abri à bateaux ouvrant sur le lac d'Annecy ainsi qu'une habitation, édifiée au-dessus de l'abri. Par un arrêté du 23 octobre 2013, le préfet de la Haute-Savoie a autorisé la société à occuper à titre précaire et révocable le domaine public fluvial naturel au droit de la parcelle cadastrée .... Il l'a toutefois informée le 18 décembre 2015 que cette autorisation prendrait fin le 31 décembre 2015. Le 7 juillet 2016, il l'a mise en demeure de libérer les lieux avant le 31 août 2016. Après qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie eut été dressé le 22 septembre 2016, le préfet de la Haute-Savoie a déféré M. A..., représentant légal de la société, comme prévenu d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les articles L. 2132-5 à L. 2132-11 du code général de la propriété des personnes publiques, devant le tribunal administratif de Grenoble. Par jugement du 12 février 2019, le tribunal l'a condamné, d'une part, à payer une amende de 2 000 euros et, d'autre part, à libérer la dépendance du domaine public fluvial occupée sans droit ni titre au droit de la parcelle cadastrée n° AH 202, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement. Par une décision du 22 avril 2021, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi formé par la société contre cet arrêt.
2. Le préfet de la Haute-Savoie a demandé, en juillet 2019, au tribunal administratif de Grenoble de liquider l'astreinte qu'il avait prononcée à l'encontre de M. A..., représentant de la société HT Immo, dans le jugement du 12 février 2019. Par un jugement du 7 juillet 2020, dont la société HT Immo relève appel, la magistrate désignée du tribunal a fait droit à la demande du préfet en condamnant M. A..., en qualité de représentant de la société HT Immo, à payer à l'Etat la somme de 35 700 euros au titre de la liquidation provisoire de cette astreinte correspondant à une période d'absence d'exécution du jugement du 21 mars 2019 au 11 mars 2020, soit 357 jours.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 732-1 du code de justice administrative : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement (...), le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose ". L'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020 susvisée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif a prévu que, entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 soit le 10 juillet 2020 : " Le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience des conclusions sur une requête ".
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions portées sur le jugement, que le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public de prononcer ses conclusions à l'audience. L'article R. 732-1 du code de justice administrative n'impose de faire connaître aux parties les conclusions du rapporteur public qu'à travers le prononcé de ses conclusions au cours de l'audience publique. Lorsqu'il est dispensé de prononcer ses conclusions à l'audience, et que la mention synthétique " dispense de conclusions " est alors portée sur l'application sagace, le rapporteur public n'est pas tenu de les rédiger et d'en communiquer le sens aux parties. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant le tribunal n'aurait pas été régulière manque en fait et doit être écarté.
5. En second lieu, le magistrat désigné du tribunal administratif a suffisamment motivé le jugement attaqué en écartant le moyen en défense, sur lequel il n'a pas omis de statuer, tiré de ce qu'il existait une ambiguïté sur la portée de l'injonction prononcée sous astreinte en indiquant qu'il résultait clairement du jugement dont l'exécution était demandée que c'était " l'ensemble de la construction qui devait être vidée de toute présence physique, le terme " garage à bateau " utilisé dans l'article 2 désignant sans équivoque possible la construction en elle-même, qui est un ancien garage à bateau. ". En utilisant le terme " garage à bateau " le tribunal a entendu désigner le bien tel qu'il se compose désormais, à savoir l'abri à bateaux surmonté d'une habitation.
Sur la liquidation de l'astreinte :
6. En premier lieu, par décision du 22 avril 2021, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi présenté par la société HT Immo dirigé contre l'arrêt du 19 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 février 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que dans le cas où le Conseil d'Etat ferait droit au pourvoi en cassation de la société HT Immo et annulerait le jugement du 12 février 2019, le jugement du 7 juillet 2020 devrait également être annulé par voie de conséquence de cette annulation, ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, l'article 2 du jugement du 12 février 2019 indique que M. A... doit, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, libérer le garage à bateau qu'il occupe sans droit ni titre au droit de la parcelle AH 202 sur le territoire de la commune de Menthon-Saint-Bernard. L'article 3 précise que cette obligation sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard en cas d'inexécution dans les délais. Le tribunal a précisé, au point 1 du jugement, que la contravention de grande voirie porte sur " un garage à bateaux transformé en habitation sur le domaine public fluvial du lac d'Annecy ". Le jugement du 12 février 2019 ne comporte ainsi aucune ambiguïté sur l'étendue de l'obligation de libérer les lieux qui ne se limite pas à l'abri à bateau, mais concerne également l'habitation édifiée au-dessus de l'abri, la construction en cause étant implantée principalement sinon en totalité sur le domaine public fluvial. Par suite, c'est à juste titre que le tribunal a estimé qu'en libérant de toute occupation seulement l'abri à bateau, à l'exclusion de l'habitation, M. A... n'avait pas exécuté le jugement.
8. En troisième lieu, par le jugement attaqué, le tribunal a prononcé une astreinte provisoire au titre de la période courant du 21 mars 2019 au 11 mars 2020, soit 357 jours. Compte tenu de ce qui vient d'être indiqué sur l'absence d'ambigüité des termes du jugement, c'est à juste titre que le tribunal a fait débuter la période d'inexécution un mois après la notification du jugement intervenue le 20 février 2019. Si la requérante fait valoir que M. A... a, à la suite de l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Lyon le 19 décembre 2019, libéré l'ensemble de la dépendance du domaine public de toute occupation, elle ne justifie ni de la date à laquelle cette libération a eu lieu, ni même de sa réalité. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a calculé le montant de l'astreinte due jusqu'au 11 mars 2020, date à laquelle le cours des astreintes a été suspendu en application de l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020 visée ci-dessus relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période.
9. Il résulte de ce qui précède que la société HT Immo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a condamné son représentant, M. A..., à payer à l'Etat la somme de 35 700 euros au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 février 2019. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société HT Immo est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société HT Immo et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
Ph. Arbarétaz
Le greffier,
J. Billot
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 20LY02929