Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Saint-Just-Saint-Rambert à lui verser la somme de 112 551,66 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'arrêté municipal du 7 février 2017 ordonnant la fermeture de l'hôtel-restaurant L'Aquarium qu'il exploitait.
Par un jugement n° 1909176 du 22 juillet 2020, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 septembre 2020 et le 15 septembre 2022, M. A... et la SELARL Berthelot, en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'entreprise de M. A..., représentés par Me Pousset-Bougere, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Saint-Just-Saint-Rambert à lui verser la somme de 112 551,66 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Just-Saint-Rambert la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- en ordonnant, par arrêté du 7 février 2017, la fermeture de son établissement sans respecter la procédure et alors que cette mesure n'était ni nécessaire ni proportionnée, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il existe un lien de causalité direct entre le préjudice qu'il a subi et l'arrêté du 7 février 2017 ;
- il n'a pas commis de faute ;
- il a subi un préjudice total de 112 551,66 euros correspondant, à hauteur de 69 759,50 euros, à la perte du fonds de commerce de café, bar, restaurant, à hauteur de 22 792,16 euros, au versement en 2017 du loyer et de ses accessoires aux propriétaires des murs et enfin, à hauteur de 20 000 euros, à son préjudice moral.
Par mémoires enregistrés le 4 mai 2022 et le 29 septembre 2022, la commune de Saint-Just-Saint-Rambert, représentée par la SELARL Petit et associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... et de la SELARL Berthelot une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- compte tenu de la clôture de la procédure de liquidation de l'entreprise de M. A... le 5 janvier 2022, la SELARL Berthelot n'a plus qualité pour le représenter en justice ;
- M. A..., qui n'agit pas à titre personnel, et dont l'entreprise a été radiée du registre du commerce et des sociétés, n'a pas qualité pour faire appel ;
- l'arrêté litigieux a fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir qui a été rejeté de sorte que cet arrêté, définitif, n'est pas illégal ;
- l'urgence aurait pu justifier qu'elle ne respecte pas la procédure contradictoire ;
- M. A... et ses bailleurs ont commis des fautes de nature à exonérer totalement la responsabilité de la commune ;
- les moyens soulevés par M. A... et la SELARL Berthelot ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, première conseillère,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- les observations de Me Jacob pour M. A... et la SELARL Berthelot et celles de Me Dumas pour la commune de Saint-Just-Saint-Rambert ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 février 2017, le maire de Saint-Just-Saint-Rambert a ordonné la fermeture de l'hôtel-restaurant L'Aquarium exploité à titre personnel par M. A.... M. A... a alors demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune à lui verser la somme de 112 551,66 euros en réparation du préjudice que lui a causé cet arrêté. La SELARL Berthelot a été désignée mandataire judiciaire de l'entreprise de M. A..., puis liquidatrice judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne du 13 juin 2018. Par un jugement du 27 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon, après avoir refusé d'admettre l'intervention volontaire de la SELARL Berthelot, a rejeté comme irrecevable la demande d'indemnisation de M. A.... Ce jugement a été annulé par un arrêt du 28 novembre 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon au motif que l'intervention de la SELARL Berthelot et la demande présentée par M. A... étaient recevables et l'affaire a été renvoyée devant le tribunal. Par un jugement du 22 juillet 2020, dont M. A... et la SELARL Berthelot relèvent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté au fond la demande de M. A....
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne la faute :
2. Aux termes de l'article L. 123-4 du code de la construction et de l'habitation : " Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux et dans le cadre de leurs compétences respectives, le maire ou le représentant de l'État dans le département peuvent par arrêté, pris après avis de la commission de sécurité compétente, ordonner la fermeture des établissements recevant du public en infraction avec les règles de sécurité propres à ce type d'établissement, jusqu'à la réalisation des travaux de mise en conformité ".
3. En premier lieu, par une ordonnance n° 1701598 du 24 avril 2017, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté le recours formé par M. A... qui tendait à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2017 du maire de Saint-Just-Saint-Rambert. Toutefois, l'autorité relative de chose jugée dont cette ordonnance de rejet est revêtue ne fait pas obstacle à ce que l'illégalité de cet arrêté soit invoquée par M. A... dans le cadre de son recours indemnitaire, lequel n'a pas le même objet que les recours pour excès de pouvoir dirigés contre cet arrêté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, (...), sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1°(...) de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ".
5. Par courrier daté du 25 janvier 2017, communiquant à M. A... l'avis de la commission de sécurité qui s'était réunie le 24 janvier 2017, le maire de Saint-Just-Saint-Rambert a informé l'intéressé de la nature des manquements de son établissement aux règles de sécurité et l'a invité à présenter ses observations. Les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'ont ainsi pas été méconnues.
6. En troisième lieu, M. A... ne conteste pas la réalité des manquements aux règles de sécurité et d'incendie de son établissement. Ces différents manquements, qui ne concernaient pas uniquement la partie hôtelière de l'établissement qui, au demeurant, formait avec la partie destinée à la restauration un unique établissement au sens de la législation sur les établissements recevant du public, justifiaient, compte tenu de leur gravité, que soit prononcée la fermeture de l'hôtel restaurant de M. A... et ce, alors même que M. A... avait engagé une action devant le tribunal de grande instance afin de contraindre le propriétaire des lieux à réaliser les travaux lui incombant.
7. En revanche, aux termes de l'article R. 123-52 du même code : " Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux, la fermeture des établissements exploités en infraction aux dispositions du présent chapitre peut être ordonnée par le maire ou par le représentant de l'État dans le département (...) La décision est prise par arrêté après avis de la commission de sécurité compétente. L'arrêté fixe, le cas échéant, la nature des aménagements et travaux à réaliser ainsi que les délais d'exécution. ". Ces dispositions imposent à l'autorité compétente, sauf motif d'urgence dûment établi, de recueillir l'avis de la commission de sécurité compétente et d'inviter le propriétaire à procéder aux travaux nécessaires pour assurer la sécurité du public avant de prononcer la fermeture d'un établissement.
8. Dans le courrier daté du 25 janvier 2017, le maire a demandé à M. A... de fermer son établissement sous huit jours, à défaut de quoi une fermeture administrative serait prononcée et l'a informé que son établissement pourrait rouvrir une fois les travaux réalisés. Ce courrier constituait une mise en demeure de fermeture, non pas une invitation à procéder aux travaux de mise en sécurité du public, sous la sanction d'une fermeture. Dans ces conditions, et alors que l'existence d'une situation d'urgence autorisant qu'il soit dérogé à cette obligation procédurale qui constitue une garantie pour l'exploitant de l'établissement n'est pas dûment établie, l'arrêté du 7 février 2017 a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière.
9. Ainsi, M. A... est seulement fondé à soutenir que le maire de la commune de Saint-Just-Saint-Rambert a commis une faute en prononçant la fermeture de l'établissement sans l'avoir préalablement invité à réaliser les travaux nécessaires pour assurer la sécurité du public.
En ce qui concerne le lien de causalité entre la faute et les préjudices invoqués :
10. Ainsi qu'il vient d'être indiqué, le maire de Saint-Just-Saint-Rambert a prononcé la fermeture de l'établissement sans avoir préalablement invité M. A... à réaliser les travaux. Toutefois, il résulte de l'instruction que si l'administration avait respecté cette formalité, M. A... n'aurait pas pour autant été en mesure de procéder auxdits travaux dans un délai raisonnable compte tenu de la nature de ces travaux, de leur importance et du délai de règlement du litige l'opposant au propriétaire des lieux puis d'exécution du jugement ayant prononcé au civil une condamnation sous astreinte quelques semaines après la décision du maire. Par suite, faute de lien de causalité entre le vice de procédure entachant la décision du maire et les préjudices invoqués, la commune de Saint-Just-Saint-Rambert ne saurait être tenue d'indemniser M. A... de la fermeture de son établissement et du dépôt de bilan qui a suivi.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. A... et la SELARL Berthelot ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté la demande de M. A....
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Just-Saint-Rambert qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse aux requérants la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée à ce titre par la commune de Saint-Just-Saint-Rambert.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... et de la SELARL Berthelot ainsi que les conclusions de la commune de Saint-Just-Saint-Rambert présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., à la SELARL Berthelot, en qualité de liquidateur judiciaire, et à la commune de Saint-Just-Saint-Rambert.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022.
La rapporteure,
A. Duguit-Larcher
Le président,
Ph. Arbarétaz
Le greffier,
J. Billot
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 20LY02761