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27/10/2022 | FRANCE | N°21LY02874

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 27 octobre 2022, 21LY02874


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 janvier 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la menti

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 janvier 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2101171 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 août 2021 et le 25 août 2022, M. A..., représenté par Me Fréry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions du 23 janvier 2021 du préfet du Rhône ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, et de le munir en toute hypothèse, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder sans délai à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'informations Schengen ;

4°) à titre subsidiaire de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lyon ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en l'absence de réouverture de l'instruction alors qu'il avait produit une pièce nouvelle dont il n'était pas en mesure de faire état auparavant et que le tribunal a ignorée en fondant sa décision sur des faits matériellement inexacts ;

- les décisions contestées sont entachées d'incompétence ;

- le refus d'admission au séjour procède d'un défaut d'examen suffisant de sa situation ;

- il méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, dès lors que ses attaches privées et familiales se trouvent essentiellement en France ;

- il procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'intérêt supérieur de ses deux enfants mineurs ;

- l'illégalité du refus de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français, dont l'annulation entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité de la décision relative au délai de départ volontaire ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi ainsi que l'interdiction de retour sur le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée en droit comme en fait ;

- elle procède d'une erreur de fait caractérisant un défaut d'examen particulier et suffisant, ainsi que d'une erreur de droit ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- et les observations de Me Doumane, substituant Me Fréry, représentant M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né au Togo le 10 janvier 1987, a déclaré être entré pour la dernière fois en France le 19 janvier 2013. Sa demande de protection internationale a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 2 mars 2016. Il a demandé le 21 décembre 2017 au préfet du Rhône la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de l'article L. 313-14 du même code. Par des décisions du 23 janvier 2021, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé le pays à destination duquel M. A... est susceptible d'être reconduit en cas d'exécution d'office. M. A... relève appel du jugement du 1er juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes, d'autre part, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. M. A..., de nationalité togolaise, était présent sur le territoire français depuis huit années à la date de la décision attaquée, et se prévaut d'une relation de concubinage depuis au moins l'année 2017 avec une ressortissante béninoise née en 1999, d'un père de nationalité française, entrée mineure en France pour rejoindre sa belle-mère, et en situation régulière en France depuis octobre 2019. Eu égard à la précarité de la situation sociale de cette dernière, l'ancienneté, l'intensité et la stabilité de cette relation de concubinage, même en l'absence de domicile commun à la date de la décision attaquée, sont suffisamment établies en l'espèce par les pièces du dossier, notamment une attestation émanant de l'Institut départemental de l'enfance et de la famille, et par la naissance de deux enfants nés en France en 2017 et 2020, dont le requérant s'occupe. Par suite, le refus de séjour en litige porte une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, des décisions subséquentes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Rhône, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de le munir dans l'attente d'un récépissé de demande de titre de séjour autorisant l'exercice d'une activité professionnelle dans un délai de huit jours, et de procéder à l'effacement du signalement de M. A... dans le système d'information Schengen, dans un délai de deux mois.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement au conseil de M. A... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101171 du 1er juin 2021 du tribunal administratif de Lyon et les décisions du préfet du Rhône du 23 janvier 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de le munir dans l'attente d'un récépissé de demande de titre de séjour autorisant l'exercice d'une activité professionnelle dans un délai de huit jours, et de faire procéder à l'effacement du signalement de M. B... A... dans le système d'information Schengen, dans un délai de deux mois.

Article 3 : L'Etat versera à Me Fréry, conseil de M. A..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.

La rapporteure,

M. Le Frapper

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02874

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02874
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-27;21ly02874 ?
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