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27/10/2022 | FRANCE | N°21LY01438

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 27 octobre 2022, 21LY01438


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 14 février 2020 par lesquelles le préfet de la Côte d'Or lui refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000624 du 8 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon, après avoir renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions dirig

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 14 février 2020 par lesquelles le préfet de la Côte d'Or lui refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000624 du 8 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon, après avoir renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour et les conclusions accessoires dont elles sont assorties, a rejeté le surplus de sa demande.

Par un jugement n° 2000624 du 30 avril 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 14 février 2020 du préfet de la Côte-d'Or (article 1er), a enjoint au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement (article 2), a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Hebmann, avocat de M. A..., de la somme de 1 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Hebmann renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat (article 3) et a rejeté le surplus de la demande de M. A...

Procédure devant la cour

I- Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 mai 2021 et le 11 avril 2022, M. A..., représenté par Me Hebmann demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 février 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler les décisions précitées du 14 février 2020, portant obligation de quitter le territoire français et fixant de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour celui-ci de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire doit être annulée car elle a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour ayant fait l'objet d'une annulation par le tribunal administratif de Dijon ;

- les documents présentés prouvent son identité ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 9 avril 2022, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L.761 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

II- Par une requête enregistrée le 31 mai 2021, le préfet de la Côte d'Or, représenté par Me Claisse, demande à la cour d'annuler le jugement n° 2000624 du 30 avril 2021 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a annulé la décision portant refus de titre de séjour du 4 février 2020, qui lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros.

Il soutient que :

- faute pour l'intéressé de justifier de son identité et de son âge par des documents dont l'authenticité ne peut être remise en doute, il ne pouvait lui délivrer le titre sollicité, quand bien même les autres conditions auraient été remplies ;

- il s'en remet à ses écritures de première instance en ce qui concerne les conclusions présentées en première instance.

Par un mémoire enregistré le 26 août 2021, M. A..., représenté par Me Hebmann conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour celui-ci de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- les documents présentés prouvent son identité ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions des 7 avril 2021 et 8 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- les observations de Me Boulieu, représentant le préfet de la Côte d'Or ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien, déclare être entré en France le 30 août 2017. A la suite d'une ordonnance de placement provisoire, il a été confié aux services de la protection de l'enfance de la Côte-d'Or. Il a demandé le 4 avril 2019 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décisions du 14 février 2020, le préfet de la Côte d'Or lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi au motif que sa véritable identité ne pouvait être établie. D'une part, par un jugement du 8 février 2021, dont M. A... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon, après avoir renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour et les conclusions accessoires dont elles sont assorties, a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation des décisions du 14 février 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. D'autre part, par un jugement du 30 avril 2021, dont le préfet de la Côte-d'Or relève appel, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision de refus de titre de séjour du 14 février 2020.

2. Les requêtes susvisées enregistrées sous les numéros 21LY01438 et 21LY01728 présentées pour M. A... et par le préfet de la Côte-d'Or concernent la situation d'un même ressortissant étranger, ont fait l'objet d'une instruction commune et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la tardiveté de la requête n°21LY01438 :

3. Il ressort des pièces du dossier que, le 1er mars 2021, M. A... a formulé, dans le délai d'un mois, auprès du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Lyon, une demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale afin de faire appel du jugement du 8 février 2021 qui lui avait été notifié. Par décision du 7 avril 2021, ledit bureau a accordé à l'intéressé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. La requête présentée par M. A... a été enregistrée au greffe de la cour le 5 mai 2021, soit dans le délai de recours d'un mois. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet doit être écartée.

Sur la légalité des décisions :

4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". En vertu de l'article 1er du décret susvisé n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'était civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet (...) ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

6. A l'appui de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L.313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... a produit un extrait " certifié conforme à la minute ", délivré le 12 février 2019, du jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance rendu le 5 juillet 2017 par le tribunal civil de Korhogo, ainsi qu'une copie certifiée conforme de l'extrait d'acte de naissance transcrit le 20 juillet 2017, en vertu de ce jugement, sur le registre d'état civil de la commune de Goulia. Ces deux documents indiquent que l'intéressé est né le 7 août 2001, de sorte qu'il était âgé de seize ans lorsqu'il a été pris en charge par les services de protection de l'enfance de la Côte-d'Or. Ces éléments sont corroborés par le passeport de l'intéressé ainsi que par le certificat de nationalité ivoirienne qu'il produit et qui mentionnent la même date de naissance. Pour remettre en cause l'authenticité de ces documents, le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur un rapport d'analyse documentaire établi par le bureau de la fraude documentaire de la police aux frontières qui, pour émettre " un avis défavorable sur l'ensemble des documents présentés " a relevé, s'agissant de l'extrait d'acte de naissance, des irrégularités tenant aux faits que les armoiries ne sont pas alignées et centrées et que les tampons humides à encre bleue sont illisibles et de très faible qualité et s'agissant du jugement supplétif, que l'extrait produit ne " permet pas de vérifier la cohérence du jugement supplétif original ". Toutefois, en se bornant à produire ce rapport et à faire ainsi état d'anomalies à caractère formel concernant l'acte de naissance produit par M. A..., sans relever notamment l'absence de cohérence des mentions portées sur l'extrait du jugement supplétif avec celles portées sur cet acte de naissance, le préfet n'apporte pas d'élément suffisant pour permettre de remettre en cause le caractère probant des documents produits par l'intéressé. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que M. A... devait être regardé comme établissant son identité ainsi que les conditions d'âge lui permettant de prétendre à la délivrance d'un titre d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Côte-d'Or, qui ne conteste pas la bonne insertion du requérant dans la société française, son sérieux dans le suivi de sa formation corroboré par les avis favorables émis à son encontre par la structure d'accueil, a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé sa décision portant refus de titre de séjour. Par voie de conséquence de cette annulation, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte de M. A... :

8. Le rejet de l'appel du préfet de la Côte-d'Or, qui repose sur la confirmation de la validité du motif de l'annulation prononcée par le tribunal, n'implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, aucune autre mesure d'exécution que celle déjà prescrite par le jugement attaqué du 30 avril 2021 conformément aux conclusions de M. A... devant le tribunal et alors que l'intimé ne conteste pas cette mesure. Il suit de là que les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées en cause d'appel par M. A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les conclusions présentées au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'État, partie perdante, doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A..., sous réserve qu'en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, l'avocate renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Côte d'Or est rejetée.

Article 2 : Le jugement n° 2000624 du 8 février 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. A... tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte-d'Or du 14 février 2020 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Article 3 : Les décisions du préfet de la Côte-d'Or du 14 février 2020 obligeant M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi sont annulées.

Article 4 : L'État versera une somme de 1 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me Hebmann, sous réserve de renonciation à percevoir l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 octobre 2022.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. BourrachotLa greffière,

A.-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°s 21LY01438-21LY01728

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01438
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HEBMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-27;21ly01438 ?
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