Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 10 août 2020 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2008284 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Marie, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Ain du 10 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour méconnaît l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination n'a pas été précédée d'un examen de sa situation particulière ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2021, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juillet 2021.
Par une ordonnance du 11 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 2 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain du 10 août 2020 refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable et dont les ressortissants marocains peuvent se prévaloir en vertu de l'article 9 de l'accord franco-marocain : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code précise que : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ".
3. Si les dispositions précitées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne créent aucun droit au renouvellement du titre de séjour d'un étranger dont la communauté de vie avec son conjoint de nationalité française a été rompue en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de ce dernier, de telles violences, subies pendant la vie commune, ouvrent la faculté d'obtenir, sur le fondement de cet article, un titre de séjour, sans que cette possibilité soit limitée au premier renouvellement d'un tel titre. Il incombe à l'autorité préfectorale, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'intéressé justifie la délivrance du titre à la date où il se prononce, en tenant compte, notamment, du délai qui s'est écoulé depuis la cessation de la vie commune et des conséquences qui peuvent encore résulter, à cette date, des violences subies.
4. Mme B..., ressortissante marocaine née le 15 avril 1996, est entrée sur le territoire français le 13 octobre 2018 sous couvert d'un visa de long séjour, valable jusqu'au 20 septembre 2019, qui lui a été délivré en qualité de conjointe d'un ressortissant français, épousé le 29 décembre 2017 au Maroc. Il ressort des pièces du dossier qu'elle a quitté le domicile conjugal le 23 décembre 2018 et a déposé plainte le jour même à l'encontre de son époux et du frère de celui-ci pour des actes de maltraitance qu'elle aurait subis la nuit précédente. Toutefois, cette plainte a, au terme d'une enquête, été classée sans suite en raison de l'insuffisante caractérisation des faits dénoncés, par ordonnance du 25 juillet 2019. En outre, si Mme B... a engagé une procédure de divorce dès le mois de décembre 2019, l'ordonnance de non-conciliation intervenue le 3 juillet 2020 ne fait pas état de violences conjugales. Dans ces circonstances, les deux attestations qu'elle produit, établies par un psychologue et une conseillère de la structure qui l'héberge sur le fondement de ses seules déclarations, ne permettent pas de tenir pour établie la réalité des violences conjugales qu'elle invoque. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Ain aurait méconnu les dispositions précédemment rappelées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre de séjour pour contester l'obligation de quitter le territoire français dont il est assorti doit être écarté.
6. En troisième lieu, si Mme B... soutient que les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant à la cour d'y statuer.
7. Enfin, contrairement à ce que prétend Mme B..., il résulte des termes mêmes de l'arrêté litigieux qu'avant de fixer le pays de destination de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre, le préfet de l'Ain a examiné sa situation privée et familiale, pour apprécier le respect des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, le moyen tiré du défaut d'examen préalable de sa situation personnelle dont Mme B... se prévaut à l'encontre de la décision fixant ce pays manque en fait et doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
9. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02548