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26/10/2022 | FRANCE | N°20LY02661

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 26 octobre 2022, 20LY02661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) d'annuler la décision du 3 décembre 2018 par laquelle le directeur régional de l'agriculture et de la forêt a implicitement refusé de mettre en demeure la SCV Des Pillets et la SARL de la Morcille de cesser d'exploiter une surface de 17,42 hectares au titre de laquelle il bénéficie d'une autorisation d'exploiter ; 2°) d'ordonner au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de procéder à une nouvelle instruction de sa demande tendant à ce qu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon : 1°) d'annuler la décision du 3 décembre 2018 par laquelle le directeur régional de l'agriculture et de la forêt a implicitement refusé de mettre en demeure la SCV Des Pillets et la SARL de la Morcille de cesser d'exploiter une surface de 17,42 hectares au titre de laquelle il bénéficie d'une autorisation d'exploiter ; 2°) d'ordonner au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de procéder à une nouvelle instruction de sa demande tendant à ce que la SCV Des Pillets et la SARL de la Morcille soient mises en demeure de cesser d'exploiter, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900868 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 3 décembre 2018, a enjoint au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de mettre en demeure la SCV Des Pillets et la SARL de la Morcille de cesser d'exploiter une surface de 17,42 hectares au titre de laquelle M. B... bénéficie d'une autorisation d'exploiter, dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par la SARL de la Morcille et la SCV Des Pillets sur le même fondement.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2020 et un mémoire en réplique, non communiqué, enregistré le 20 septembre 2021, la SARL La Morcille et la SCV Des Pillets, représentées par Me Bardet, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2020 ;

2°) de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la fraude à la loi n'est nullement démontrée ;

- c'est à tort que les premiers juges, après avoir relevé que les surfaces cumulées exploitées par la SARL La Morcille et la SCV Des Pillets étaient mises en valeur, directement ou indirectement, par M. C... du Jeu, ont considéré que ce sont les personnes morales qui auraient dû se soumettre au contrôle des structures, alors qu'elles n'y sont pas soumises ; il n'appartenait qu'à celui-ci de solliciter et d'obtenir une autorisation d'exploiter.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2020, M. A... B..., représenté par la SCP Desilets Robbe Roquel, agissant par Me Robbe, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCV Des Pillets et la SARL de la Morcille en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les société requérantes n'ont pas déposé de recours contre les mises en demeure de cesser d'exploiter du 6 août 2020 ; la fraude est définitivement établie, en droit et en fait ;

- l'exploitante unique des parcelles était la SCV Des Pillets, qui a déclaré que la SARL de la Morcille exploitait le surplus ; il était donc légitime que ces deux sociétés soient destinataires d'une mise en demeure de cesser d'exploiter.

Par un mémoire, enregistré le 17 septembre 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation s'en remet à la sagesse de la cour.

Par ordonnance du 17 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Goirand pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. La SCV Des Pillets et la SARL de la Morcille relèvent appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon, sur demande de M. A... B..., a annulé la décision du 3 décembre 2018 par laquelle le directeur régional de l'agriculture et de la forêt a implicitement refusé de mettre en demeure la SCV Des Pillets et la SARL de la Morcille de cesser d'exploiter une surface de 17,42 hectares au titre de laquelle il bénéficie d'une autorisation d'exploiter, et a enjoint au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de les mettre en demeure de cesser d'exploiter.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié, en l'absence de candidatures concurrentes, d'une autorisation tacite d'exploiter une surface de 29,86 ha situées sur le territoire de la commune de Villié-Morgon. Il a signalé le 26 septembre 2017 à la direction départementale des territoires du Rhône qu'il ne pouvait entrer en jouissance de parcelles, d'une surface de 17,42 ha, exploitées sans autorisation par la société SCV Des Pillets, propriétaire des terrains. La société SCV Des Pillets a été mise en demeure de régulariser sa situation. Celle-ci a informé la direction départementale des territoires du Rhône que les terrains étaient exploités par elle-même pour 8,0574 ha ainsi que par une autre société, la SARL de la Morcille pour 8,5644 ha, en vertu d'un bail consenti par la SCV Des Pillets. Si les surfaces ainsi déclarées comme mises en valeur par chacune des sociétés n'excédaient pas le seuil de contrôle, M. B..., par l'intermédiaire de son conseil, a sollicité la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) Auvergne Rhône-Alpes afin de constater que la SARL de la Morcille a été créée le 27 novembre 2017 dans le seul et unique but de contourner la législation sur le contrôle des structures et a demandé de mettre en demeure la SCV Des Pillets et la SARL de la Morcille de cesser d'exploiter lesdites parcelles en application du troisième alinéa de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime.

3. Pour annuler la décision de refus implicite du 3 décembre 2018 résultant du silence gardé par l'administration sur cette demande, les premiers juges ont fait droit au moyen de M. B..., tiré de la fraude.

4. Pour retenir que les surfaces cumulées, exploitées par la SCV Des Pillets et par la SARL de la Morcille, auraient dû être prises en compte par l'administration pour apprécier le respect du seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles, les premiers juges se sont fondés sur un ensemble d'éléments. Ils ont relevé que la SARL de la Morcille, créée le 27 novembre 2017, a pour associé majoritaire (92 %) la Foncière héritiers Saint Genys holding, dont le gérant est M. C... du Jeu, qui est également l'un des principaux actionnaires de la SCV Des Pillets (27,13 %), que l'épouse de M. C... du Jeu est co-gérante de la SARL de la Morcille, que M. C... du Jeu a déclaré être logé sur place pendant les vendanges et être salarié de la SCV Des Pillets et bénéficiait d'une délégation de pouvoir de la gérance " pour le compte en banque ". Ils se sont également fondés sur le procès-verbal, dressé le 11 septembre 2018, par lequel un huissier de justice a constaté sur le cahier destiné à la consultation de récolte et de vinification qu'aucune indication ne permettait de distinguer les cuves de la SCV Des Pillets et celles de la SARL de la Morcille et qu'aucune des cuves ne comportait d'indication de distinction de récolte entre ces deux sociétés. Les sociétés requérantes, qui ne contestent aucun de ces éléments, se bornent à soutenir, sans assortir ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, que la fraude ne serait pas établie.

5. En vertu de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime : " (...) Lorsque l'intéressé, tenu de présenter une demande d'autorisation, ne l'a pas formée dans le délai mentionné ci-dessus, l'autorité administrative lui notifie une mise en demeure de cesser d'exploiter dans un délai de même durée. (...). "

6. Comme il a été dit au point 2, en réponse à la mise en demeure qui lui a déjà été adressée le 6 octobre 2017, la SCV Des Pillets a elle-même indiqué que les terrains étaient exploités par elle-même et par la SARL de la Morcille. Alors que ces sociétés doivent être regardées, au sens et pour l'application de l'article L. 331-1-1 du code rural et de la pêche maritime, comme une seule et même exploitation agricole, et que les surfaces cumulées mises en valeur par ces deux sociétés excédent, ce qui n'est pas contesté, le seuil de contrôle fixé à 9,8 ha en viticulture pour la commune concernée dans le schéma directeur départemental des structures agricoles du Rhône, elles pouvaient légalement être destinataires de la mise en demeure prévue par les dispositions citées au point précédent, quand bien même les premiers juges ont relevé que ces surfaces étaient mises en valeur, directement ou indirectement, par M. C... du Jeu.

7. Il résulte de ce qui précède que la SCV Des Pillets et la SARL de la Morcille ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 3 décembre 2018 et a enjoint au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes de les mettre en demeure de cesser d'exploiter.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les sociétés requérantes demandent au titre des frais qu'elles ont exposés soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de la SCV Des Pillets et de la SARL de la Morcille le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par ce dernier.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCV Des Pillets et la SARL de la Morcille est rejetée.

Article 2 : La SCV Des Pillets et la SARL de la Morcille verseront solidairement la somme de 2 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCV Des Pillets, à la SARL de la Morcille, à M. A... B... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2022.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 20LY02661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02661
Date de la décision : 26/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BARDET LHOMME

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-26;20ly02661 ?
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