Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La Selarl MJ Synergie, agissant en qualité de liquidateur de l'association Etape Roanne, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 414 878 euros, outre intérêts et leur capitalisation, en réparation des préjudices subis en conséquence de l'illégalité fautive de la décision du 10 avril 2014 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) de Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi.
Par un jugement n° 2003421 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 21 août 2021, présentée pour la Selarl MJ Synergie, agissant en qualité de liquidateur de l'association Etape Roanne, il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2003421 du 22 juin 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de prononcer la condamnation demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'activité de contrôle des plans de sauvegarde de l'emploi relevait du régime de responsabilité pour faute lourde et non pour faute simple ; en tout état de cause, la faute commise par l'Etat présente les caractéristiques d'une faute lourde et aucune cause exonératoire ne peut faire obstacle à la condamnation de l'Etat ;
- compte tenu de la faute commise par les services de l'Etat et des préjudices directs et certains en étant résultés, tels qu'établis et détaillés dans ses écritures et pièces de première instance auxquelles elle se rapporte expressément, l'Etat devra donc être condamné sur le fondement de la responsabilité pour faute simple.
Par un mémoire enregistré le 21 février 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 janvier 2022 la clôture de l'instruction a été fixée au 25 février 2022.
Un mémoire, présenté pour la Selarl MJ Synergie, agissant en qualité de liquidateur de l'association Etape Roanne, enregistré le 28 septembre 2022, après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Jourda, pour la Selarl MJ Synergie ;
Une note en délibéré présentée pour la Selarl MJ Synergie a été enregistrée le 7 octobre 2022 ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association Etape Roanne, dont le siège est à Riorges (Loire), qui a pour objet l'emploi de personnes en situation de handicap dans le cadre d'un statut d'entreprise adaptée, est affiliée au groupe associatif AREPSHA (Association pour la rééducation et la promotion professionnelles et sociale des handicapés), dans le cadre d'une unité économique et sociale été constituée entre I'AREPSHA et les trois associations Etape Auvergne, Etape Roanne et Etape Saint-Etienne à la suite d'un accord conclu le 12 mars 2009. L'association Etape Roanne, qui connaissait des difficultés économiques depuis plusieurs années et qui avait déjà procédé à un premier licenciement collectif de neuf salariés à la fin de l'année 2012, a été placée par un jugement du tribunal de grande instance de Roanne du 17 juillet 2013 en procédure de sauvegarde de justice, période de sauvegarde renouvelée jusqu'au 15 janvier 2015, puis, compte tenu de ces difficultés, l'association Etape Roanne a engagé une procédure de licenciement économique collectif de cinquante salariés. Elle a sollicité, par courrier du 28 mars 2014, l'homologation du document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et, par une décision du 10 avril 2014, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) de Rhône-Alpes a homologué ce document unilatéral. Toutefois, par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 septembre 2014, confirmé par un arrêt de la cour du 5 février 2015, cette décision d'homologation a été annulée au motif que l'administration n'avait à tort apprécié le caractère adapté des mesures sociales d'accompagnement qu'au regard des moyens de l'entreprise. Par des jugements rendus par le conseil des prud'hommes de Roanne le 5 janvier 2017, confirmés par des arrêts de la cour d'appel de Lyon du 29 juin 2018, ont été fixées au passif de l'association Etape Roanne, dont la liquidation judiciaire avait entretemps été prononcée par un jugement du tribunal de grande instance de Roanne du 10 novembre 2015, les indemnités dues à chacun des salariés licenciés, sur le fondement de l'article L. 1235-16 du code du travail, en raison de l'annulation de la décision d'homologation du PSE et le CGEA (centre de gestion et d'étude AGS) de Chalon-sur-Saône a été condamné au paiement de ces sommes conformément aux dispositions de l'article L. 3253-8 du code du travail, relatif à l'assurance contre le non-paiement des sommes dues en exécution du contrat de travail, outre des sommes au titre des frais liés au litige. La Selarl MJ Synergie, agissant en qualité de liquidateur de l'association Etape Roanne, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 414 878 euros, outre intérêts et leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en conséquence de l'illégalité fautive de la décision du 10 avril 2014 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) de Rhône-Alpes a homologué le document unilatéral fixant le contenu du PSE. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, dans sa version applicable à la date de la décision d'homologation en cause : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du même code, dans sa version applicable à la date de la même décision : " L'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 et la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4. (...) Le silence gardé par l'autorité administrative pendant les délais prévus au premier alinéa vaut décision d'acceptation de validation ou d'homologation. (...) ".
3. Dans les conditions où il est organisé, l'exercice par l'autorité administrative du pouvoir d'homologation du document élaboré par l'employeur qu'elle tient de l'article L. 123357-3 du code du travail en matière de PSE, qui s'inscrit dans le cadre d'un contrôle complexe soumis à des délais brefs aux termes desquels le silence gardé par l'administration fait naître une décision implicite d'acceptation de l'homologation, ne peut engager la responsabilité de l'Etat que si l'exercice de ce contrôle révèle l'existence d'une faute lourde commise par l'administration.
4. Il résulte de l'instruction que si, à la date à laquelle cette décision a été prise, l'administration a entaché d'une illégalité fautive la décision du 10 avril 2014 homologuant le document fixant le contenu du PSE de l'association " Etape Roanne " en appréciant le caractère adapté des mesures adoptées par ledit plan au regard des seuls moyens dont disposait l'entreprise, sans prendre en compte ceux de l'unité économique et sociale et ceux du groupe associatif auxquels appartient l'association " Etape Roanne ", l'erreur ainsi commise par le direccte de Rhône-Alpes n'a pas constitué, dans les circonstances de l'espèce, caractérisées par la nécessité d'opérer dans un bref délai le contrôle complexe d'un document qu'il revenait à l'employeur d'élaborer, même si l'administration a pu intervenir au cours de la phase d'élaboration du document par des recommandations, et qui ne comportait lui-même aucune mesure adaptée à l'unité économique et sociale au sein de laquelle était l'association " Etape Roanne ", alors qu'il lui incombait de prévoir de telles mesures conformément aux dispositions précitées de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat, l'autorité administrative devant au demeurant, en application de la règlementation applicable à ce jour, homologuer le PSE d'une entreprise, lorsqu'elle est placée en redressement ou en liquidation judiciaire, après s'être assurée du respect des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail au regard des seuls moyens dont dispose cette entreprise.
5. Il résulte de ce qui précède que la Selarl MJ Synergie, agissant en qualité de liquidateur de l'association Etape Roanne, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, d'une somme au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Selarl MJ Synergie, agissant en qualité de liquidateur de l'association Etape Roanne, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Selarl MJ Synergie, agissant en qualité de liquidateur de l'association Etape Roanne et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
S. Lassalle
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02836
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